3ème mandat, tripatouillage constitutionnel, mise à l’écart des arabophones : le fils aîné de Serigne Mountakha Mbacké adoube le peuple malien, avertit Macky et Cie et invite les chefs religieux à mener le combat
C’est une sortie qui n’est pas courante et qui va certainement faire parler dans les prochains jours. Serigne Kosso Mbacké, fils aîné de Serigne Mountakha Mbacké, Khalife général des Mourides qui, dans un enregistrement audio rendu public, a prétexté la situation au Mali pour aborder l’épineuse question du troisième mandat au Sénégal et dans certains pays de la sous-région. Le guide religieux de Touba a appelé au respect de la Constitution et dénoncé la «mise à l’écart» des arabophones dans la gestion de notre pays.
C’est une déclaration qui sonne comme un avertissement envers les tenants du pouvoir dans nos pays. En effet, dans un enregistrement audio publié sur internet, Serigne Kosso Mbacké, fils aîné de Serigne Mountakha Mbacké, Khalife général des Mourides, a abordé la question du troisième mandat au Sénégal et dans certains pays de la sous-région. Prétexte de cette sortie pas du tout commune chez les religieux du Sénégal : la situation qui prévaut chez le voisin malien.
«Je voudrais dire ma pensée sur la situation qui prévaut chez notre voisin malien. Parce que même si je ne suis pas un politicien, je suis témoin des faits et le fait d’assister à un évènement fait que j’ai forcément une position là-dessus. Un homme qui a toute sa tête ne peut pas se permettre à chaque fois, pour quelque raison que ce soit, de baisser la tête pour faire comme si de rien n’était. Ce n’est pas possible. C’est pour dire que j’ai bel et bien une position sur la situation au Mali», a d’abord indiqué Serigne Kosso Mbacké, fils aîné de Serigne Mountakha Mbacké, Khalife général des Mourides.
Poursuivant, il livre sa pensée sans ambiguïté aucune, accusant clairement le Président déchu du Mali d’avoir rompu le contrat qui le liait avec les Maliens, notamment par sa mauvaise gestion du pays. Une gestion chaotique qui, selon lui, légitime entièrement l’action du peuple malien ainsi que son armée. Cela dit, il indique que c’est ainsi que cela doit être dans les autres pays du continent où les dirigeants se prennent pour des rois.
«Ibrahima Boubacar Keita est chargé de gérer un pays, le Mali, avec tous ses biens et richesses. Les Maliens, qui sont en réalité les seuls propriétaires de tous ces biens et richesses, ont le droit de savoir comment tout cela est géré, afin de savoir ce qui marche et ce qui ne l’est pas. C’est comme ça que ça doit se passer partout. Donc cette situation, si les Maliens en viennent à constater que leur pays est mal géré, ils ont le devoir de se lever pour demander des comptes à ceux à qui ils ont confié leurs destinées. C’est exactement ce que le peuple malien a fait en luttant jusqu’à obtenir le départ d’Ibrahima Boubacar Keita. Et maintenant à eux de voir comment et avec qui gérer leur pays», a ajouté le religieux.
«Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée ou partout ailleurs, les peuples doivent prendre leurs responsabilités comme les Maliens»
Serigne Kosso Mbacké est persuadé que c’est ainsi que tous les peuples doivent se comporter. «C’est comme ça que ça doit être partout où les dirigeants ne respectent pas leur engagement vis-à-vis du peuple ou violent la constitution. Que ce soit au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée ou partout ailleurs, les peuples doivent prendre leurs responsabilités comme les Maliens. Parce que certains dirigeants sont en train de détruire leur pays en commençant par détruire la démocratie rien que pour s’arroger le droit de faire un troisième mandat. Si ça ne s’arrête pas, c’est tout le continent qui risque de sombrer», a martelé Serigne Kosso Mbacké, qui note que c’est d’autant plus déplorable que c’est un engagement ferme que tous ces dirigeants ont pris devant leurs peuples. «Ils ont tous l’obligation de respecter la constitution de leurs pays respectifs. Maintenant, s’ils se prennent pour des rois au point de croire qu’ils peuvent changer les règles du jeu chaque fois que bon leur semble, accompagnés dans cela par des traitres, il faut qu’ils sachent que cela ne peut pas continuer», a-t-il ajouté.
«Il faut rompre avec cette idée que seuls les Sénégalais qui parlent une langue (le français) sont capables de gérer»
Autre point abordé par le religieux de Touba, la «mise à l’écart» des arabophones dans la gestion de notre pays. Sur cette question, le fils aîné du Khalife général des Mourides a commencé par saluer la sortie d’Ahmed Khalifa Niass, qui a abordé la question avant lui. «Il ne doit pas être possible que des gens soient mis à l’écart de la gestion du pays parce que tout simplement ils ne parlent pas une langue. Il va falloir rompre avec cette idée que seuls les Sénégalais qui parlent une langue (le français) sont capables de gérer et c’est eux qui doivent s’accaparer de tous les biens du pays. Tout le monde qui a de l’expertise doit être associé à la gestion du pays. Parce qu’il n’est pas dit que seuls ceux qui parlent où travaillent en français sont capables de gérer et bien gérer. D’ailleurs, le nombre de personnes qui parlent français dans le monde est beaucoup moins important que le nombre de personnes qui parlent arabe. Je lance un appel à tous les chefs religieux et à tous les arabophones de mener la lutte, à partir d’aujourd’hui, pour ce que cela change».
Sidy Djimby NDAO – Les Échos