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«Pourquoi l’infanticide est un problème au Sénégal» : les extraordinaires témoignages de « mère-tueuses » enfermées à la prison de Thiès

infanticide est un problème au Sénégal
infanticide est un problème au Sénégal

Avec le soutien de International Women’s Media Foundation, les journalistes indépendantes Ricci Shryock et Allyn Gaestel ont fait un reportage sur les femmes emprisonnées au Sénégal pour infanticide. Dans le cadre de ce travail, les deux journalistes ont fait parler des femmes sénégalaise emprisonnées à la prison de Thiès. Des témoignages glaçants qui font froid dans le dos.

Le Sénégal est un pays majoritairement musulman. Dans un tel pays, les pratiques telles que l’infanticide – la deuxième raison la plus fréquente pour laquelle les femmes sont en prison au Sénégal après le trafic de drogue – y sont forcément très mal vue. Ce qui ne favorise pas des témoignages de la part ces femmes fortement marginalisées dans une société profondément religieuse. Pourtant presque impossible aux médias locaux qui voient en ces femmes «des monstres », comme l’a déclaré Amy Sakho, avocate à l’Association des femmes juristes sénégalaises, un groupe de deux journalistes indépendantes a réussi à faire parler des sénégalaises emprisonnées à la prison de Thiès pour le délit d’infanticide.

À travers leur dossier publié sous le titre «Pourquoi l’infanticide est un problème au Sénégal» les deux journalistes connues pour leur travail déjà publié sur de grands médias comme «The New York Times», «The Gardian », «The Washington Post» ou encore «Al Jazeera», ont réussi à recueillir des témoignages exclusifs de ces «mère-meurtrières» depuis la prison où elles sont enfermées.

Fatou (nom d’emprunt) a déclaré aux journalistes que son mari était absent de la maison pendant sept ans et cherchait du travail en Mauritanie, puis au Gabon. Et que pendant ce temps, elle a couché avec un autre homme – juste une fois – et est tombée enceinte. Poursuivant sa narration elle raconte avoir été victime de sorcellerie. Elle an en effet, dit que l’homme lui avait jeté un sort pour la séduire: « Je n’ai jamais été une femme facile. Je ne sais tout simplement pas ce qui m’a poussé à faire un tel choix». Vivant avec sa belle-famille, elle a essayé de dissimuler sa grossesse. «Certains membres de la famille l’ont soupçonné, mais chaque fois, j’ai nié le fait, jusqu’à l’accouchement», a-t-elle déclaré. Un accouchement qu’elle fera quelques temps après dans sa chambre, seule et sans assistance. «Je me suis évanouie après l’accouchement», dira-t-elle,  indiquant que le bébé était mort-né et que sa famille l’avait retrouvée avec l’enfant dans la chambre.

Mais très correcte que cela puisse paraîtres, l’histoire Fatou racontée par Fatou semble très loin de la réalité. «Dans son dossier, il y a une photo du corps de l’enfant, qui vient d’être retirée de la fosse septique», renseignement les journalistes.

LIBRE APRÈS 3 ANS D’EMPRISONNEMENT

Emmanuelle (nom d’emprunt) avait environ 12 ou 13 ans quand elle s’est mariée. Elle a eu son premier enfant peu après. Après son troisième enfant, son mari est décédé. Elle ne s’est jamais remariée mais a eu quatre autres enfants avec un autre homme. Quand ce dernier est devenu aveugle, elle est devenue le seul soutien de la famille. Pour vivre, elle  transporte des bassins d’eau d’un puits à un chantier de construction situé à proximité et vendant de l’eau potable aux maçons.

Au cours de sa huitième grossesse, elle a poursuivi son travail et a déclaré qu’elle était épuisée et ne gagnait que quelques dollars par jour. Lors de l’accouchement à la maison, Emmanuelle a déclaré que le bébé était mort-né et qu’elle l’avait enterré dans son jardin. Deux jours plus tard, la police est arrivée et l’a arrêtée. Elle a été reconnue coupable d’infanticide et condamnée à six ans de prison. Après trois ans, elle a été libérée pour bonne conduite.

LE NOURRISSON A ÉTÉ JETÉ DANS UNE FOSSE SEPTIQUE – ET A SURVÉCU

Nafi (nom d’emprunt) est une miraculée. Sa mère Bineta (nom d’emprunt) a essayé de la tuer le jour de sa naissance. Bineta était une élève lorsqu’elle est tombée enceinte. «Je n’ai pas eu la tête pendant la grossesse. Je n’ai jamais été malade. La seule chose à laquelle je pensais, c’était mes études », a-t-elle déclaré au groupe de journalistes.

Elle a accouché à la maison avec son petit ami, qui, selon ses dires, lui a conseillé de jeter le bébé dans la fosse septique. Ils l’ont fait, puis Bineta est allé à l’école. Elle s’est évanouie et ses professeurs l’ont emmenée à l’hôpital, où les médecins ont déterminé qu’elle venait d’accoucher. Bien qu’elle l’ait nié, la police est rentrée chez elle et a trouvé le nouveau-né vivant dans la fosse septique. Nafi a encore une cicatrice sur la joue et son visage a heurté le bord du réservoir lorsque ses parents l’ont lancée. « Quand j’ai appris que mon bébé a survécu, j’ai beaucoup pleuré, j’ai regretté ce que j’avais fait. Je disais toujours, si on jour où Dieu me donne un enfant, je m’en occupe», raconte-t-elle. Maintenant âgée de trois ans, Nafi vit avec sa grand-mère maternelle alors que sa mère est en prison pour tentative d’infanticide. Il faut signaler que dans leur dossier, les journalistes ont donné la parole à plusieurs acteurs politiques, judiciaires, sanitaires etc.

 

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