Agriculture

[Tribune] réflexion sur la politique de subvention des intrants agricoles au Sénégal – Par Ndongo Gueye

[Tribune] réflexion sur la politique de subvention des intrants agricoles au Sénégal - Par Ndongo Gueye
NDONGO GUEYE

L’agriculture étant le moteur de la croissance économique pour les pays en développement, la croissance de sa productivité est un défi majeur à relever pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et améliorer la situation de la balance commerciale, surtout dans un contexte marqué par la fermeture des frontières liée à la covid19.

A priori, la mise en place de services intégrés adaptés tels que; la fourniture de semences et engrais de qualité, en quantité suffisante, le renouvellement du matériel agricole vétuste apparait comme un des moyens permettant d’accroitre la productivité agricole.Cependant, force est de constater que l’agriculture dans les pays au sud du Sahara est caractérisée par un taux d’utilisation d’engrais faible ; ce qui y constitue une des contraintes majeures à l’essor de la productivité dans le secteur (FtF, 2018).

Les politiques de subventions des intrants menées par la plupart des gouvernements dans les pays en développement, visent, généralement, à améliorer la productivité dans le secteur agricole à travers un accès facilité et une meilleure utilisation des semences et des engrais par les producteurs. Pourtant, la littérature sur les liens entre les subventions d’intrants et la productivité agricole n’est pas concluante et met en exergue des problèmes : ciblage des bénéficiaires et faible capacité financière des petits producteurs à accéder aux subventions.

Au Sénégal, l’agriculture occupe plus de 60% de la population rurale. Principal secteur pourvoyeur d’emplois et de revenus stables, elle bénéficie d’un soutien considérable de l’Etat. En fait, le secteur agricole au Sénégal a été longtemps marqué par l’intervention de l’État sous diverses formes telles que la politique de soutien aux prix des intrants, les exonérations fiscales, les annulations des crédits, et cela, depuis l’indépendance du pays (IPAR, 2015).

Parmi les différentes politiques d’intervention en faveur de l’agriculture, le Sénégal a choisi, récemment, de mettre l’accent sur les subventions. Les différents programmes dans le secteur agricole qui se sont succédés depuis le milieu des années 1980 ont eu, chacun, un volet important d’intervention publique : la Nouvelle Politique Agricole (NPA) en 1984, les programmes spéciaux et la GOANA des années 2000, le PNIA et le PRACAS en cours d’exécution.

« Cette année, pour cette campagne, le budget de 39 milliards pour la subvention des intrants a été augmenté de 15 milliards. Aujourd’hui, on tourne autour de 60 milliards F CFA. C’est un signal fort pour dire que le président de la République est conscient que le secteur agricole est touché. Et, il faut des mesures d’accompagnement pour qu’on puisse produire et bien produire pour cette campagne. », a expliqué le Directeur de l’Agriculture, Oumar Sané. Ceci met bien exergue la volonté manifeste de l’Etat du Sénégal de faire de l’agriculture sa priorité.

En effet, on constate dans le monde rural la distribution des quotas sur la base du paiement des impôts des ménages. Pour ainsi dire, il n’y a pas une très bonne identification pour faire véritablement une caractérisation basée sur le statut de « gros, moyen et petit producteur » des bénéficiaires de la subvention de l’Etat.

De plus, tout le monde est « ayant droit » de la subvention, peu importe qu’on soit cultivateur ou non. Par conséquent la quantité reçues est largement inférieure aux besoins (3 à 4 kg par tête).

C’est ce qui fait que les non cultivateurs revendent leur part aux grossistes, d’où un détournement de l’objectif d’améliorer les rendements agricoles. Nous constatons aussi une défaillance sur le circuit de distribution qui en général profite à une bande de mafieux.

Par exemple, dans certaines communes, nous constatons un retard et, parfois même, une absence de réception de la quantité due. Ce qui n’est rien d’autre qu’un détournement de deniers publics.

Par rapport à la qualité, nous constatons une très mauvaise qualité et il n’y a pas un contrôle de la part des services techniques concernés alors que le coût du Kg est exorbitant, ce qui pose le problème de soutenabilité dans le long terme par l’Etat. L’autre problème constaté dans la subvention des intrants est lié aux invendus résultant de la faible capacité financière des petits producteurs.

Face à ces problèmes nous proposons des pistes de solutions ci-dessous :

Organisation et professionnalisation des petits producteurs autour des sociétés de coopératives agricoles, ce qui facilitera une meilleure identification des bénéficiaires de la subvention ;

Facilitation de l’accès au financement adapté par une bonification du crédit agricole accordé où une baisse du taux d’intérêt de 12% à 7% avec un allégement de la procédure aux membres des sociétés de coopératives ;

Réorientation de la subvention sur l’achat des produits récoltés afin de proposer des prix plus rémunérateurs aux producteurs ;

Réorientation de la subvention sur la recherche agricole pour assurer la disponibilité des semences certifiées et d’autres intrants sur le marché.

Ndongo GUEYE, ingénieur agroéconomiste

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