Pétrole

« Le Protocole de l’Élysée » : les bonnes feuilles du brûlot de Thierno Alassane Sall qui charge Macky Sall ; Boune Dionne…

Le Protocole de l’Élysée - confidences d’un ancien ministre du pétrole - les bonnes feuilles du brûlot de Thierno Alassane Sall
Le Protocole de l’Élysée - confidences d’un ancien ministre du pétrole - les bonnes feuilles du brûlot de Thierno Alassane Sall

Thierno Alassane Sall a sorti un livre qui risque de faire des vagues, notamment du côté du pouvoir. Dans l’ouvrage intitulé «Le Protocole de l’Élysée : les confidences d’un ancien ministre du pétrole», il est revenu largement sur la fameuse rencontre su 24 avril 2017 avec le Président et le Pm, à partir de laquelle la rupture a été consommée avec le chef de l’Etat, car refusant de signer l’accord entre Timis et Kosmos, le jugeant très défavorable au Sénégal et proposant le retrait pur et simple des licences de Timis qui n’avait rien tenu de ses engagements et allait tirer des sommes faramineuses de la cession de ses parts des blocs de Cayar Offshore et Saint-Louis Offshore. De la surprise du Président, aux échanges et mots pas toujours cordiaux entre eux, à sa démission, en passant par l’arrivée en gendarme de l’ancien Premier ministre trop zélé, dit-il, qui voulait qu’il signe sans broncher…l’ancien ministre du Pétrole dit tout.

Thierno Alassane Sall ne parle pas que de Petro-Tim et de Total. Dans son brûlot, «Le Protocole de l’Elysée : Confidences d’un ancien ministre sénégalais du Pétrole», il dissèque aussi la «déprédation foncière», notamment sous Wade avec l’occupation de la bande verte. C’est d’ailleurs ce sujet qui l’a conduit vers Macky Sall, alors Premier ministre. Ce livre de 500 pages paru aux Editions Fauves, est aussi un TAS d’anecdotes sur son engagement politique.

(…) En 2006, à un an des élections présidentielle et législatives, la boulimie foncière atteint ce que je prenais à tort pour un paroxysme : à cette date, la proie de Abdoulaye Wade était la bande verte qui longeait le mur est de l’aéroport, courant d’une extrémité à une autre de la piste principale et au-delà. C’était donc une bande de plus de quatre kilomètres de long et large en moyenne d’un kilomètre. Selon les normes de l’aviation, c’était une zone non aedificandi ou soumise à des restrictions très strictes. Au surplus, la zone étant distante de quelques centaines de mètres seulement de la piste principale, son occupation n’allait pas sans danger considérable pour ses habitants comme pour les opérations aériennes.

Au-delà des nuisances sévères et incessantes aux-quelles les occupants étaient exposés, ceux-ci seraient les premières victimes potentielles d’un éventuel crash dans cette zone immédiatement contiguë à la bande de piste. Nul besoin d’être de l’aviation civile pour appréhender le risque élevé pour les riverains du crash d’un aéronef bourré de kérosène sur des habitations en dur et souvent densément occupées. Par ailleurs, les constructions, qui ne manqueraient pas de s’y amonceler dans un enchevêtrement si typique de Dakar, rendraient difficile l’accès des secours. Une Nation qui s’était distinguée à la face du monde par la catastrophe maritime la plus meurtrière jamais enregistrée, à savoir le naufrage du bateau Le Joola, s’apprêtait sciemment, délibérément, par les décisions de ses plus hautes autorités, à réunir les mêmes facteurs contributifs et/ou aggravants pour éventuellement surpasser ce triste record.

La connaissance avec Macky Sall sur… la bande verte

En ma qualité de représentant de l’Asecna, donc partie prenante à la sécurité de la navigation aérienne, je n’avais pas manqué d’alerter les autorités par des courriers adressés aux entités nationales compétentes. Ce fut avec un immense soulagement que j’appris que le chef du gouvernement Macky Sall s’était emparé du sujet et avait convoqué une réunion à la primature. (…) La rencontre ne connut pas les suites espérées de ma part : la bande verte fut dépecée comme un territoire conquis par une horde d’envahisseurs, des puissances de la galaxie au pouvoir grassement servies revendirent leur butin sur un marché immobilier porté à un régime démentiel par ceux-là à qui échoyait le devoir de protéger les intérêts des populations.

C’était un commerce des plus lucratifs : des personnes disposant d’une certaine influence auprès des électeurs étaient servies, de même que des hauts fonctionnaires dont les signatures ou le silence devaient être sécurisés. Les gros lots partaient vers les barons du système qui trouvaient par-là les moyens d’alimenter leurs trésors de guerre à la veille de joutes électorales. Enfin, une partie de la demande pressante en terrains dans des zones prisées était satisfaite. Bref, que du bonheur universel. (…) Le Premier ministre, Macky Sall, sans doute ébranlé par les scènes de chaos qu’il avait constatées au cours de sa visite des quartiers submergés sous les eaux aux alentours de l’autoroute, d’Ouest foire et de Yoff (dont le dispensaire avait été évacué), réalisait ce que la razzia des réserves foncières pouvait coûter à la communauté.

La cité Bellevue, aux villas de standing, se trouvait noyée par les eaux qui naguère étaient retenues par la zone de captage. Un pan nord de la clôture de l’aéroport avait cédé sous les eaux drainées à partir des cités érigées en toute illégalité le long de la zone d’approche du seuil sud de la piste principale. Le système de drainage des eaux de l’infrastructure, composé de canaux déversant directement à la mer à travers Ngor, avait été démantelé insidieusement par des occupations irrégulières entamées au milieu des années 1990, sous le magistère de Abdou Diouf. C’est un Premier ministre remonté qui se présenta à l’aéroport ce matin d’août 2006, à l’issue d’une visite au dispensaire de Yoff. Il se trouvait là pour saluer le Président en par-tance pour ses innombrables voyages à l’étranger. Sa visite terminée, il avait préféré attendre le Président à l’aéroport, ce qui nous imposait de venir lui tenir compagnie. J’étais en compagnie du Directeur général de l’aviation civile et du gestionnaire de l’aéroport.

Macky Sall nous interpella en marquant son étonnement que le projet d’occupation de la bande verte rencontrait l’assentiment des responsables de l’aviation civile. Mes deux collègues, effectivement favorables au projet, s’employèrent à le rassurer. Pour ma part, ayant exprimé mes réserves auprès du ministre de tutelle au cours de réunions antérieures, j’observai un mutisme notoire au point que le Premier ministre, que je ne connaissais que de loin, me demanda mon opinion.

«Monsieur le Premier ministre, votre intérêt pour la question m’oblige et me fait le devoir de vous donner mon opinion. Je souhaiterais toutefois le faire en présence du ministre de tutelle.» A ma grande surprise, il marqua son accord pour convoquer une réunion en présence des différentes parties prenantes sur le sujet. Nous nous retrouvâmes donc le lendemain après-midi à la Primature.

Je pus mettre un visage sur une partie des intérêts derrière le projet de partage des terres de la bande verte. J’avais certes saisi quelques phrases échangées au cours de rencontres inopinées à l’occasion des voyages de Wade où il était question de quotas pour des agents de l’aviation, mais voir le président de l’Assemblée nationale et maire de Dakar, une des baronnes du Pds et ministre du premier cercle du président, d’autres ministres et hauts fonctionnaires, se serrer dans la salle de conférences du coup très étroite de la Primature, renseignait sur la sensibilité du dossier et le sens des priorités en ce mois où les habitants de Dakar, Pikine, Guédiawaye et Rufisque grondaient de colère née d’un sentiment d’abandon de l’Etat face aux inondations. Le Premier ministre présenta brièvement l’ordre du jour de la réunion, qui visait à s’assurer si les services de l’aviation approuvaient effectivement le projet d’occupation de la bande verte. La réunion fut en réalité une confrontation de deux positions divergentes entre les techniciens de l’aviation présents, le reste des participants épiant, notant et hochant la tête d’approbation ou marquant d’un silence hostile leur opposition aux points de vue qui s’affrontaient.

A ma connaissance, les protagonistes de cette joute sont encore, dans leur majorité, de ce monde, je pus affirmer sans risque de contradiction que j’étais seul contre tous. M’inscrivant contre les arguments développés par mes collègues de l’aviation civile, j’exposai de manière nette et claire les risques majeurs qu’un tel projet posait pour la sécurité des vols, celle des habitants des sites en sus des nuisances permanentes. Je rappelai les perturbations graves du fonctionnement des installations radioélectriques induites par les immeubles et les objets en tous genres irrégulièrement implantés autour de l’aérodrome qui avaient amené les autorités de l’aviation à faire détruire dans un passé récent des constructions sur la même zone.

Comment comprendre que, toutes choses étant égales par ailleurs, il soit envisagé d’occuper non seulement les mêmes emplacements mais bien au-delà ? (…) Je fis une remarque délibérément provocatrice, espérant toucher le reste de sens des responsabilités de ces personnages, costumés tels des hommes d’Etat mais agissant en rapaces : le désastre du Joola devrait rappeler au Sénégal le tribut humain à consentir quand une Nation se fie des normes de navigation. Je fis remarquer, pour conclure, que le ministre Ousmane Masseck Ndiaye avait consacré deux réunions sur le sujet mais avait sans doute été conforté par l’avis quasi unanime des techniciens sur la viabilité du projet. J’ai pu observer au fil de mon itinéraire professionnel au Sénégal, comment des hommes de l’art falsifient ou à tout le moins omettent de rappeler les règles de leurs métiers par intérêt ou par peur pour leurs positions de sinécure. Alors, Macky Sall tira une conclusion qui participa pour beaucoup à me le rendre sympathique et sur le moment respectable.

Il déclara le projet inapproprié et leva la séance. Alors que je me tenais comme le reste de l’assistance debout, attendant qu’il se retirât, il s’approcha de moi et me dit de façon à être entendu par le plus grand nombre : «Mes félicitations pour la manière dont vous avez présenté votre position.» Plus tard ce soir-là, je reçus un coup de téléphone de Ousmane Masseck Ndiaye. Alors que je préparais une formule pour lui expliquer le dilemme que j’avais vécu entre mon amitié à son endroit et ma loyauté à ce qui me semblait être les intérêts de la République, il me dit : «Thierno, le Premier ministre m’a demandé de vous féliciter pour votre courage.».

«Mon engagement à l’Apr»

(…) Deux amis communs que j’avais connus dans l’aviation civile participèrent par la suite à davantage nous rapprocher, Mamadou Dieng et Mor Ngom. Ce dernier permit d’établir et d’entretenir un canal de communication entre le désormais président de l’Assemblée nationale, mais sur un perchoir de plus en plus précaire, et l’ancien représentant de l’Asecna que je suis devenu en ce début de l’année 2008. Bien avant l’affaire de la convocation de Karim Wade, président du Conseil de surveillance de l’Anoci, j’avais le sentiment au mois de janvier 2008 pour l’avoir sondé, que Macky Sall se préparait à l’éventualité d’une opposition à Wade. Je ne saurais affirmer que tel était son choix, je crois même que les diatribes incessantes de Farba Senghor lui auguraient l’hallali, ne lui laissant d’autre option que de s’y préparer. Il connaissait le milieu et avait lui-même naguère participé à ces sortes de rites sacrificatoires de la maison Wade.

D’autres que moi, du premier cercle de Macky Sall, le poussaient à entreprendre une vie en dehors du Pds. Sa famille propre, en particulier son épouse dut jouer un rôle décisif dans l’armement moral. (…) Dans mon proche entourage, plutôt porteur des idéaux de progrès et d’émancipation de l’Afrique, mon engagement à l’Apr, aux côtés de l’ancien Premier ministre de Wade et ci-devant président d’une Assemblée nationale plus que jamais chambre de légalisation de toutes les dérives de Wade, ne passait pas bien. Comment un homme, qui a applaudi toutes les dérives de Wade et ne l’a quitté que poussé quasiment au départ, peut-il porter un changement, m’objectait-on.

Ce furent des moments pénibles de justifications. J’expliquais mon choix par un faisceau d’espérances plus que par une adhésion sans réserve. Un besoin irrépressible d’agir pour contrer le péril destructeur de la gouvernance de Wade me pressait. Restait à trouver un cadre dans lequel militer. La création de l’Apr constituait pour moi une aubaine, en ce qu’elle permettait de participer à dessiner les contours d’une nouvelle offre politique et à tenter de façonner de rapports plus démocratiques au sein de l’organisation.

Parce que pour l’essentiel, les membres fondateurs de l’Apr appartenaient à la génération née après l’indépendance ou avaient fait leurs classes dans des cadres où l’aspiration à la démocratie interne était forte, j’imaginais qu’ils n’accepteraient pas de laisser se reproduire les tares qui minaient le Pds et les autres partis et qui précisément poussaient beaucoup de jeunes vers le nouveau parti. D’ailleurs, c’est tout naturellement que la rupture d’avec les politiciens et les politiques traditionnels s’était imposée comme un marqueur dans la ligne de l’Apr. Il y était beaucoup question de compagnonnage entre des pairs (And nawle, à l’opposé de la soumission aveugle aux décisions d’un père fondateur qui tenait de règlement intérieur aux partis dominants de l’espace politique), de restauration des valeurs d’honneur et de dignité, de gestion sobre et ver-tueuse.

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