Economie

Anti-conformisme, provocation, guerre des prix: comment Free a bousculé et obligé Orange à réagir

Agence Free à Touba
Agence Free à Touba

Dix-huit mois après son entrée sur le marché télécoms sénégalais, la nouvelle société de téléphonie mobile, portée par Saga Africa Holdings Ltd, accumule les rappels à l’ordre de l’Autorité de régulation des télécommunications et de la poste (Artp). Entre promotions illégales, offres à petits prix jugées anticoncurrentielles et autres frasques qui l’ont rapidement mise sous le feu des projecteurs, Free semble avoir maille à partir avec le régulateur télécoms. Mais les actions du nouveau venu dissimulent une stratégie plus élaborée, destiné à le propulser sur le marché sénégalais. 

Depuis son changement officiel de nom, de Tigo à Free, le 1er octobre 2019, le nouvel opérateur télécoms, propriété de Xavier Niel, Yérim Sow et Hassanein Hiridjee, accumule les mises en garde de l’Autorité de régulation des télécommunications et de la poste (Artp). La société télécoms s’est fait taper sur les doigts pour divers motifs relatifs à la concurrence. Elle a tout d’abord été rappelée à l’ordre pour non-respect de la réglementation sur les promotions télécoms en instituant des bonus de télécommunications sur des transactions marchandes via Free Money ainsi que sur des offres télécoms, sans approbation préalable de l’Artp par voie de courrier officiel.

« Free est une marque de rupture ».

L’infraction a été commise en toute connaissance de la décision n° 2019-008 du 29 mai 2019 portant encadrement des promotions relatives à la fourniture de produits et services de télécommunications, entrée en vigueur 11 mois après le début d’activité de Saga Africa Holdings Ltd, maison-mère de Free, sur le marché télécom local.

Le 5 novembre, la société télécom s’est aussi vue rappelée à l’ordre sur la gratuité de WhatsApp, qu’elle a tenté d’instituer dans un contexte ou la réflexion s’approfondit sur le statut à accorder aux applications Over-The-Top qui déstabilisent les marchés télécoms traditionnels.

Le 5 novembre, la société télécom s’est aussi vue rappelée à l’ordre sur la gratuité de WhatsApp, qu’elle a tenté d’instituer dans un contexte ou la réflexion s’approfondit sur le statut à accorder aux applications Over-The-Top (OTT) qui déstabilisent les marchés télécoms traditionnels. Puis, sa publicité sur son expérimentation de la 5G ; technologie au coeur de l’actualité télécoms mondiale mais que très peu de marchés africains envisagent d’adopter de sitôt ; lui a aussi valu une remontrance du régulateur télécoms. Il n’est d’ailleurs pas exclu que ces frasques ne soient pas les dernières de la société télécoms qui reproduit au Sénégal une stratégie commerciale en deux étapes, déjà éprouvée avec succès par Xavier Niel en France, tout premier marché de Free.

Anti-conformisme

En intégrant le marché télécoms français en 2012, dominé par Orange, SFR et Bouygues, Free qui n’était alors que du menu fretin face à trois géants, a réussi au fil du temps à se faire une place en misant sur la provocation.

Se faire une place en misant sur la provocation.

Bien que la stratégie soit risquée, la société a, la plupart du temps, su doser son impertinence afin d’éviter des sanctions financières et administratives trop douloureuses. C’est visiblement la même stratégie que l’entreprise déploie au Sénégal où le marché télécoms est confisqué à près de 55% par Sonatel, filiale d’Orange, depuis de nombreuses années déjà. Free veut bâtir une image d’opérateur plus proche du peuple, qui souhaite accroître leur pouvoir de communiquer, mais qui est freiné dans son élan révolutionnaire par le système. La société qui trouve des abonnés longtemps acquis à des concurrents, investit ainsi sur son capital sympathie de défenseur des intérêts des consommateurs. Cette image devrait contribuer sur le long terme à les attirer à elle.

Free veut bâtir une image d’opérateur plus proche du peuple, qui souhaite accroître leur pouvoir de communiquer, mais qui est freiné dans son élan révolutionnaire par le système.

Selon Mamadou Mbengue, le directeur général de Free Sénégal, l’entreprise veut représenter une marque forte, elle veut casser les codes car « Free est une marque de rupture ». Une rupture que l’entreprise a aussi prévu de réaliser à travers des prix cassés.

La guerre des prix relancée

Depuis son entrée officielle sur le marché télécoms sénégalais, en avril 2018, jusqu’au 30 juin 2019, date des dernières statistiques de l’Artp sur le marché télécoms, la part de marché de Free est passée de 24,29% à 25,55%.

« On vient simplifier tout ça. Bref, on fait du Free ».

L’entreprise qui revendique un investissement de 150 millions de dollars US (89 milliards Fcfa) dans le réseau, est bien décidée à bousculer l’ordre établit en contraignant ses adversaires à sortir de leur zone de confort. « Notre ambition est d’offrir le meilleur de la télécommunication aux consommateurs et à des prix très accessibles. Il ne s’agit pas simplement de tarifs, mais il fallait également travailler sur le réseau (…) Pourquoi en Europe, un consommateur paierait moins que le consommateur sénégalais? Son pouvoir d’achat est relativement plus faible, donc on aurait dû lui apporter un juste prix », affirme Mamadou Mbengue.

Pourquoi en Europe, un consommateur paierait moins que le consommateur sénégalais?

Pour Hassanein Hiridjee, coactionnaire au sein de Free, « jusqu’à présent, au Sénégal, il y avait trop d’offres tarifaires et les prix étaient trop élevés. La data était même plus chère qu’en France. On vient simplifier tout ça. Bref, on fait du Free ».

Les tactiques de Free pour parvenir à sa « révolution » suscitent déjà les protestations de ses compétiteurs qui dénoncent une violation des textes qui régissent la concurrence. Mais pour Free, la conformité ne tient pas uniquement au respect strict de la loi. Pour la société télécoms, « la conformité, c’est également d’être convergeant avec les objectifs du régulateur: le premier, c’est de faire baisser les tarifs ; le deuxième, c’est de promouvoir les investissements et le troisième est d’encourager l’innovation », soutient Mamadou Mbengue.

Avec agenceecofin

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