Kabonketoor : le pardon en partage
Pardonner à quelqu’un qui nous a fait mal, voilà un acte qui peut sembler insurmontable tant le traumatisme est parfois profond. Et si faire don du pardon était un pas vers notre liberté ? Et si c’était la seule façon de parvenir à guérir nos blessures du cœur ?
Par Olivier Clerc
Dans son deuxième livre, La Maîtrise de l’Amour – l’un de mes préférés – don Miguel Ruiz dit que si l’on pouvait voir le corps émotionnel d’autrui, comme on peut en voir le corps physique, on découvrirait qu’il est écorché de la tête aux pieds, recouverts de plaies diverses. Quelqu’un veut nous faire un geste de tendresse, mais voilà qu’on saute au plafond, car on a les chairs à vif… Nous ne cessons de réagir à tout ce qui nous arrive, parce que nous avons tous le cœur blessé à des degrés plus ou moins importants.
Chez certaines, c’est un traumatisme majeur, durant la jeunesse. Chez d’autres, c’est l’accumulation durant des années d’humiliations et de brimades, comme dans le harcèlement, qui finit par impacter grandement notre capacité à aimer et par
exacerber nos réactions émotionnelles.
À cœur meurtri point de liberté
D’un point de vue anatomique, vous aurez remarqué que le cœur se situe entre la tête et les mains, c’est-à-dire entre la capacité de penser et l’aptitude à agir. Par conséquent, quand notre cœur est blessé, meurtri, ce n’est pas seulement notre capacité d’aimer qui en est affectée, mais également nos pensées, nos actes et jusqu’à notre santé physique.
Essayez de pratiquer la pensée positive quand votre cœur est rongé par le chagrin, l’amertume ou la colère, vous verrez, ça ne marche pas ! Il n’y a pas de réelle liberté de pensée tant qu’on a le cœur mal en point. Pour penser librement, il faut avoir le cœur libre de ressentiment, de peine ou de haine.
En outre, ce qu’on appelle des maladies psychosomatiques correspond la plupart du temps à la somatisation d’états émotionnels qui affectent également notre mental. Ce sont nos émotions qui nous rendent malades, comme ce sont elles qui nous font tourner les mêmes pensées inlassablement dans la tête.
Soigner le corps sans prendre en compte les émotions qui l’animent, c’est se condamner à faire des maladies à répétition. Chercher à cultiver la pensée positive sans modifier le champ émotionnel sous-jacent qui en oriente le cours à notre insu, c’est gaspiller notre énergie en efforts inutiles.
D’abord, guérir son cœur
À l’inverse, faire de la guérison du cœur notre priorité, c’est non seulement se donner la chance de pouvoir retrouver un cœur serein, joyeux et aimant, mais améliorer du même coup la qualité de nos pensées, notre regard sur nous-mêmes, les autres et le monde, et même transformer jusqu’à notre état physique. Ça vaut le coup, non ?
Bien, mais alors comment guérir le cœur, vous demandez vous ?
De tout ce que j’ai expérimenté depuis quarante ans (comme Obélix, je suis tombé très jeune dans la marmite du développement personnel) je n’ai rien vu d’aussi puissamment transformateur pour opérer cette guérison que… le pardon. Oh, je sais, c’est un terme qui hérisse le poil à bon nombre d’entre nous ! Mais c’est parce qu’il y a maldonne, incompréhension, confusion, la plupart du temps.
Le pardon dont je parle, c’est celui que je définis simplement comme la cicatrisation des blessures du cœur, justement. Celui qui est avant tout un cadeau que l’on fait à soi-même parce qu’on ne veut pas passer des mois ou des années à souffrir, à avoir le cœur qui saigne, à ressasser les mêmes histoires, à haïr (sans voir que c’est soi-même que l’on détruit ainsi).
Le pardon, un cadeau pour soi même
Le pardon dont je parle est à la fois proche du deuil et du lâcher prise. Du deuil, d’abord, parce que comme le dit Jack Kornfield : « Pardonner, c’est renoncer à tout espoir d’un passé meilleur. » C’est faire le deuil de l’enfance idéale, du couple idéal, de la vie parfaite dont on avait rêvé, pour se réconcilier avec ce que la vie nous a réellement offert et s’approprier pleinement son présent. Du lâcher-prise, ensuite, parce que pour faire œuvre de pardon, il faut être capable de lâcher prise sur son besoin d’avoir raison, sa posture de victime, son envie de vengeance, et tout ce qui ne fait que consolider et blinder notre ego, et nous enfermer dans une prison.
Le pardon véritable nous offre la liberté. C’est cela que j’ai découvert en 1999, au Mexique, quand don Miguel Ruiz m’a fait vivre l’expérience fondatrice qui est à la base du processus mis en œuvre dans les quelque 200 cercles de pardon qui existent aujourd’hui dans le monde. Sur le moment, j’ai été stupéfait de la simplicité et de la puissance de cette façon d’aborder le pardon, à rebours de tout ce que je croyais en savoir. Et si ces cercles se multiplient aujourd’hui, c’est que les personnes en ayant bénéficié ont souvent à cœur (!) d’en faire profiter d’autres à leur tour.
Le pardon pour thérapie
Comme pour la santé du corps, que l’on peut atteindre par un large éventail de médecines et thérapies, le pardon fait aujourd’hui l’objet d’une gamme de plus en plus riche d’approches, que j’ai eu à cœur de faire découvrir durant les quatre éditions des Journées du Pardon, de 2012 à 2016, au Val de Consolation. Des journées qui rassemblaient à chaque fois plus de 200 participants et une vingtaine d’intervenants internationaux. Y sont venus des représentants du Pardon radical (Colin Tipping), de Ho’ponopono (Maria-Elisa Graciet-Hurtado), des 9 étapes du pardon (Dr Fred Luksin) et de nombreux autres.
Il me semble en effet crucial d’œuvrer ensemble à cette guérison du cœur de l’humanité. C’est d’ailleurs ce que nous ferons à nouveau le 18 septembre prochain, mais cette fois dans le monde entier, avec la Journée internationale du Pardon, qui sera le premier évènement de ce genre à la fois transnational, transreligieux et incluant de nombreuses approches laïques du pardon.
Prendre aussi soin de notre corps
Pour conclure, j’ajouterai que si la guérison du cœur est essentielle, elle n’est toutefois pas suffisante. Comme pour le corps physique, à côté de la guérison (et même en amont) il est impératif de développer la prévention, sans quoi on répète les mêmes erreurs qui nécessitent les mêmes soins. L’un des grands chantiers du XXIe siècle devrait être à la fois la guérison et la prévention des blessures du cœur, pour laquelle il existe aujourd’hui de nombreux outils, de la CNV aux Accords toltèques, en passant par TiPi, l’EMDR, la méthode E.S.P.E.R.E, etc.
Apprendre aux générations futures à connaître leur cœur, leurs sentiments, les émotions qui les traversent, et la meilleure façon de les accueillir pour ne plus être submergés ni dévastés par elles. Oui, l’intelligence émotionnelle et relationnelle s’apprend ! On peut en enseigner les rudiments dès la petite enfance. Projetons-nous dans vingt-cinq ans et imaginons ce que pourrait devenir une société qui aurait fait de cette alphabétisation relationnelle et émotionnelle sa priorité… Et si un jour la maîtrise de l’amour devenait aussi accessible à toutes et à tous que l’est aujourd’hui la maîtrise d’un instrument de musique ou d’un sport ?
Je vous invite à semer cette idée, cette graine, dans votre tête et dans votre cœur : si nous sommes assez nombreux à l’arroser et à en prendre soin, elle pourrait bien devenir réalité un jour.
Olivier Clerc est écrivain, conférencier professionnel et formateur. Il est à l’origine des Cercles de pardon, inspirés de sa rencontre avec don Miguel Ruiz au Mexique en 1999, dont il a traduit presque tous les livres en français.
Pour aller plus loin cerclesdepardon.fr et journeeinternationaledupardon.fr