Nous pensions tous qu’Apple était la société la plus rentable au monde, jusqu’à ce que…
Le 1er avril 2019, les agences de notation ont révélé que Saudi Aramco, la société publique saoudienne du pétrole, a réalisé un bénéfice net de 111, 1 milliards de dollars, pour un bénéfice avant impôts de 224 milliards de dollars en 2018. Ceci, malgré la faiblesse des cours du pétrole. Un faux poisson d’avril qui va bouleverser les marchés et modifier la hiérarchie des plus importantes compagnies du monde.
Des chiffres vertigineux
Jamais une compagnie n’a été aussi rentable. Ces 111,1 milliards de dollars, c’est plus que le montant cumulé des bénéfices d’Exxon Mobil, Chevron, BP, Royal Dutch Shell et de Total sur la même période.
Ces 111,1 milliards de dollars, c’est plus que le montant cumulé des bénéfices d’Exxon Mobil, Chevron, BP, Royal Dutch Sell et de Total sur la même période.
Jusqu’à la publication de ces chiffres, la société la plus rentable au monde était Apple, croyait-on. L’année dernière, par exemple, l’entreprise à la pomme a signalé un bénéfice net de 59 milliards de dollars. Des résultats financiers qui avaient choqué le monde, tant les montants évoqués étaient énormes. De fait, Saudi Aramco a réalisé presque le double sur la même période…
Mais pourquoi donc la compagnie ne dévoile ses chiffres que maintenant ?
D’entrée, il faut dire que depuis sa nationalisation dans les années 1970, la compagnie pétrolière a toujours nourri un grand silence autour de ses recettes. Ses résultats périodiques sont préparés et analysés par un groupuscule très influent de financiers et d’économistes proches du roi. Etant exclusivement contrôlée par la monarchie, elle n’est donc soumise à aucun contrôle extérieur. Plus de 60% des recettes de l’Etat proviennent de ses activités.
Il y a plusieurs mois, des sources proches de Saudi Aramco ont révélé qu’elle cherchait à racheter le mastodonte saoudien de la chimie Sabic (Saudi Basic Industries Corporation) pour une enveloppe de 69 milliards de dollars, une volonté officialisée peu après. Le besoin de cash estimé était alors de 10 milliards de dollars.
Selon l’économiste Steffen Hertog, spécialiste de l’Arabie Saoudite à la London School of Economics, les autorités ont compris que, malgré des caisses bien remplies, puiser dans les réserves aurait des conséquences négatives pour l’économie. Parmi les risques encourus, on parle de l’augmentation du déficit public.
Riyad a donc validé le recours aux marchés pour financer une telle acquisition. Il fallait donc, pour le pouvoir, se conformer aux exigences des investisseurs et dissiper tout soupçon d’activités opaques, pour lever les fonds. Ainsi, les agences de notation ont scruté les comptes de la société, d’où les chiffres publiés. Cette notation n’est toutefois que partielle, selon Fitch et Moody’s.
Une ouverture sur la plus grosse opération IPO du monde ?
La publication des résultats de Saudi Aramco pourrait, par ailleurs relancer la question de son introduction en bourse, mise en sourdine depuis quelques temps. En 2016, les réformes opérées par le jeune prince Mohammed Ben Salmane prévoyaient de céder une partie des parts de la société en 2018. L’idée était de lever plus de 100 milliards de dollars pour un nouveau fonds souverain, créant à cette occasion la société cotée la plus importante du monde.
Le jeune prince Mohammed Ben Salmane voulait céder en bourse une partie du capital de Saudi Aramco.
La compagnie pourrait ainsi atteindre une valeur boursière de 2,5 trillions de dollars, soit plus du double de celle d’Apple. Mais le processus devant conduire à la finalisation de l’opération s’est enrayé. Les investisseurs doutaient jusqu’ici de la valeur de l’offre proposée, sans parler des réactions hostiles à l’industrie pétrolière, partout dans le monde, face aux dangers du changement climatique.
Quoiqu’il en soit, à l’annonce de ces résultats financiers, le marché s’est rué sur le carnet d’ordres, portant aussitôt la demande au-delà de la barre symbolique des 100 milliards de dollars. Puis elle est retombée à 92 milliards une fois l’opération clôturée, indique Bloomberg.
Au final, pour acquérir la Sabic, la société a facilement levé 12 milliards de dollars ventilés sur cinq tranches à 3, 5, 10, 20 et 30 ans. Les coupons fixes, quant à eux, s’étalent dans une fourchette comprise entre 2,75% et 4,375%.
Une emprise de géant sur le marché global
Aucun superlatif n’est suffisant pour décrire la présence de la firme dans la chaine de valeurs mondiale du pétrole. En effet, Saudi Aramco produit à elle seule 10% de l’offre mondiale de pétrole, soit environ 10,5 millions de barils par jour. C’est sept fois la production actuelle du Nigéria, premier producteur africain de pétrole.
Saudi Aramco produit à elle seule 10% de l’offre mondiale de pétrole, soit environ 10,5 millions de barils par jour. C’est sept fois la production actuelle du Nigéria, premier producteur africain de pétrole.
Le swing producer et chef de peloton de l’OPEP assure ainsi une production annuelle de 3,828 milliards de barils, dont 75% sont exportés. Selon l’Institut parisien de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), elle est avec le Russe Gazprom, l’un des deux plus grands producteurs de pétrole et de gaz avec plus de 8 Mboe.
La compagnie pourrait atteindre une valeur boursière de 2,5 trillions de dollars.
Dans l’industrie du raffinage, Saudi Aramco est,avec les Etats-Unis, l’un des leaders avec près de 660 millions de barils traités chaque année dont environ 300 sont destinés au marché de l’export. Ses réserves de pétrole sont évaluées à 261,1 milliards de barils et celles de gaz naturel à 8458 milliards de m³. Ce qui lui offre la possibilité de production à un rythme soutenu sur encore plus de 60 ans. Le cauchemar absolu pour les défenseurs de l’environnement.
Ses réserves de pétrole sont évaluées à 261,1 milliards de barils et celles de gaz naturel à 8458 milliards de m³. Ce qui lui offre la possibilité de production à un rythme soutenu sur encore plus de 60 ans.
Depuis une dizaine d’années, la société créée en 1933, s’ouvre progressivement sur le reste du monde, loin de sa zone de prédilection, le Moyen-Orient. Récemment, ses responsables ont fait part de leur intérêt pour les marchés russe, américain et australien, avec un penchant particulier pour le gaz de schiste et l’électricité.
En Afrique, la société est pratiquement absente de l’amont pétrolier. Si ses responsables envisagent une plus grande ouverture sur le monde, le continent était, jusqu’à ce jour, peu évoqué. Cependant, l’Afrique commence à apparaître dans les plans de développement de Saudi Aramco qui livre déjà plus de 700 000 tonnes de produits pétroliers par mois à l’Egypte. Un accord qui va arriver à terme en 2021.
L’Arabie Saoudite prévoit de financer une raffinerie pétrolière et une usine pétrochimique en Afrique du Sud pour 10 milliards $.
Il y a deux semaines, des sources proches des ministères nigérian et saoudien du pétrole ont révélé que les deux pays, par le biais de leurs sociétés pétrolières respectives, préparent une base juridique pour encadrer une coopération. Ce partenariat devrait couvrir l’aval pétrolier et le gaz naturel liquéfié.
Cependant, Saudi Aramco livre plus de 700 000 tonnes de produits pétroliers par mois à l’Egypte. Un accord qui va arriver à terme en 2021.
Dans le but de devenir la plus grande entreprise énergétique intégrée du monde, la société a décidé d’investir massivement dans l’aval pétrolier. Pour cela, un accord a été signé entre l’Arabie Saoudite et l’Afrique du Sud en janvier dernier, qui verra la construction d’une raffinerie pétrolière et d’une usine pétrochimique dans le pays de Mandela. Les investissements cumulés de ces deux projets pourraient avoisiner les 10 milliards de dollars.