Enquête d’Afrobaromètre sur les libertés en Afrique : les Sénégalais pour une réglementation du discours religieux par l’État
Les Africains voient leurs libertés individuelles diminuer et beaucoup sont disposés à renoncer à certaines libertés au moins pour des raisons de sécurité. Le Sénégal ne fait pas exception à ce qu’il être un paradoxe dicté par le défi sécuritaire dans la sous-région et un peu partout en Afrique. C’est en tout cas ce que rapporte les résultats d’une nouvelle enquête d’Afrobaromètre parcourue par KLINFOS et qui indique 66% des personnes sondées au Sénégal sont pour une réglementation du discours religieux par l’État.
Les libertés ne cessent de diminuer en Afrique. Mais également au Sénégal. Selon une nouvelle enquête du projet d’enquête et de recherche Afrobaromètre. Pour en arriver à cette conclusion, Afrobaromètre s’est basé sur de récents sondages d’opinion menés dans 34 pays. Les quels sondages indiquent que, dans la plupart des pays africains, les évaluations des citoyens sur leur liberté et sur la prudence avec laquelle elles doivent exercer leurs droits se sont détériorées considérablement au cours de la dernière décennie. En outre, la demande populaire en matière de liberté d’association s’est affaiblie et les Africains ont exprimé une volonté généralisée d’abdiquer à certaines libertés pour renforcer leur sécurité.
Aussi Afrobaromètre a demandé aux répondants s’ils appuyaient la liberté absolue d’expression religieuse ou si le gouvernement devrait avoir le pouvoir de règlementer ce qui se dit dans les lieux de culte. Sur cette question, le public est beaucoup plus divisé : 49% sont en faveur d’une liberté totale d’expression religieuse, tandis que 47% tolèreraient que le gouvernement règlemente la liberté d’expression religieuse. C’est en Tunisie (21%), au Mali (23%), et au Sénégal (31%) que les niveaux de soutien à la liberté religieuse sont les plus faibles.
À l’opposé, les deux tiers des Malawites (68%) et des Malgaches (66%) adoptent un discours religieux non-réglementé. Dans tous les pays, 53% des chrétiens soutiennent une liberté de culte complète, contre 42% des musulmans.
📢 NEW REPORT: In Africa, popular support for freedom of association has declined modestly but steadily over the past decade. https://t.co/rr8jVh0vHi#VoicesAfrica #CivicFreedom pic.twitter.com/Tw4I5dEWHj
— Afrobarometer turns 20 🎉 (@afrobarometer) 23 avril 2019
La comparaison des réponses au niveau des pays à ces quatre questions concernant la liberté (d’association) et les compromis entre liberté et sécurité permet de déterminer quels pays sont systématiquement pour ou contre une plus grande liberté́ (Tableau 1). Les réponses indiquées correspondent au pourcentage de personnes interrogées qui seraient favorables, ou du moins tolérantes, à une limitation des libertés individuelles. Seuls quelques pays enregistrent systématiquement de faibles niveaux de soutien (50% ou moins) pour tous les types de restrictions, y compris l’Afrique du Sud, le Maroc, le Cabo Verde, São Tomé et Principe, le Zimbabwe, et le Mozambique. São Tomé et Principe est le seul pays où 30% ou moins des citoyens sont favorables à une limitation des libertés pour trois des quatre indicateurs.
À l’opposé, aucun pays ne montre un soutien supérieur à 50% (en rouge) pour les quatre indicateurs, mais le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Cameroun, le Niger, la Tunisie, la Sierra Leone, et le Liberia montrent tous un soutien majoritaire aux restrictions pour trois des quatre indicateurs. Les réponses au Mali sont particulièrement révélatrices du pouvoir de l’insécurité et de l’insurrection pour limiter le soutien aux libertés. Si les Maliens se classent dans la meilleure catégorie (bleu foncé, <31% de soutien) en ce qui concerne la tolérance générale des limites gouvernementales à la liberté d’association, lorsqu’il s’agit de compromis entre liberté et sécurité, ils sont à l’autre extrémité du spectre : Après les bouleversements des sept dernières années, les trois quarts ou plus des Maliens soutiennent constamment la sécurité avant la liberté. La plupart des autres pays qui font partie du groupe des « trois points rouges » ont également été victimes d’attentats terroristes perpétrés par des extrémistes violents, ce qui peut porter atteinte à l’engagement populaire en faveur des libertés individuelles et des droits civils.
D’autres pays présentent des profils plus mitigés, comme la Zambie, où les gens expriment certains des niveaux les plus élevés de soutien à la liberté des communications privées, mais certains des plus faibles pour la liberté de circulation, et Madagascar, où la liberté religieuse reçoit un soutien écrasant, mais très peu pour la liberté de circulation.
Dans l’ensemble, les données les plus récentes d’Afrobaromètre révèlent que si une forte majorité d’Africains continuent d’appuyer la protection de la liberté individuelle d’association, cet appui a légèrement diminué au cours des sept à 10 dernières années, tant en moyenne sur le continent que dans la plupart des pays individuels. En outre, un grand nombre de citoyens sont prêts à envisager de troquer des libertés contre une plus grande
Seul un citoyen sur trois en Sierra Leone (32%) et au Liberia (33%) jouissent de la pleine liberté d’association. En Tanzanie, où les récentes mesures gouvernementales visant à fermer l’espace politique ont suscité de vives inquiétudes, seulement 39% des citoyens sont favorables à une autonomie associative complète. Cela contraste fortement avec la Zambie, un autre pays où le gouvernement a pris des mesures pour fermer l’espace politique, mais où 58% soutiennent la libre association, ce qui indique que d’autres restrictions sont susceptibles de se heurter à une plus forte résistance des citoyens. Les trois quarts ou plus des citoyens sont favorables à la pleine liberté d’association dans 10 pays, dont le Gabon en tête, où 90% rejettent catégoriquement les limites imposées par le gouvernement aux organisations civiques.
Au niveau des pays, nous ne trouvons pas de corrélation significative entre le niveau de soutien populaire à la liberté d’association et les scores de Freedom House (2018) pour le niveau de démocratie ou la propre mesure d’Afrobaromètre du soutien à la démocratie. Certains des pays les plus démocratiques (c’est-à-dire ceux classés « libres » par Freedom House en 2018) figurent parmi les plus ardents défenseurs de la liberté d’association, comme le Sénégal (84%), Maurice (76%), le Benin (76%), et le Cabo Verde (75%).
À propos d’Afrobaromètre
Afrobaromètre est un projet d’enquête et de recherche, non partisan, dirigé en Afrique, qui mesure les attitudes des citoyens sur la démocratie et la gouvernance, l’économie, la société civile, et d’autres sujets. Afrobaromètre est le leader mondial dans les projets de recherche sur les questions qui affectent les hommes et les femmes ordinaires d’Afrique.
Nous recueillons et publions des données statistiques fiables et de haute qualité sur l’Afrique, qui sont gratuitement disponible au public.Nous menons actuellement des enquêtes dans plus de 30 pays africains. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli jusqu’à présent, et notre objectif est d’avoir des enquêtes Afrobaromètre dans tous les pays africains.