Enquête Occrp sur la Gambie : Nkrumah Sané rejette l’enquête du consortium de journalistes et accuse le Sénégal de vouloir salir l’ex-Président Yaya Jammeh
La récente enquête d’un groupe de journalistes d’investigation regroupés au sein du consortium Occrp, qui met à nu un pillage en règle des forêts de la région naturelle de la Casamance, n’est pas pour plaire au Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) ou du moins son secrétaire général (autoproclamé) Mamadou Nkrumah Sané. Le leader du mouvement rebelle regrette que le Mfdc n’ait jamais été consulté par les journalistes-enquêteurs, pour donner sa version, d’autant que le mouvement est nommément cité dans l’enquête. Accusant le Sénégal, il assure que l’enquête a été faite à dessein et dans le seul but de salir l’ex-Président gambien Yaya Jammeh.
Dans une enquête publiée le 27 mars dernier, le Projet de signalement du crime organisé et de la corruption (Occrp) révèle que l’ancien Président gambien a volé près de 1 milliard de dollars (environ 500 milliards de francs Cfa) lors de son exil, il y a deux ans. L’enquête démontre un système de spoliation de la Gambie par son ancien chef d’Etat, Yaya Jammeh. Mais aussi et surtout un pillage en règle de la forêt casamançaise.
Une affirmation du consortium de journalistes que le Mfdc, par la voix de son Secrétaire général (autoproclamé), trouve plus que scandaleuse. En effet Mamadou Nkrumah Sané s’est entretenu avec «Les Échos» à propos de cette affaire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas content. Loin de là.
«Ce dont je suis sûr, c’est que c’est une enquête bidon… Elle a été commanditée pour nuire au Président Yaya Jammeh. Les autorités sénégalaises ont un conflit casamançais qu’elles ne peuvent pas régler, alors elles accusent tantôt la Guinée-Bissau tantôt la Gambie», a-t-il dit pour commencer. Interpellé sur la vraie question à savoir celle du trafic du bois en Casamance, le chef rebelle s’interroge : «c’est quoi la mission des militaires sénégalais qui sont en Casamance ?» Une lapidaire réponse qui nous pousse à revenir à la charge. Là il invite à lire le livre du Colonel Abdoulaye Aziz Ndao : «Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise», sans entrer dans les détails.
Il finira tout de même par évoquer la question. Et c’est pour dire que «le Sénégal est le principal commanditaire de toutes les enquêtes à répétition contre ses voisins immédiats que sont la Gambie et la Guinée-Bissau». Ainsi, il regrette, pour les enquêtes où le nom du mouvement rebelle a été cité, que la version du Mfdc n’ait jamais été prise. Et si on lui demande ce que compte faire leur mouvement à ce propos, le chef rebelle, qui rejette tout idée de plainte contre l’Occrp, indique que leur problème, c’est avec l’État du Sénégal et nulle autre organisation.
Négociations
Sur les négociations entre le Mfdc et l’État du Sénégal pour une paix définitive en Casamance, il fait savoir que la balle est dans le camp de l’État du Sénégal. «C’est à l’État du Sénégal qu’il faut poser cette question», répond-il, se marrant de ceux qui indexent la division au sein du mouvement rebelle. «Si Atika est divisé, qu’attend l’armée sénégalaise pour finir son travail en Casamance?», se demande-t-il.
Ce que dit le rapport
Pour revenir au trafic de bois et comme le laisse entendre l’ancien responsable de la gestion des forêts au Sénégal, Babacar Salif Guèye, la quasi-totalité des exportations de bois de rose de la Gambie vers la Chine provenait des forêts sénégalaises. «99% de toutes les grumes de bois de rose exportées vers la Chine proviennent de forêts sénégalaises et non de Gambie», assure-t-il. Pour corroborer la déclaration de l’officiel sénégalais, les journalistes-enquêteurs convoquent les chiffres officiels de l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), qui notent que «la Gambie produit peu de bois précieux» et que «seulement 3% du pays est densément boisé et une grande partie du bois est tordue ou endommagée d’une autre manière». Mais si Yaya Jammeh a pu piller des forêts situées dans le territoire sénégalais, c’est que croient savoir les journalistes-enquêteurs, il s’est allié au Mfdc. «Le groupe de rebelles aurait obtenu 19,5 millions de dollars du commerce illégal de bois entre 2010 et 2014, selon un rapport de Forest Trends, une organisation caritative environnementale américaine», rapporte l’enquête.
Sidy Djimby NDAO -Les Échos