Economie

Rachat par la Sonatel de l’opérateur gambien Xoom Wireless : les autorités gambiennes non encore saisies de la transaction, l’opinion circonspecte

Siège de la Sonatel Dakar
Siège de la Sonatel à Dakar

Depuis que la Sonatel a annoncé son introduction dans le marché gambien, par le biais de l’acquisition de 91,6% des actions de l’opérateur Xoom Wireless, les réseaux sociaux dans ce pays s’en font leurs gorges chaudes; d’aucuns soupçonnant même l’entreprise sénégalaise d’être derrière la création de Xoom Wireless. En ce qui concerne le gouvernement gambien, c’est le ministre de l’Information qui est monté au créneau, pour marteler que ni son département, ni le PURA, organe gambien de régulation des services publics, n’ont été saisis de cette opération et qu’il est prématuré de se prononcer sur l’affaire.

S’exprimant sur les ondes de Freedom Radio Gambia, le ministre gambien de l’Information, Ebrima Sillah, a déclaré qu’en ce qui concerne son ministère et le gouvernement gambien, aucune communication officielle ne leur est parvenue au sujet de la prétendue acquisition de la société de téléphonie mobile Xoom, un fournisseur de services Internet sous licence gambienne, par Sonatel. Selon le ministre de l’information, Ebrima Sillah, le propriétaire de Xoom Wireless, un jeune entrepreneur gambien du nom de Kalifa Faal, a obtenu l’autorisation d’exploiter une société de fournisseur de services Internet en Gambie, il y a environ 18 mois, bien que sa société n’ait pas encore commencé à fournir des services ISP aux Gambiens.

Et c’est Sonatel, l’opérateur télécoms N°1 sénégalais, qui a récemment annoncé dans un communiqué de presse avoir acquis 91,6% du capital de Xoom Wireless. Ce qui a suscité un tollé dans l’opinion et défrayé la chronique en Gambie. Interrogé sur le dossier à l’émission Sunday Leral sur Freedom Radio Gambia, le ministre de l’Information, Ebrima Sillah, a déclaré qu’il n’avait reçu aucune communication officielle au sujet de ladite vente supposée. «La vérité est la suivante. Je n’ai jamais rencontré Kalifa Faal pour discuter de cette affaire ou de ses partenaires. Je me souviens que lorsqu’ils sont venus ici en septembre ou octobre 2018, je dirigeais le ministère des Travaux publics. Il y avait cette réunion régionale des autorités de l’aviation civile de l’Afrique de l’Ouest et j’étais là pour l’ouvrir. Mon collaborateur est venu me dire que certaines personnes voulaient me rencontrer après l’ouverture du programme (…) Kalifa s’est présenté et a présenté des personnes qu’il prétendait être ses partenaires (…) Je leur ai dit que s’ils ont des offres d’investissement, de rédiger une proposition de projet ; nous avons un comité TIC au ministère ; le comité examinera cette proposition, qui sera ensuite transmise aux institutions ou autorités gouvernementales compétentes pouvant s’occuper de cette question. C’est donc la dernière fois que j’en ai entendu parler jusqu’à ces dernières semaines, lorsque j’ai vu un communiqué de presse dans les journaux locaux», a déclaré la ministre de l’Information, Sillah.

Le responsable gambien poursuit : «(…)nous ne voulons pas commenter un problème qui ne nous est pas parvenu. parce que dire que vous êtes acheté, cela doit faire l’objet de nombreuses études genre contrôle réglementaire et aussi les questions de concurrence. Donc, comme il n’a même pas atteint le niveau de l’Autorité de régulation des services publics – PURA, qui doit d’abord vérifier tous ces processus et ensuite inviter si nécessaire l’Agence de protection du consommateur de Gambie ; et à partir de là, un rapport serait préparé pour conseiller le ministre pour qu’il permette la transaction ou non. Et tout cela n’a pas encore été fait», a ajouté Sillah.

Concluant sur le sujet le ministre Sillah indique : «nous devons donc faire très attention en tant qu’agents publics (…) Je suis convaincu que le régulateur a également fait preuve de beaucoup de prudence dans sa façon de traiter cette question en parlant aux médias (…) Nous ne voyons que les communiqués de presse et ce qui est attribué au propriétaire dans les médias sociaux. Je ne veux pas faire de commentaire à ce sujet. Laissons le processus se dérouler normalement, puis il nous parviendra et nous nous en occuperons».

Lorsqu’on lui a demandé si Sonatel pouvait utiliser la licence de Xoom Wireless pour opérer en Gambie, sans passer par son bureau, Sillah a répondu par la négative. «Non, ça ne peut pas être (…) Il y a des règles et des règlements, mais il y a aussi des lois dans notre pays qui régissent les opérations du secteur des télécommunications et ces questions doivent être suivies ; nous avons l’autorité de régulation ici – PURA, qui traite de toutes les questions liées aux télécommunications, puis le ministre, même un conseil pour décider de l’approuver ou non», a-t-il déclaré à Freedom Radio Gambia.

Sillah dit que même si Xoom Wireless n’a pas encore l’infrastructure nécessaire pour exploiter une société de fournisseur de services Internet en Gambie, la société avait obtenu légalement l’autorisation d’exploiter dans le pays.

En tout cas, lors de la célébration de la fête de l’indépendance du Sénégal où le Président gambien Adama Barrow était invité d’honneur, M. Faal et ses partenaires commerciaux lui ont rendu une visite de courtoisie. Faal et ses partenaires ont même eu une séance de photos avec le Président Barrow. Les images ont été distribuées sur les médias sociaux, pour sous-entendre que le partenariat entre Sonatel et Xoom Wireless avait l’onction de Adama Barrow.

Et comme une licence de fournisseur de services Internet en Gambie coûte 450.000 dalasis, soit plus de 10.000 dollars Us, Kalifa Faal a défendu l’acquisition de sa société par Sonatel, lors d’un récent entretien avec le site Web en ligne Chronicle, basé à Banjul. «Ce qui compte vraiment, c’est que la licence ne soit pas donnée. Vous n’allez pas dans un magasin pour l’acheter. Vous devez suivre un processus et nous avons suivi ce processus», a-t-il déclaré à Chronicle.

«Le problème est que la plupart des entreprises ne se constituent pas elles-mêmes pour être vendues, d’après ce que j’ai vu en Gambie. Il est donc très difficile pour une entreprise de venir tenter sa chance dans une autre entreprise», a-t-il ajouté.

Kalifa Faal : «le processus d’acquisition est transparent et l’acheteur, Sonatel, sait ce qu’il fait»

Le site Web a cité Faal, qui aurait déclaré que Xoom Wireless était mis dans un écrin de telle sorte à paraître beau pour tout investisseur. «Je savais que je ne pourrais pas le financer moi-même. J’allais donc emmener des personnes comme partenaires et je pensais pouvoir mettre en œuvre ce projet», a déclaré Faal, ajoutant que le processus d’acquisition était transparent et que l’acheteur, Sonatel, savait ce qu’il faisait en ce qui concerne l’acquisition de sa société.

Pourtant, au sein de l’opinion gambienne, certains pensent que Xoom Wireless n’est qu’une «couverture pour Sonatel». La question qui se pose est comment peut-on créer une entreprise et vendre 91,6% des parts à un étranger sans même mettre en place l’infrastructure requise et fonctionner pendant un certain temps ? D’où la conclusion que Faal agit pour le compte de Sonatel, qui aurait beaucoup de mal à entrer sur le marché gambien sans ce genre d’arrangement douteux.

Une source gambienne pense qu’il faut encourager les entreprises locales à se développer et encourager les citoyens jeunes et talentueux à se lancer dans ce domaine. Pis, compte tenu de l’envergure de Sonatel, pense notre interlocuteur, «s’il est autorisé à opérer ici, il dominera totalement et éliminera tous les autres fournisseurs d’accès à Internet qui viennent juste d’être créés. Sonatel peut subventionner son tarif pendant des années simplement pour tuer la concurrence locale et cela ne les affectera pas. Ils peuvent même acquérir de la bande passante du Sénégal en utilisant l’infrastructure commune qu’ils ont avec Gamtel. Cela réduira considérablement leurs coûts et aucun fournisseur de services Internet ne sera en mesure de leur faire concurrence».

La même source de conclure : «nous avons assez de fournisseurs de services Internet ici : Quantum net, Netpage, Papa Njie et beaucoup d’autres. Si le gouvernement est en mesure de réduire les impôts pour eux, il est certain qu’ils peuvent également très bien évoluer et réduire les tarifs. Nous devrions encourager les nôtres et c’est le seul moyen de nous développer». Selon notre interlocuteur, l’investissement étranger est encouragé, mais dans des domaines où les Gambiens n’ont ni expertise ni capital. Les TIC étant le secteur qui peut fournir un emploi aux jeunes plus que tout autre secteur, il doit être réservé aux entreprises gambiennes.

Mansour KANE

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