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« J’ai vu le démon dans l’être humain » : au Rwanda, 25 ans après le génocide, les survivants ont pardonné mais n’oublient pas

Victimes génocide rwanda
victimes du génocide rwandais

C’est tout un pays qui va se recueillir à partir de dimanche 7 avril, pour les commémorations du 25ème anniversaire du génocide. Une période de deuil national de 100 jours a été décrétée en souvenir des 800 000 victimes. Cent jours, comme le temps qu’a duré ce massacre de masse contre les Tutsis et les Hutus modérés, entre avril et juin 1994.

Depuis le génocide, 25 ans ont passé et ce petit pays de la région des Grands Lacs a réussi à se reconstruire. Mais cette période de commémorations est toujours très difficile à vivre pour les survivants et les proches de victimes. Le traumatisme est encore vivace.

Le regard de Toussaint Nosisi se perd dans le vague quand il évoque sa famille. Au printemps 1994, ses parents, ses trois frères et sa soeur ont péri sous les coups de machette de leurs bourreaux. « C’était dur, trop dur. Ce n’est pas facile à évoquer. Ce n’était pas la folie. C’était autre chose qu’on ne sait pas qualifier. » 

Toussaint Nosisi dans le Mémorial de Kigali, au Rwanda
Toussaint Nosisi dans le Mémorial de Kigali, au Rwanda (JÉRÔME VAL / FRANCE-INFO)

Le pardon pour « continuer à vivre »

Toussaint Nosisi s’est reconstruit. Il travaille dans l’exportation de thé, il s’est marié, a trois enfants. Mais 25 ans après l’indicible, il n’oubliera jamais. « Personnellement, je me dis que j’ai pardonné mais je ne peux pas oublier. Le pardon, c’est ce qui nous fait vivre, continuer à vivre. Pour aussi aider nos descendants qui ne devraient pas souffrir ce qu’on a vécu. »

Toussaint Nosisi se rend régulièrement au Mémorial de Kigali. Construit à la fin des années 90 et inauguré en 2004, il est situé sur une colline au nord de la ville. Il abrite les restes de 250 000 victimes. C’est le le plus important des 267 lieux de mémoire du pays. En un quart de siècle, le Rwanda a relevé en partie le défi de l’unité nationale.

Omar Ndizeyé est lui aussi un rescapé. « Ici on est à Nyamata, là où mon père a été tué pendant le génocide et aussi une partie de ma famille ». En 1994, il a dix ans et survit au massacre de l’église de Nyamata, au sud du pays : 5 000 Tutsis exterminés en trois jours. Dans cette ville construite sur une quinzaine de collines, plus de cinq Tutsis sur six ont été massacrés en un mois. « Quand je suis ici, je vois ce mélange de cadavres de vaches, des enfants, des papas et des mamans. Je vois ce que les autres ne voient pas. » 

Omar Ndizeye devant l\'église de Nyamata le 1er mars 2019
Omar Ndizeye devant l’église de Nyamata le 1er mars 2019 (JÉRÔME VAL / FRANCE-INFO)

80% des Rwandais n’ont pas connu le génocide

Aujourd’hui, le jeune homme milite dans une association qui oeuvre pour la paix et la réconciliation, Never Again Rwanda (« Plus jamais ça au Rwanda »).  « Ce que Never Again Rwanda fait, c’est organiser ce dialogue communautaire, organiser les espaces thérapeutiques pour que les gens parlent. Tu te demandes peut-être pourquoi je me suis investi dans ce travail. Parce que j’ai vécu ce qui s’est passé ici. Je sais ce que l’homme est capable de faire. J’ai vu le démon dans l’être humain. »
Cette association s’adresse notamment aux jeunes, les générations qui n’ont pas directement vécu le génocide. Au Rwanda, 80% de la population a moins de 25 ans.

Les restes de plus de 250 000 victimes du génocide sont rassemblés dans le Mémorial de Kigali 
Les restes de plus de 250 000 victimes du génocide sont rassemblés dans le Mémorial de Kigali  (JÉRÔME VAL / FRANCE-INFO)

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