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[Tribune] Analyse : la tentation du média d’Etat – Jean Meissa Diop

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Des micros de médias sénégalais

Un média public est-il un média d’Etat ? En d’autres termes, a-t-il vocation à être la voix de l’Etat qui le finance ? Des éléments de réponse avec notre chroniqueur Jean Meissa Diop.

Jean Meissa Diop Journaliste-formateur, et conseiller au CNRA

Jean Meissa Diop Journaliste-formateur, et conseiller au CNRA

Un « média public n’est pas un média d’Etat ». Cette leçon de la Société des journalistes (SDJ) de Radio France internationale au Premier ministre français aurait pu être donnée aussi par des journalistes de pays africains où les médias du service public sont alignés – au corps défendant des rédacteurs – dans des activités qui font plutôt la promotion du pouvoir politique.

Des médias politisés et monopolisés par le  régime au pouvoir sans toujours être orientés vers ce qui aurait pu être leur vocation et leur ligne éditoriale de service public. « Média d’Etat est un abus de langage », assène Ben Ismaël, chroniqueur du portail ivoirien www.abidjan.net.

Quand on fait l’état des lieux de la fonction disponible des « Média d’Etat », analyse le chroniqueur, il n’y a pas de changement dans son rapport avec « l’Etat » qui concerne tout le monde. « L’Etat » c’est tout le monde. Forcément le bien de l’Etat appartient à tout le monde. Dans ce cas, nous nous comprenons déjà, mais en Afrique « média public » et « Média d’Etat » provoquent des incompréhensions et des débats ».

C’est parce que le gouvernement français a voulu que les médias français du service public (regroupés en une société dénommée France Médias Monde et qu’on a voulu être « une BBC à la française ») promeuvent la diplomatie de Paris que le chef du gouvernement français a subi, pour sa gouverne, la réplique de la SDJ de RFI. « RFI n’a pas vocation à être la voix de la France », souligne la SDJ de RFI dans un tweet.

« Nous sommes, avant tout, des médias internationaux de service public (…) Nous n’avons pas à faire la promotion d’une ligne diplomatique portée par l’un ou l’autre président. » Une réplique qui relance la controverse sur les notions de « média public » et « média d’Etat » et l’usage abusif que, dans des pays africains et d’ailleurs, des gouvernants peuvent faire de médias qui, parce qu’ils sont financés par l’Etat et relèvent de la propriété de l’Etat, doivent et/ou peuvent être utilisés à des fins politiques et politiciennes, abusives de toutes façons.

C’est que, en France et dans bien d’autres pays à travers le monde, un média d’Etat est forcément un média public, l’un et l’autre étant interchangeables. Très peu de personnes, en dehors des spécialistes, de journalistes ne saisissent la nuance introduite par le fait qu’aussi bien le média public  que le média d’Etat sont financés par des fonds de l’Etat.

Le Réseau du savoir électoral ACE établit une distinction fort édifiante qui aide à mieux comprendre la subtilité. Ainsi, il y a « les médias publics qui puisent à même le Trésor pour présenter une programmation qui est dans l’intérêt de la population en général. Ils n’appuient aucun parti politique, pas même le parti au pouvoir ».

« Les médias nationaux qui appartiennent à l’État et utilisent aussi l’argent du Trésor public. Ils sont également contrôlés directement par l’État ».

« Les médias du gouvernement qui sont la propriété du parti au pouvoir et qui utilisent également l’argent du Trésor public. Ils sont aussi contrôlés par le parti au pouvoir », explique l’article d’ACE.

En Afrique, cette  confusion remonte à bien longtemps. Par exemple, rappelle ACE, « les radiodiffuseurs des pays coloniaux comme ceux des régimes britanniques et français, qui étaient basés sur les convenances plutôt que sur de fermes garanties légales, jouissaient très peu de l’indépendance de leurs confrères métropolitains. Une fois indépendants, les gouvernements des pays post-colonialistes ont maintenu la tradition de  »radiodiffuseur au service du gouvernement ». Ce phénomène a presque fait disparaître la distinction nette qui existait en principe entre les médias du gouvernement et les médias publics ».

« Cette distinction demeure toutefois importante. Le modèle de radiodiffuseur public reposait sur un principe qui est toujours justifié pour la plus grande partie du monde et qui veut que les médias privés ne peuvent à eux seuls garantir le pluralisme de la radiodiffusion. Le problème, toutefois, est que les médias des gouvernements ont, eux aussi, largement failli à cette tâche. Dans plusieurs pays, l’arrivée des médias privés a poussé les gouvernements à exercer un contrôle éditorial des médias publics. »

Le modèle incontesté de média public est la British Broadcasting Corporation (BBC britannique) dont la Revue des médias de l’Institut national de l’audiovisuel français dit que la « meilleure preuve d’indépendance est bien que la BBC réussit à se faire des ennemis de gouvernements de toute couleur politique ».

Ce modèle britannique, bien des publics en rêvent, mais il restera un idéal dont bien des pouvoirs politiques ne voudront pas, parce qu’autrement ils seraient en contradiction avec leur souhait que les médias publics fassent leur promotion politique. Alors, les médias ainsi politisés et monopolisés resteront à libérer.

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