Guillaume Soro-Ousmane Sonko: consonance et dissonance
SORO-SONKO : CONSONANCE ET DISSONANCES
Chers amis de Pastef,
J’ai remarqué heureusement que vous avez accepté le rameau d’olivier que je vous ai tendu ce matin en amabilité.
Comme j’avais promis d’offrir un cadeau de Nouvel an, je vous vois admettre que j’affecte de compter Ousmane Sonko parmi les leaders générationnels de la sous-région, à la même loge qu’un Guillaume Soro à la harangue anti-occidentale balbutiante.
Quelle témérité, « le petit gros » abidjanais ! En accusant Emmanuel Macron de comploter avec Alassane Ouattara pour l’écarter de la course vers le plus haut destin politique, Soro a franchi, sur l’axe Paris-Abidjan, une ligne rouge que même le panafricaniste Laurent Gbagbo s’est gardé de dépasser.
Mais, permettez de relever que c’est une vraie ironie de l’histoire quand un poulain de Blaise Compaoré, le dépositaire des réseaux françafricains jusqu’à une période récente, s’en prend à la France. C’est que Guillaume, qui ne s’empêche pas pour autant de fréquenter Alexandre Benalla qui incarne la face hideuse de la Macronie, est un initié, sachant manipuler les codes d’alerte sans en subir l’effet boomerang.
Contrairement à Ousmane Sonko, l’ex-dirigeant des étudiants de la Côte d’Ivoire a été révolutionnaire à 18 ans, pour cesser de l’être à 40 ans, l’âge où le leader de Pastef entre en politique sur le tard. A 40 ans, Soro avait déjà une riche carte de visite institutionnelle (Premier ministre, président de l’Assemblée nationale), tandis que le Sénégalais est devenu député à 43 ans. L’Ivoirien est bien introduit dans le syndicat des chefs d’Etat et maitrise les réalités de la géopolitique. Là où Sonko, sur les élections en Guinée Bissau, par exemple, a misé sur le candidat du Paigc qui perdra. Soro parle doucement et porte un discours rassembleur. Il échange avec les ex-chefs d’Etat ivoiriens en vie, au lieu de les « fusiller » à bout portant. Rusé, il ne menace jamais Alassane Ouattara. Il sait avancer masqué et ne laisse pas l’adversaire deviner son jeu. Cette leçon, il la tient, peut-être, de Houphouët qui conseilla Thomas Sankara de ne plus menacer François Mitterrand, d’autant plus que ce dernier avait les moyens de le détruire.
Mais on ne va pas jeter les bébés avec l’eau du bain. Donnés pour les derniers remparts de la Françafrique, la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont besoin de jeunes leaders pro-actifs pour débarrasser le pré carré africain du pays de Marianne des 3F (France-Françafrique-F Cfa). On semble l’oublier, ces deux pays ouest-africains étaient de précieux laboratoires des nationalismes pré-indépendances. Félix-Houphouët Boigny réussit à créer le plus grand parti fédéral dans la zone, à savoir le RDA, et tint tête aux colons pendant près d’une décennie. C’est au lendemain de sa rencontre avec Jacques Foccart en 1953 qu’il sera le relais de la politique africaine de la France. Le tandem Léopold Sédar Senghor-Mamadou Dia, de son côté, lutta farouchement contre la balkanisation de l’Afrique avant de céder, après l’éclatement de la Fédération du Mali.
Ainsi, devons-nous transcender les nationalistes cocardiers pour constituer un puissant mouvement, ne serait-ce que dans l’espace UEMOA, pour réaliser le rêve des grands-pères. Même si ce n’est pas Soro ou Sonko, quelqu’un doit bien incarner ce combat. Le destin de l’Afrique aurait pu être autre si Me Lamine Gueye avait accepté la proposition de Boigny, pour la constitution d’un grand parti fédéral africain. Ne nous leurrons pas, sans l’unité politique, toutes les autres combinaisons militaires et monétaires, ne feront que le jeu du colon qui n’est pas parti.
Thierno DIOP