Il débarque à Dakar après un tour chez les ennemis de Washington : que vient faire Mohammad Javad Zarif au Sénégal en pleine guerre froide entre l’Iran et les États-Unis ?
Depuis mai 2018 et le retrait des États-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien, la situation est tendue entre Téhéran et Washington. Pétroliers attaqués, drone abattu, sanctions à n’en plus finir, cyberattaques, accusations liées au terrorisme… depuis le début des incidents, le dialogue entre les deux pays est fait de menaces et de récriminations. Dans ce climat de guerre froide, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif a débarqué hier à Dakar. Mais pourquoi ?
Alors que le Sénégal croyait ne rien avoir dans la guerre froide entre les deux ennemies de toujours à savoir Téhéran et Washington, des faits s’enchainement et semblent soutenir le contraire. Déjà, en fin juin dernier, le journal britannique Telegraph révélait que l’Iran forme des centaines de terroristes, dont des Sénégalais, à quelques kilomètres de notre pays : en Gambie.
En effet, selon Le Daily Telegraph, «l’Iran a étendu ses activités terroristes à l’Afrique». Le quotidien d’information britannique fondé en 1855 expliquait que Téhéran a recruté environ 300 militants en Afrique dont des Sénégalais pour attaquer les États-Unis et d’autres cibles occidentales, en représailles aux sanctions américaines contre son régime. «L’Iran met en place une nouvelle infrastructure terroriste en Afrique dans le but d’attaquer des cibles occidentales», rapporte le journal, qui renseigne que les cellules iraniennes seraient actives dans un certain nombre de pays africains, notamment le Soudan, le Tchad, le Ghana, le Niger, la République Centrafricaine et surtout la Gambie. C’est-à-dire à l’intérieur du Sénégal.
Et alors qu’on tente d’y voir plus clair, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif a débarqué à Dakar. Le chef de la diplomatie iranienne a quitté la capitale bolivienne, La Paz, pour le Sénégal, hier dans l’après-midi.
Mohammad Javad Zarif s’est rendu à New York, le samedi 14 juillet, pour assister à la réunion annuelle des hauts fonctionnaires du Conseil économique et social des Nations-Unies. Après son voyage à New York, Zarif est parti pour le Venezuela, un pays dont les relations avec Washington sont très tendues. À Caracas, Zarif a assisté à la réunion ministérielle du Bureau de coordination du Mouvement des pays non alignés (MNA). Il s’est également entretenu avec le Président vénézuélien Nicolás Maduro.
Après le Venezuela, il s’est également rendu au Nicaragua pour s’entretenir avec les principaux responsables du pays sur les relations bilatérales. Après avoir quitté le pays du controversé Daniel Ortega, Mohammad Javad Zarif est arrivé mardi matin en Bolivie et a rencontré le président du pays, Evo Morales, un autre ennemi des États-Unis de Donald Trump. À Managua, celui qui est surnommé «le démineur de la République islamique», pour avoir été, à chaque fois, en première ligne pour gérer la crise qui oppose l’Iran et les États-Unis dans le Golfe Persique, s’est même offert une réunion avec une foule d’étudiants de l’Université René Moreno.
C’est donc après avoir séjourné chez les plus grands ennemis de l’Amérique et au moment où la tension entre les deux États a atteint son paroxysme, que Mohammad Javad Zarif débarque au Sénégal.
La dernière fois que le premier diplomate iranien a effectué le déplacement de Dakar remonte à avril 2018. Mohammad Javad Zarif s’était alors entretenu avec le chef de l’État Macky Sall sur « des sujets relatifs au développement de la coopération bilatérale, avec en vue des partenariats publics privés», comme l’écrivait un communiqué de la présidence de la République.
Alors que vient faire le diplomate iranien au Sénégal ? Pourquoi le faire après avoir été chez les ennemis des États-Unis ? Pourquoi maintenant, alors que la tension ne cesse de monter entre Téhéran et Washington ? Tant de questions auxquelles les autorités sénégalaises devraient trouver des réponses.
Parce qu’une chose est sûre, pour qui connait l’influence de ce ministre, bien plus puissant que certains chefs d’États, Dakar gagnerait à préparer sa communication et éviter tous dérapage qui pourrait être à l’origine d’un incident diplomatique.
Sidy Djimby NDAO