Politique

Débat présidentiel télévisé : Africa Check dément la déclaration du ministre El Hadji Hamidou Kassé et conforte les «amoureux de la démocratie»

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le président Museveni débattant avec ses opposants En Ouganda

Le groupe de vérification des faits à but non lucratif et non partisan, créé en juin 2012, dans le dessein déclaré d’améliorer la collecte d’informations en Afrique, Africa Check, s’est en effet saisi de la fameuse déclaration d’El Hadji Hamidou Kassé, soutenant implicitement que nulle part au monde un chef d’État n’a débattu en marge d’élection. Cette sortie du boss de la communication du Palais avait fini d’«attrister» les plus démocrates d’entre les Sénégalais, qui espéraient inaugurer une nouvelle étape vers la maturité démocratique avec la présidentielle du 24 février. Mais la donne va peut-être changer.

«Mais vous ne l’avez jamais vu dans un seul pays. Si vous pouvez me citer un seul pays où le chef de l’État descend sur les plateaux (et) dans les studios pour débattre avec d’autres candidats, vous me le dites», a affirmé El Hadji Hamidou Kassé, il y a quelque temps.

Mais, la déclaration du ministre conseiller est-elle fondée ? Le groupe de vérification a tenté d’en savoir plus. Ainsi, dans le but de savoir sur quelles preuves se base El Hadji Hamidou Kassé, Africa Check l’a contacté.

«Aujourd’hui, au moment où je vous parle, le Président Macky Sall ne peut pas descendre sur les plateaux pour discuter tous les jours avec un de ses adversaires. Les gens disent qu’il faut que Macky Sall débatte avec Idrissa Seck, [Ousmane] Sonko, Karim Wade, Hadjibou Soumaré, entre autres, mais pourquoi débattrait-il avec eux ?
Le débat, il est à l’Assemblée nationale, entre la majorité et la minorité», a répondu le ministre conseiller.

Très sûr de sa position, «l’ancien» journaliste indique que «le rôle d’un chef d’État n’est pas de débattre avec des opposants. Le rôle du chef de l’État, c’est de décider au nom de la Nation. Maintenant, ce sont les partis politiques qui peuvent débattre entre eux». Et d’ajouter pour finir : «sur quels critères le Président devrait-il faire face à ses opposants ? Avez-vous déjà vu même un chef d’État sortant débattre avec des opposants ? Cela n’existe pas».

Le ministre conseiller bluffait-il en faisant cette déclaration catégorique ? Sur quoi s’est-il fondé pour faire cette déclaration ?… En tout cas, une chose est sûre, au moins une fois, un président africain a débattu avec ses opposants. Puisqu’en Ouganda, le président Museveni a débattu avec ses opposants, lors d’un débat télévisé.
«C’est le cas en Ouganda où, le 13 février 2016, des télévisions et radios ont retransmis en direct un débat entre les huit candidats à l’élection présidentielle, y compris le Président sortant Yoweri Museveni», a vérifié Africa Check, qui précise que parmi les sept autres candidats, figurait également le chef de l’opposition ougandaise Kizza Besigye et que le débat s’est tenu dans un hôtel à Kampala, la capitale.

L’évènement a été salué par les médias ougandais comme une victoire pour la démocratie, car le Président Yoweri Museveni acceptait pour la première fois de participer à un débat avec ses opposants.

Au Kenya, le débat entre candidats à l’élection présidentielle a été introduit en 2013. Et la première édition avait opposé huit candidats. Le Président sortant n’était pas candidat à sa succession. La deuxième édition organisée en 2017 a été boycottée par le Président-candidat Uhuru Kenyatta.

En Côte d’Ivoire, en 2010, le candidat-Président Laurent Gbagbo et son challenger au second tour, Alassane Ouattara, actuel président de la République, se sont affrontés sur un plateau de télévision. Le débat a été qualifié de «courtois» par les observateurs.

Un débat présidentiel télévisé est, en effet, devenu une tradition pour beaucoup de pays africains qui ont adopté une telle pratique. Et ces discussions se tiennent pourtant loin de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, ne mettant pas nécessairement en jeu une majorité et une minorité. En conséquence, l’affirmation du ministre conseiller du président de la République est fausse.

Il y a quelque temps, des Sénégalais ont favorablement répondu à l’enquête réalisée en ligne par la plateforme de démocratie participative sénégalaise, Sunuvote, demandant aux Sénégalais s’ils étaient pour ou contre un débat télévisé entre les candidats à la présidentielle du 24 février 2019.

L’enquête a été réalisée dans la période de 28 août au 15 septembre 2018 et plus de 5000 personnes ont été interrogées, 2100 d’entre elles ont répondu. Et d’après les résultats, 99% des personnes sondées se sont dit favorables à un débat télévisé pour les candidats à la Présidentielle. «Chiffre très révélateur lorsqu’on sait qu’au Sénégal, jamais il n’y a eu de débat opposant les prétendants à la magistrature suprême», a commenté le document, dont une copie nous est parvenue.

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