Démocratie

Rapport Freedom House : le Sénégal passe des « pays libres » aux « pays partiellement libres »

Le rappeur et activiste membre de Yen a marre Thiat arrêté par la police lors d'une manifestation à Dakar
Le rappeur et activiste membre de Yen a marre Thiat arrêté par la police lors d'une manifestation à Dakar

L’Ong américaine Freedom House a publié il y’a quelques jours son rapport 2020 sur la situation de la démocratie dans le monde. Intitulé « Les libertés en mouvement dans le monde » le rapport est une compilation de données recueillies dans 195 pays à travers le globe. Pour cette édition aussi, les pays du nord, la Norvège ; la Finlande et la Suède composent le podium avec des score de 100 points sur 100. Alors que la Syrie (0/100) ; le Tibet (1/100) ; le Soudan du Sud (2/100) ou encore la Corée du Nord (3/100) sont parmi les plus mal-classés. Pour le Sénégal, cette année, comme les deux années précédentes, on note un recule des libertés dans le pays. Un enchainement des mauvaises notes qui a fait dégringoler le Sénégal du lot des « pays libres » à celui des « pays partiellement libres ». L’Ong américain reproche à « l’exclusion de deux grandes personnalités de l’opposition (Karim Wade et Khalifa Sall) » lors de l’élection présidentielle de 2019.

Lorsque les détracteurs du président Macky Sall affirment qu’il représente une menace pour la démocratie sénégalaise, ses partisans nous disent de nous détendre, arguant que personne n’est exilée ou enfermée pour avoir critiqué le chef suprême et que les tribunaux et les médias continuent de faire leur travail ou encore que des élections ne sont pas annulées. Tout cela est vrai, mais il offre peu de confort étant donné l’expérience historique de la façon dont d’autres pays ont perdu leur liberté. Mais surtout au regard de ce qu’a toujours la démocratie sénégalaise.

Et cela semble se confirmer avec le dernier rapport de l’Ong américaine Freedom House sur la situation de la démocratie dans le monde, publié il y’a quelques semaines. Dans le document intitulé « Les libertés en mouvement dans le monde », parcouru par Les Échos, l’Ong américaine Freedom House continue à exprimer ses inquiétudes concernant le recul démocratique au Sénégal.

D’ailleurs, pour la première fois, depuis plusieurs années, Freedom House a fait passer le Sénégal du lot des «pays libres» à celui des «pays partiellement libres». L’Ong américaine reproche à notre pays d’avoir empêché de potentiels candidats de se présenter à la dernière élection présidentielle en 2019. «Le statut du Sénégal est passé de pays libre à pays partiellement libre parce que l’élection présidentielle de 2019 a été entachée par l’exclusion de deux grandes personnalités de l’opposition (Karim Wade et Khalifa Sall, ndlr) qui avaient été condamnées dans des affaires de corruption politiquement lourdes et ont finalement été graciées par le président sortant», déplore Freedom House.

Ainsi, longtemps parmi les rares pays libres du continent avec le Ghana, l’Afrique du Sud ou encore la Namibie, le Sénégal paye cher la dégradation des libertés dans le pays en se classant désormais parmi les pays partiellement libres.

Aussi, cela s’accompagne d’une mauvaise note au classement général. Ainsi, cette année, comme les deux années précédentes, on note un recul des notes du Sénégal, preuve d’un dégradation des libertés dans le pays. En effet, avec 78 points sur 100 en 2017, le Sénégal s’était retrouvé avec 75 point en 2018 ensuite 72 en 2019. En 2020 encore, le pays perd un point, se retrouvant désormais avec 71 points sur 100 possibles.

Il faut savoir que pour établir son rapport, Freedom House se base sur deux matières à savoir les Droits politiques avec un score total de 40 points et les Libertés civiles notées sur 60 points. Pour ce qui est des Droits politiques, le Sénégal marque 29 points sur 40. Freedom House explique cela par plusieurs choses, notamment les élections, le mandat présidentiel ou encore les lois.

«En février 2019, le Président Sall a vaincu quatre adversaires, dont l’ancien Premier ministre Idrissa Seck du parti Rewmi et Ousmane Sonko des Patriotes du Sénégal pour l’éthique, le travail et la fraternité (Pastef) ; Sonko est un ancien inspecteur des impôts soutenu par de nombreux jeunes Sénégalais frustrés par le Président Sall et les politiques de son administration», note le document.

Poursuivant, l’Ong indique qu’alors que les observateurs internationaux ont déclaré que l’élection était crédible, elle a été entachée par l’exclusion de deux éminents politiciens de l’opposition, Khalifa Sall et Karim Wade, qui auraient pu sérieusement défier le Président Sall ; en janvier 2019, quelques semaines seulement avant le scrutin, le Conseil constitutionnel avait décidé que les deux n’étaient pas éligibles pour se présenter à l’élection présidentielle, parce qu’ils avaient tous deux déjà été condamnés dans des affaires de corruption distinctes et politiquement lourdes. «En mai, les législateurs ont approuvé une réforme constitutionnelle controversée qui a aboli le poste de Premier ministre, et Sall l’a rapidement signée. Cette décision, qui n’avait pas fait partie de la plate-forme de réélection de Sall, a provoqué un tollé de critiques qui l’ont accusé de chercher à consolider le pouvoir. Par ailleurs, en décembre 2019, le Président Sall a suggéré qu’il pourrait tenter de briguer un troisième mandat en 2024», ajoute le rapport.

Pour ce qui est des Libertés civiles, le Sénégal a obtenu un score de 42 points 60. Sur ce point, constatant que la constitution garantit la liberté d’expression, l’Ong américaine s’insurge que des lois sur la diffamation soient parfois appliquées contre les journalistes. «Le code de la presse controversé de 2017 a augmenté les sanctions pour les délits de diffamation, permet aux autorités de fermer les organes de presse sans autorisation judiciaire et permet au gouvernement de bloquer le contenu Internet jugé contraire à la morale», déplore le rapport, ajoutant que les journalistes qui fournissent une couverture critique du gouvernement ont été agressés ou détenus ces dernières années.
«En juillet 2019, le journaliste et analyste politique Adama Gaye, connu pour avoir vivement critiqué le régime au pouvoir, a été arrêté pour des infractions présumées contre le chef de l’État et compromettant la sécurité de l’État. Il a été libéré sous caution en septembre», ajoute le rapport.

Sur ce qui est de l’État de droit, le rapport explique que «le pouvoir judiciaire est officiellement indépendant, mais le Président contrôle les nominations au Conseil constitutionnel, à la Cour d’appel et au Conseil d’État. «Les juges sont sujets aux pressions du gouvernement sur les questions impliquant des hauts fonctionnaires. Le Conseil supérieur de la magistrature, qui recommande des nominations judiciaires au pouvoir exécutif, est dirigé par le Président et le ministre de la Justice, ce qui, selon les critiques, compromettent son indépendance», déplore Freedom House.
Au niveau mondial, le rapport explique que l’Afrique subsaharienne a dominé le monde dans les mouvements positifs et négatifs. Puisque sur les 12 déclins les plus importants à l’échelle mondiale, sept se sont produits en Afrique subsaharienne et sur les sept améliorations les plus importantes, six se sont produites dans la région.

Ce qui frappe le plus dans les déclins de l’année, c’est la tendance négative en Afrique de l’Ouest. En effet, cinq des 12 déclins mondiaux les plus importants se situent dans la sous-région ouest-africaine. «La descente rapide du Bénin a fait passer son statut de libre à partiellement libre en liberté dans le système à trois niveaux du monde, et une baisse d’un point au Sénégal, qui a chuté de sept points au cours des trois dernières années, l’a fait basculer Catégorie partiellement gratuite également», note le rapport, ajoutant qu’en conséquence, seuls deux pays d’Afrique de l’Ouest, le Ghana et le Cap Vert, sont désormais classés comme libres.

Cette année encore, ce sont les pays nordiques : la Norvège, la Finlande et la Suède qui composent le podium avec des scores de 100 points sur 100. Alors que la Syrie (0/100), le Tibet (1/100), le Soudan du Sud (2/100) ou encore la Corée du Nord (3/100) sont parmi les plus mal-classés.

 

Avec Les Echos 

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