Affaire des 94 millards: voici le rapport de la Commission d’enquête parlementaire
RESOLUTION N° 01/2019 DU 15 FEVRIER 2019
AVANT-PROPOS
Au-delà des fonctions régaliennes de représentation du Peuple et de vote des lois, le contrôle de l’action gouvernementale se trouve au cœur des missions de l’Assemblée nationale.
C’est une mission qui prend ses racines dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, en son article 15 qui dispose que la société a le droit de demander des comptes à tout agent de son administration.
Sur cette base, le Parlement se doit de veiller au bon usage des derniers publics, s’assurer du bon fonctionnement des institutions et défendre en toutes circonstances les libertés et les droits de ses citoyens.
A ces importantes prérogatives, est venue se greffer, depuis le référendum du 20 mars 2016, la mission d’évaluation des politiques publiques.
Pour rappel, le Député Ousmane Sonko, lors d’unpoint de presse du 16 Octobre 2018, a accuséMonsieur Mamadou Mamour Diallo, Directeur des Domaines, d’avoir commis dans l’exercice de ses fonctions, un détournement de deniers publics d’un montant de 94 milliards de FCFA au préjudice de l’Etat du Sénégal, à l’occasion d’une transaction portant sur un immeuble objet du titre foncier 1451/R d’une superficie de 258 ha.
Cette accusation a été battue en brèche par le sieur Diallo, dans une interview accordée le 24 janvier 2019 au journal L’Observateur (édition n°4596).
Cette situation défraya la chronique et créa un profond malaise chez beaucoup de nos compatriotes.
L’administration se voit indexée, l’Assemblée Nationale interpelée, d’autant plus que l’auteur des accusations est un député de la XIIIème législature.
Les représentants élus du Peuple ne pouvaient rester passifs alors que les échos d’un scandale portant sur 94 milliards de nos deniers publics déjà rares, parvenaient aux oreilles des citoyens. Leur conscience interpellée, dès lors leur responsabilité était de se saisir de la question, pour essayer de comprendre de fond en comble les tenants et les aboutissants du dossier, mais aussi et surtout pour s’assurer que les intérêts du Peuple n’avaient pas été lésés, surtout qu’aucune information judiciaire n’avait encore été ouverte.
C’est pour cette raison que l’Honorable Député Djibril WAR a introduit une requête de création d’une commission d’enquête parlementaire sur cette question, comme le lui autorisait l’article 48 du Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale.
L’Assemblée Nationale accéda à sa requête et, après avoir respecté toute la procédure telle que décrite par la loi, créa la commission d’enquête parlementaire composée des personnes ci-après :
C’est l’occasion pour moi de remercier tous mes collègues Députés, mais plus particulièrement le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur Moustapha Niasse, ainsi que le Président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakar, Monsieur Aymérou Gningue, de la confiance placée en ma modeste personne.
Je saisis aussi l’occasion qui m’est offerte pour féliciter chaleureusement mes collègues :
Nous regrettons l’attitude de nos collègues Honorables Députés membres du groupe parlementaire « Démocratie et Liberté » ainsi que des Députés non-inscrits, pour avoir décliné l’invite du Président de l’Assemblée nationale, conformément au Règlement intérieur, de se joindre à la commission d’enquête parlementaire dont le seul objet a été et demeure la recherche de la vérité pour l’intérêt supérieur de ce Sénégal que nous partageons tous.
Nous regrettons également et dénonçons jusqu’à la dernière énergie l’attitude de notre collègue, le Député Ousmane SONKO et son associé Monsieur Ismaela BA, gérant des cabinets Atlas et Mercalex, qui ont catégoriquement refusé de déférer aux convocations de la commission notifiées par voie d’huissier.
Cette attitude teintée de mépris et confortée par des propos outranciers à travers la presse à l’égard de la commission d’enquête parlementaire, pourtant composée de de représentants qualifiés de la Nation, est à déplorer vigoureusement.
Mais peut-être que la posture des susnommés n’est-elle pas neutre, surtout au regard de ce que les investigations ont révélé de leur implication dans le dossier. Les Sénégalais apprécieront de tels actes.
Il plaira à la Justice, au besoin, d’en tirer les conséquences qui en découleront.
Pour notre part, notre unique ambition était de servir notre pays, en participant à un exercice de reddition de comptes sur une affaire dans laquelle les intérêts du Peuple auraient pu être lésés.
Bien entendu, la Commission d’enquête parlementaire n’est pas un organe juridictionnel et n’a jamais tenté de se substituer à la Justice.
Le Peuple comme seule préoccupation, la vérité comme sacerdoce, la transparence et l’objectivité comme méthodes : tout le reste n’est que politique stérile.
Dakar, le
Par Monsieur Cheikh SECK, Président de la Commission d’Enquête Parlementaire
L’affaire dite des « 94 milliards » a été l’occasion pour l’Assemblée nationale du Sénégal de mettre en oeuvre son pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale
La Commission d’enquête parlementaire, guidée dans ses travaux par la clarté de la commande reçue de l’Assemblée nationale, objet de la résolution n°01/2019 en date du 15 février 2019, a été mue par le seul souci d’éclairer la lanterne des sénégalais par la manifestation de la vérité relative à l’existence d’un possible détournement de deniers publics ou non.
Au regard du contexte politique de l’élection présidentielle, et dans un souci d’impartialité, la Commission d’enquête parlementaire a attendu l’achèvement de toute la procédure électorale jusqu’à la prestation de serment du Président élu avant de démarrer ses travaux le Vendredi 19 avril 2019.
La méthodologie retenue a été de procéder à une revue documentaire et à l’audition de toutes les personnes susceptibles de fournir des éclairages sur le dossier.
Conformément au calendrier validé, la commission d’enquête parlementaire a auditionné trente et une personnes parmi lesquels les héritiers, les fonctionnaires impliqués et toutes personnes associées de près ou de loin à ce dossier.
Toutes les auditions qui ont démarré le 27 mai 2019 pour se terminer le 11 juillet 2019(soit plus de 40 heures) sont enregistrées et tenues sous le secret de l’instruction du dossier.
Il convient de signaler que le Député Ousmane Sonko ainsi que son associé Monsieur Ismaela Ba, gérant cumulatif des cabinets ATLAS et MERCALEX n’ontpas déférer aux convocations.
Le titre foncier (TF) n°1451/R qui est situé dans la commune de Rufisque, appartenait aux héritiers de feue Mbégour Diagne décédée en 1935 et
couvrait à l’origine une superficie globale de 267 ha 73 a et 14 ca.
Du 4 février 1959, date d’immatriculation du TF n°1451/R au nom des héritiers au 22 Août 2017, date de la signature des deux actes d’acquiescement partiel par Monsieur Mamadou Mamour Diallo, Directeur des Domaines, le TF n°1451/R a fait l’objet de plusieurs cessions par les héritiers et d’expropriation pour cause d’utilité publique par l’Etat du Sénégal au profit de la SNHLM, pour la réalisation d’un programme d’aménagement de Parcelles Assainies à Rufisque.
Plusieurs péripéties administratives et judiciaires ont été notées dans ce dossier, de la date du premier décret d’expropriation pour cause d’utilité publique n°97-1119/MEFP/DGID/DEDT du 12 Novembre 1997, modifié et complété par celui de 2000-874 MEF/DGID/DEDT du 31 Octobre 2000, à la date du11 janvier 2018, celle de l’arrêt n°04 de la Cour d’Appel de Dakar infirmant l’homologation du procès verbal de conciliation.
Au cours de son audition, Monsieur Mame Cheikh Mbaye, héritier de feu El hadji Djily Mbaye et PDG de la SAIM Indépendance, a informé la commission que son père avait acquis, suite à une cession passée les 08 avril 1978 et 28 février 1979, le TF 1451/Rmoyennant le paiement d’un montant de 35 000 000 FCFA intégralement versé aux familles héritières.
La commission d’enquête parlementaire a également pu relever, des auditions des héritiers et de celle du sieur Mame Cheikh Mbaye, qu’en Septembre 1988, la SAIM avait cédé, à titre d’échange, à l’Etat du Sénégal, la pleine propriété d’une parcelle de 132ha 96a 89ca à détacher du TF 1451/R pour former un titre distinct sous le n°2887 contre la pleine propriété d’une parcelle de 1ha 49a 59ca située à Fann Mermoz et à détacher du TF 5725 Dakar et Gorée ; parcelle offerte par la suite à la Fondation du Roi Fahd par feu El Hadji Djily Mbaye.
En 1995, les héritiers MBENGUE et NDOYE contestent en justice les cessions intervenues dix-sept (17) années plus tôt entre leurs ascendants et la SAIM INDEPENDANCE, tout en sollicitant, avec une décision de justice à l’appui, une pré-notation sur le titre 1451/R pour préserver leurs droits.
Le 12 Novembre 1997, dans le cadre du projet d’aménagement des Parcelles Assainies de Keur Massar – Rufisque, le décret n° 97- 1119, modifié, a déclaré pour la première fois d’utilité publique, le TF n°1451/R d’une superficie de 254 ha 13 a 93 ca appartenant à SAIM Djily Mbaye.
La radiation de la vente intervenue entre 1978 et 1979 au profit de la SAIM et faisant recouvrer aux héritiers MBENGUE et NDOYE la plénitude de leur propriété du TF 1451/R est matérialisée par l
et
l ;
La commission d’enquête parlementaire a pu relever que les lenteurs notées dans le traitement de l’indemnisation due aux héritiers du TF1451/R et quiont amené ces derniers à céder, le 10 juin 2016, leurs droits, actions et créances sur l’Etat du Sénégal à Monsieur Seydou dit Tahirou SARR, propriétaire des deux sociétés SOFICO et CFU, au prix de cession de deux milliards cinq cent millions (2.500.000.000) de FCFA, hors frais à la charge de SOFICO.
Des conflits d’intérêts entre héritiers ont également impacté ce dossier car une partie des héritiers, en l’occurrence les enfants de la veuve Gnivy MBENGUE avec à leur tête Monsieur Djibril DIAL, héritier de par sa mère ont remis en cause la cession de la créance et rendu impossible l’homologation de la cession au profit de Monsieur SARR.
Cette version a été confirmée par Monsieur Meïssa NDIAYE qui a affirmé à la Commission d’enquête parlementaire, au cours d’une de ses auditions, non seulement avoir reçu le chèque de la SNHLM mais aussi l’avoir, au nom du principe de l’unicité de caisse, utilisé pour le paiement d’indemnisation sur d’autres procédures en cours à l’époque, en attendant l’intervention d’une décision définitive de justice.
S’agissant du sort réservé à l’échange intervenu entre l’Etat et la SAIM, l’intervention de la décision définitive de justice dix-sept ans après sa première saisine contestant la vente à la SAIM, a généré une situation très complexe.
En effet, la décision de justice n’a eu aucun impact sur la situation antérieure car la Fondation du Roi Fahd a conservé la possession de la parcelle de terrain que lui a léguée la SAIM Indépendance.
Par ailleurs, une partie du TF 1451/R a déjà fait l’objet d’une occupation suite aux attributions opérées par la SN HLM.
La décision du juge civil et commercial, même si,elle remet la cause et les parties en l’état où elles étaient avant 1979, ne peut remettre en cause la procédure d’expropriation qui, elle, relève de la compétence du juge administratif.
En revanche, en se référant aux dispositions de l’article 91 du Code des Obligations Civiles et Commerciales qui stipule que « le contrat nul est réputé n’avoir jamais existé », cette décision du juge d’appel de Kaolack rend caduques toutes les opérations intervenues sur l’assiette objet du titre.
L’annulation judiciaire du contrat de vente ayant un effet rétroactif, du coup quelle est la situation ?
Lassés par près de vingt-sept (27) ans de procédure judiciaire pour recouvrer la propriété de leur bien, les héritiers mandatent, à travers un protocole d’accord daté du 20 décembre 2013, les Sieurs Sandéné TOURE, Sidy SAMB et Serigne Cheikh GUEYE pour la régularisation, la récupération du titre foncier et la mise en œuvre de la procédure d’indemnisation.
Dans cette perspective, ces derniers requièrent les services de la Société Civile Immobilière Thiandoum (SCI Thiandoum).
Le 26 Août 2014, l’administrateur de la SCI Thiandoum entame la procédure d’indemnisation portant sur la totalité du titre (soit 258Ha 3A 96Ca).
Les réunions tenues à son initiative avec la DGID, en présence des mandants et des héritiers, n’ont pas abouti à un accord.
Du reste, la Commission d’enquête parlementaire s’est beaucoup interrogée sur la légalité de la procédure utilisée par les héritiers.
En effet, l’intermédiation est proscrite par l’article 30 de la loi 76-67 du 02 juillet 1976 au terme duquel « sont nuls de plein droit et de nul effet, les conventions ou accords quelconques intervenus entre les expropriés ou leurs ayants cause et tous intermédiaires en vue de l’obtention d’indemnités d’expropriation lorsque la rémunération prévue en faveur de ces intermédiaires est directement ou indirectement en fonction du montant des indemnités qui seront définitivement allouées. Sont également nulles de plein droit et de nul effet, les cessions ou délégations consenties à ces intermédiaires par les expropriés de leur droit à l’indemnité d’expropriation. »
Ainsi, en commettant des mandataires dont la rémunération était adossée au montant reçu au titre de l’indemnité d’expropriation, les héritiers ont méconnu les dispositions de l’article 30.
Face aux difficultés rencontrées par les héritiers pour le recouvrement de leurs créances d’indemnisation sur l’Etat du Sénégal, ils cèdent leurs créances sur l’Etat du Sénégal aux Sociétés SOFICO et CFU.
Le 10 juin 2016, les héritiers signent, en faveur de la SOFICO, un acte de cession de leur droits, actions et créances sur l’ensemble du TF 1451 R, y compris les 132 hectares ayant déjà fait l’objet d’un échange, moyennant le prix de 2.500.000.000 FCFA, hors frais.
Ainsi, les héritiers ont signé un contrat et encaissé l’argent, à l’exception de la veuve Gnivy Mbengue et ses enfants dont leur part d’un montant d’environ 138 000 000 de francs CFA est actuellement conservée par Monsieur Abdou Mbengue.
L’article 96 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC) dispose que le contrat est la loi des parties.
Les membres de la Commission d’enquête parlementaire ont voulu d’abord comprendre en quoi la cession de créance dont il s’agit est différente de l’intermédiation tentée en premier lieu par les héritiers avec les mandataires et la SCI Thiandoum.
La clarification interviendra à travers une lecture combinée des dispositions de l’article 241 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC) et de l’arrêt N°04 du 11 janvier 2018 de la Cour d’Appel de Dakar statuant à la requête de la SOFICO sur le rejet d’homologation prononcé par le juge de premier ressort.
L’article 241 du COCC dispose que « sous le consentement du débiteur, le créancier peut céder son droit à un tiers à moins que la cession ne soit interdite par la loi, la convention ou la nature de l’obligation ».
Quant à l’arrêt n°1770 du 15 novembre 2016 de la Cour d’Appel, il dispose dans ses conclusions entre autres qu’«en l’espèce, contrairement à l’exorde du jugement attaqué, il ne résulte d’aucun élément probatoire de la cause que SOFICO ait posé le moindre acte d’intermédiation entre l’Etat du Sénégal et les intimés ou intervenants volontaires, pouvant lui conférer la qualité d’intermédiaire d’une part, et d’autre part, qu’aucune rémunération n’a été versée au cessionnaire qui s’est même proposé de verser aux hoiries cédantes la somme de 2.500.000.000 FCFA ; que les prévisions de l’article 30 susvisé, liées à l’existence de la qualité d’intermédiaire et à la rémunération de celui-ci sur l’indemnité due, n’étant pas revues, les juges d’instance ne peuvent l’opposer à la SOFICO ».
La légalité de la cession de créance ainsi clarifiée, les membres de la Commission d’enquête parlementaire se sont ensuite intéressés à ses modalités.
Au cours de son audition, en présence de son conseil Maître Mouhamed Seydou DIAGNE, le Sieur Seydou dit Tahirou SARR a informé les membres de la Commission d’enquête parlementaire, être spécialisé dans le rachat de créances depuis les années 1990, au travers de plusieurs dossiers d’expropriation concernant des familles Léboues de la Région de Dakar.
Monsieur Tahirou SARR a, par ailleurs, informé la Commission d’enquête parlementaire que la SOFICO n’est pas une société immobilière mais un établissement financier spécialisé dans le rachat de créances, une activité commerciale reconnue et devenue une pratique courante dans le milieu des affaires en dehors de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Il a également expliqué le déploiement de ses activités dans la sous-région, notamment en Côte d’ivoire, au Niger et en Guinée de même qu’en Afrique Centrale particulièrement au Gabon et récemment en République Centrafricaine.
La création de la société dénommée CFU, filiale de la SOFICO, procède de cette volonté d’expansion au niveau sous régional.
D’ailleurs, les statuts des deux sociétés, au regard de leur objet social, qui ont été communiqués par la Chambre des Notaires, à la demande de la Commission d’enquête parlementaire, confirment aisément que ces dernières ne sont pas des sociétés d’intermédiation.
Ainsi Monsieur SARR demeure convaincu que les acquisitions de créances auxquelles il a procédé et dont certaines remontent aux années 1960, ont permis d’atténuer de potentielles revendications des populations expropriées, l’Etat ne paie jamais les indemnisations de manière préalable comme le stipule la loi.
Il est revenu de la part de certaines auditions des héritiers que l’intervention de SOFICO dans ce dossier a permis d’éviter une probabilité de conflits sociaux entre les familles héritières, la SNHLM et les attributaires de parcelles.
Pour preuve, les investigations de la Commission d’enquête parlementaire ont permis de constater l’interpellation suivie de la condamnation pénale de Monsieur Yéri Diakhaté (héritier et représentant des héritiers de son état) pour voies de fait, violation et occupation d’un terrain appartenant à autrui, enl’occurrence le domaine de l’Etat.
Revenant sur les conditions financières de la cession de créance, Monsieur Tahirou SARR informera la Commission d’enquête parlementaire que celles-ci ont été convenues d’accord parties avec les procurations des cinq (05) familles héritières de Feue Mbagour DIAGNE, moyennant le paiement :
Au total, Monsieur Tahirou SARR affirme avoir déboursé plus de Trois(3) milliards de francs CFA pour acquérir ladite créance, compte non tenu des autres frais et des différentes sollicitations dont il a fait l’objet de la part de certains membres des familles à titre individuel.
Les décharges afférentes à ces différents paiements ont été présentées à la Commission d’enquête parlementaire.
Ce rachat de créance a été constaté par acte sous seing privé qui sera ultérieurement certifié devant notaire.
Muni de son acte authentique de cession qui l’autorise à se subroger dans les droits des héritiers, Monsieur Tahirou SARR entame la procédure de règlement des créances que SOFICO et CFU venaient ainsi de détenir sur l’Etat.
A la suite d’une saisine par le Directeur régional des domaines de Dakar, la commission de conciliation se réunit le 21 août 2017, sous la présidence de Monsieur Mohamed Fall, Gouverneur de la région de Dakar.
La commission de conciliation disposait, selon les informations fournies par l’ancien Gouverneur de la Région de Dakar et Monsieur Meissa Chef de bureau des domaines de Ngor Almadies, d’un acte sous seing privé daté du 10 juin 2016 authentifié par actenotarié de Maître Ndèye Licka BA prouvant que SOFICO était subrogée dans les droits des héritiers.
C’est le lieu de préciser qu’au cours d’une de ses auditions (car il a été entendu deux fois), Monsieur Meïssa NDIAYE, Chef de bureau des domaines de Ngor Almadies, a insisté sur le fait qu’il ne faisait que représenter le Directeur des Domaines à la commission de conciliation, mais cette déclaration est contredite par le décret n°77-563 du 3 juillet 1977 qui organise ladite commission : le Receveur des Domaines de Ngor Almadies en est un membre de droit, contrairement au Directeur des Domaines qui n’en est ni membre ni représenté.
Toujours est-il que la détermination du montant de l’indemnité d’expropriation s’effectue en référence au décret n°2010-439 du 06 avril 2010 qui fixe le barème du prix des terrains nus et des terrains bâtis, applicable pour la détermination du loyer des locaux à usage d’habitation et pour le calcul de l’indemnité d’expropriation pour cause d’utilité publique.
En l’espèce, la commission de conciliation a retenu le prix consensuel de 37.000 FCFA/m2 au titre de l’indemnité d’expropriation.
Au surplus, Monsieur Yancouba TRAORE, expert judiciaire de la section immobilière de l’ordre des experts et évaluateurs agréés, commis par le juge des expropriations par ordonnance en date du 14 novembre 2018, a, pour sa part, évalué la valeur du titre au prix du marché à 75.000 FCFA/m2 soit 280 milliards FCFA pour la totalité du titre.
En conclusion, les parties prenantes à ce dossier ont, à une large majorité, considéré comme parfaitement raisonnable, le prix de 37.000 FCFA/m2 arrêté par la commission de conciliation et un procès-verbal établi sur cette base
Deux demandes d’indemnisation d’un montant global de 94 milliards ont été introduites, au nom de SOFICO et de CFU par Monsieur Seydou dit Tahirou SARR, pour des montants respectifs de :
Selon la situation fournie par les services du Trésor, ils ont atteint deux milliards huit cent quarante-cinq millions huit cent soixante-quinze mille (2 845 875 000) francs CFA avant d’être interrompus, le 30 avril 2018, sur la demande duReceveur des Domaines qui a saisi le Directeur des Domaines pour proposer la suspension de la procédure.
La raison invoquée était motivée par les conclusions de l’arrêt n°04 du 11 janvier 2018 de la Cour d’Appel de Dakar qui refusait l’homologation introduite par SOFICO/CFU suite à la requête des enfants de la veuve Gnivy Mbengue.
Les membres de la Commission d’enquête parlementaire se sont ensuite interrogés sur la pertinence d’intégrer les 132 hectares dans les transactions avec SOFICO, dès lors que pour les acquérir, l’Etat a déjà consenti un terrain de plus d’un hectare dans zone de Fann-Mermoz. Mais la réponse est que l’acte par lequel la SAIM INDEPENDANCE avait acquis le terrain ayant été annulé en justice, il était censé n’avoir jamais existé, obligeant l’Etat à payer au nouveau propriétaire légalement reconnu.
La seule possibilité qui s’offrait à l’Etat aurait été de poursuivre la SAIM pour obtenir la restitution du terrain de Mermoz mais le fait que celui-ci ait été à son tour cédé à la Fondation King Fahd rendait sans doute difficile l’exercice.
Après près de trois mois de travaux constitués essentiellement de revue documentaire et d’auditions, la Commission d’enquête parlementaire est aujourd’hui en mesure d’apporter les réponses à toutes les questions posées plus haut.
Conclusion n°1 : Absence de détournement de deniers publics et inexistence d’un quelconque comportement répréhensible de Monsieur Mamadou Mamour DIALLO
Conformément aux dispositions de l’article 152 du Code Pénal,
Dans l’Affaire dite des 94 Milliards, la seule personne habilitée à procéder aux paiements est le chef du Bureau des domaines de Ngor-Almadies qui émet des chèques du Trésor dont il est l’unique signataire.
Monsieur Mamadou Mamour DIALLO, Directeur des Domaines à l’époque d’une partie des faits, ne peut, de par sa position, tant dans la procédure administrative que dans le processus de paiement des indemnisations, être accusé de détournement de deniers publics puisque :
Par conséquent, les griefs qui sont reprochés à Monsieur Mamadou Mamour Diallo par le Député Ousmane Sonko sont dénués, de l’avis de la Commission d’enquête parlementaire, de tout fondement objectif et sérieux et semblent plutôt relever de l’acharnement politique et médiatique.
Conclusion n°2 : Contentieux sur le rachat de créances des héritiers par les sociétés SOFICO et CFU
Monsieur Seydou dit Tahirou SARR, gérant des deux établissements, a déjà dépensé plus de trois (3) milliards de FCFA dans ce dossier et les paiements qu’il a reçus jusqu’ici ne couvrent même pas les sommes qu’il a avancées (on est très loin des 46 milliards régulièrement annoncés par Monsieur le Député Ousmane Sonko).
les
Les familles héritières ont déjà tourné la page SOFICO/CFU et ont entamé de nouvelles négociations avec l’Entreprise immobilière du Rip (EIDR) pour la défense de leurs intérêts.
Selon les propos des sieurs Amadou CISSE et Sandene TOURE, géomètre en son état, une procédure de recouvrement de l’indemnisation des héritiers est enclenchée et les plus hautes autorités du pays sont déjà saisies.
Cependant, pour la commission d’enquête parlementaire les détenteurs légaux de la créance sur l’Etat demeure SOFICO et CFU conformément aux deux actes d’acquiescement.
Conclusion n°3 : Existence de quelques dysfonctionnements dans l’organisation des services de l’Etat en matière d’expropriation.
La Commission d’Enquête a constaté, pour le déplorer, que les délais de traitement des dossiers et d’attente des familles avant d’être indemnisées, sont trop longs.
En effet, entre le premier décret d’expropriation pour cause d’utilité publique intervenu en 1997 et le 10 juin 2016, date à laquelle les familles héritières ont décidé de céder leurs droits et créances sur l’Etat à Monsieur Seydou SARR, il s’est écoulé 19 années d’attente et de péripéties.
Par ailleurs, dans la gestion de cette affaire, il ressort des auditions que le Chef du bureau des Domaines deGrand-Dakar et Ngor–Almadies se trouve être à la fois juge et partie.
Ainsi,
il convient de relever que le Receveur des Domaines susvisé est le seul gérant du compte dédié aux expropriations et l’unique signataire des chèques.
En outre, un autre point de non-transparence concerne le chèque de 605.853.500 FCFA émis par la SNHLM et destiné à compléter le paiement de l’indemnisation dû à l’époque à SAIM INDEPENDANCE qui jusqu’à ce jour n’est pas rentré dans ses fonds.
Par conséquent, Monsieur le Receveur des Domaines de Grand-Dakar et Ngor-Almadies, en l’occurrence Monsieur Meïssa NDIAYE, aurait dû, en bonne règle et en relation avec les services du Trésor, émettre un chèque d’égal montant pour le compte de la SNHLM ; ce qui n’a pas été fait.
Conclusion n°4 : violation de la loi par le Député Ousmane SONKO qui a joué un rôle d’intermédiaire pour le compte de certains des héritiers, en utilisant des prête-noms
Conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi de 1976 rappelé plus haut,
il ressort de nombreux témoignages de personnes auditionnées, mais aussi de documents écrits et audio en la possession de la Commission d’Enquête parlementaire, que le Député Ousmane SONKO avait clairement agi comme intermédiaire dans ce dossier. Les représentants des héritiers ont notamment fourni à la Commission des feuilles de présence de réunions tenues avec Monsieur SONKO et signées de la main de ce dernier.
Ousmane SONKO a personnellement et physiquement rencontré certaines des parties et négocié avec une rémunération au pourcentage (12% du montant de l’indemnité, soit plus de 11 milliards de FCFA) contre son rôle de « facilitateur ».
Mais quand il s’est agi de signer des conventions de représentation dûment établies avec ses « clients », Ousmane SONKO a préféré mettre en avant le sieur Ismaela BA qui est très clairement un prête-nom, gérant les cabinets de conseil ATLAS et MERCALEX qui, de fait, appartiennent et sont contrôlés par Ousmane SONKO.
V– RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION
La Commission d’Enquête parlementaire propose un certain nombre de recommandations.
L’une concerne particulièrement le dossier des 94 milliards, mais toutes les autres ont une portée plus générale car l’important est que, au-delà de cette affaire, soient tirées les leçons pertinentes sur l’organisation et le fonctionnement des services administratifs et que la gestion des contentieux d’expropriations puisse être améliorée.
En effet, l’Etat du Sénégal continuera toujours de procéder à des expropriations pour cause d’utilité publique : celles-ci sont un mal nécessaire, le corollaire indispensable à la réalisation d’infrastructures profitables à tous les citoyens.
Dans ce cas, le système mérite d’être repensé, corrigé et encadré car même si l’accusation de détournement de deniers publics s’est révélée fausse et uniquement nourrie des arrière-pensées politiciennes, les travaux de la Commission d’enquête parlementaire auront tout de même permis de mettre en exergue certaines anomalies dans la procédure d’indemnisation des expropriations pour cause d’utilité publique, qu’il convient d’éradiquer.
A/ Recommandation spécifique à l’Affaire dite de détournement de 94 milliards sur le TF n°1451/R:
Le statu quo actuel entre Monsieur Seydou SARR et les héritiers ne peut pas perdurer et il persiste un risque sur les finances publiques de l’Etat suite aux intérêts qui se greffent au principal.
Par voie de conséquence, la Commission d’enquête parlementaire propose :
B/ Recommandations à caractère général :
La commission invite à la révision de la loi n°76-67 du 02 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et de son décret d’application n° 77-563 du 03 juillet 1977, en vue de leur actualisation.
La commission invite à :
Il s’y ajoute aussi le nombre important de contentieux sur le foncier.
Bancarisation du paiement des indemnisations liées aux expropriations pour cause d’utilité publique
Dans un souci de transparence, il faut faire recours à un appel d’offres pour la désignation des établissements bancaires retenus pour le paiement des indemnisations des expropriations pour cause d’utilité publique pour chaque dossier ou pour la globalité.
VI- ANNEXES