La Démocratie : un mot ?
Si l’on s’en tient à l’étymologie, La démocratie signifie le « gouvernement où le peuple exerce sa souveraineté » , ce qu’on pourrait traduire autrement en disant que c’est « un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » , mais comme nous avertit Rousseau « A prendre le terme dans la rigueur de l’acceptation, il n’a jamais existé de véritable démocratie et il n’en existera jamais », puisque le peuple , le « Démos » n’exerce pas le pouvoir mais le délègue à ses représentants ou ce qu’il croit être comme tels.
Il n’y a donc pas de « démocratie directe », il ne peut y avoir que de « démocratie indirecte » !
La rhétorique politique, le langage sociologique et le discours philosophique ont, à vrai dire, aujourd’hui du mal à définir ce que recouvre ce mot de démocratie, un concept en son essence polysémique et paradoxal, d’où les multiples usages, emplois et réemplois de ce mot.
Qu’on parle de « démocratie représentative », de « démocratie libérale », de « démocratie inclusive et participative », de « démocratie directive »( 1) – que sais-je encore !- le champ lexicologique et sémantique du mot est si étendu et vaste qu’il se prête à toutes les confusions et interprétations possibles. La démocratie est un mot bâtard qui se mélange à toutes les sauces.
Mais il y a au moins une assertion sur laquelle tous les esprits, aussi divergentes et contradictoires que puissent être leurs opinions sur la démocratie, pourraient s’accorder : « La démocratie se doit d’être une création continue ». Cette affirmation que nous tenons pour vraie et indiscutable nous l’empruntons à Clémenceau !
Comme processus en soi indéfini de création et de re-création, « la démocratie est d’abord un état d’esprit » (selon le mot de Pierre Mendés France), car il ne peut y avoir de démocratie sans démocrates ! On nous a appris (à l’école et par les médias) que le contraire de la démocratie c’est l’anarchie, qu’à cela ne tienne! Mais on devrait tout autant nous apprendre que « la pire des démocraties est beaucoup plus préférable à la meilleure des dictatures » et que toute forme d’autoritarisme est en soi exécrable autant que l’est tout pouvoir qui repose sur la force, la ruse et l’arbitraire.
Et la pire injustice qu’on puisse faire à un peuple, c’est de le priver de pain et de liberté ! Le grand Montesquieu disait que « la démocratie a deux excès à éviter : l’esprit d’inégalité qui le mène à l’Aristocratie et l’esprit extrême qui le conduit au despotisme d’un seul… ».
Nos devanciers ont tout dit ou presque, de sorte que nous ne faisons que platement les parodier, les plagier sous les oripeaux de pensées prétendument neuves et novatrices. Que n’a-t-on pas, en effet , imaginé pour définir avec des « néologismes » et de doctes mots-et seulement en apparence- ce qui avait été si bien réfléchi, pensé et formulé par les anciens ou par ces esprits brillants, pénétrants, sagaces, parmi les générations qui nous ont précédées !
Notre époque ,caractérisée par un comportement de prédation , de parasitisme et de mimétisme, est celle du libéralisme réformateur triomphant, où on a vu des démocraties intervenir contre à peu près tout, sauf contre les fascistes autocrates et autres despotes éclairés, or cela seul devrait nous faire prendre conscience de la nature ambigüe et controversée de nos « démocraties modernes » et nous pousser à réfléchir davantage sur l’avenir et le destin de nos sociétés, ici ou ailleurs.
A supposer qu’on puisse parler de démocratie, il y a un minimum de principes, à partir desquels on peut tant soit peu caractériser une « démocratie progressiste ». Une démocratie pour fonctionner, peu ou prou, doit reposer, ce me semble, sur quatre piliers fondamentaux que sont :
-l’Etat de Droit (qui passe aussi par le respect du droit des minorités)
-La séparation (effective) des pouvoirs
-L’organisation d’élections (périodiques) libres et transparentes, l’éventualité du vote référendaire et enfin
– Une politique alternative (respect du principe de l’Alternance dans son fond et sa forme).
Toutefois, il est à remarquer que « l’Idéal démocratique » est souvent loin « du réel démocratique », si je puis m’exprimer ainsi…
Moctar Gueye-Professeur de philosophie
-NOTES EN BAS DE PAGE(1) : « démocratie réelle », « démocratie formelle » , « démocratie consensuelle », « démocratie pluraliste et apaisée », et la liste n’est pas close.
PS : La direction de KLINFO rappelle que l’auteur de ce texte n’est pas un journaliste de la rédaction de KLINFOS mais un contributeur dont nous diffusions l’opinion et ce dans une dynamique de libre expression plurielle.