Pour un redémarrage de l’activité : les chauffeurs déversent leur colère dans les rues à Touba, Diourbel et Thiès
Contraints de garer leurs véhicules, à cause de l’interdiction du transport interurbain de passagers depuis plus de deux mois, les chauffeurs qui n’en peuvent plus de la précarité, ont déclenché hier une grève de 48h et investi les rues dans plusieurs localités comme Touba, Mbacké, Diourbel, Thiès… Dans d’autres localités, à l’image de Kolda, ils ont opté pour la manière douce, se contentant de peindre devant la presse un tableau sombre de leur situation et réclamant au chef de l’Etat une assistance financière.
Haro ! Les chauffeurs n’en peuvent plus de garer leurs voitures en respect des mesures liées à la lutte contre le coronavirus, notamment l’interdiction des transports interurbains. Et ils se sont bien fait entendre hier un peu partout dans le pays. A Touba-Mbacké, c’est une véritable intifada qui les a opposés aux forces de l’ordre, au niveau de la route principale reliant les deux localités. Entre routes barrées, pneus brûlés, circulation perturbée, les jeunes chauffeurs, apprentis, ouvriers, ont donné du fil à retordre aux policiers, qui ont essuyé des jets de pierres et ont dû faire usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants. D’ailleurs, certains d’entre eux ont été interpellés. Dans la capitale régionale, Diourbel, les chauffeurs ont également déversé leur colère dans la rue, en bloquant la circulation à plusieurs endroits de la ville. Mais alors qu’ils marchaient vers la gouvernance, ils ont été contraints de faire machine arrière après avoir été dispersés par les forces de l’ordre, qui ont su gérer la situation sans heurts.
«Nos familles commencent à mourir de faim. Beaucoup d’entre nous ont finalement versé dans la mendicité»
Avant les manifestations, les chauffeurs, apprentis, ouvriers (mécaniciens, tôliers, électriciens auto…) avaient tenu une assemblée générale au cours de laquelle leurs responsables ont peint un tableau sombre de leur situation, non sans avertir qu’ils ne manqueront pas d’aller porter leurs revendications auprès du Khalife général des Mourides. «Cette situation d’interdiction de circulation automobile qui pèse sur le transport interurbain ne peut pas continuer. Nous ne pouvons plus rester chez nous. Nos familles commencent à mourir de faim. Beaucoup d’entre nous ont finalement versé dans la mendicité», a déploré Pape Diop, leur président. Quant au vice-président Alé Samb, il a fustigé le non-respect des promesses d’accompagnement de l’Etat pour le secteur. «Personne n’a reçu un franc ici. Depuis trois mois, nous ne travaillons plus et l’aide dont certains ont fait écho ne nous est toujours pas parvenue», dit-il.
Manifestation des chauffeurs de Thiès, Tivaouane…
A Thiès, on a assisté aux même scènes. Des chauffeurs qui n’en peuvent plus ont investi les rues, barrant des routes, brûlant des pneus… Même la bourgade de Ndiakhaté Ndiassane dont l’activité essentielle des femmes est la vente au bord de la route s’est jointe à la manifestation. A Tivaouane également, les chauffeurs, apprentis et ouvriers ont manifesté, même si c’est à un degré moindre qu’à Thiès. Mais leurs responsables ont fait face aux journalistes, pour déplorer leur situation qui empire après près de trois mois d’arrêt de travail. Ainsi, ils ont demandé au chef de l’Etat de veiller à ce qu’un soutien leur soit apporté d’urgence dans le cadre du Fonds Covid-19.
Kolda : «plus impactés que nous les chauffeurs, il n’y en a pas. Nous n’en pouvons plus»
A Kolda, les chauffeurs et apprentis ont manifesté leur désarroi autrement. A la place des actions de rues, ils ont tenu un point de presse pour lancer un cri de détresse en direction du gouvernement et en particulier du chef de l’Etat. «Nous demandons au chef de l’Etat de nous venir en aide pour que les chauffeurs puissent entrer en possession de l’appui promis au secteur du transport dans le cadre du fonds Force Covid-19. Plus impactés que nous les chauffeurs, il n’y en a pas au Sénégal. Nous n’en pouvons plus. Nous sommes vraiment fatigués», a plaidé leur président Bouly Vieux Diédhiou. Qui est conscient qu’il est aujourd’hui difficile de lever les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la maladie qui gagne de plus en plus de terrain. Mais dans ce cas, précise-t-il, il faut «accompagner les chauffeurs et leurs familles qui sont très éprouvés par cette pandémie».
Mbaye THIANDOUM pour Les Echos