Rapport du Département d’État américain sur le climat des investissements 2020 : les États-Unis annoncent le triplement de leurs investissements privés au Sénégal
La déclaration du Département d’État américain sur le climat des investissements 2020 du Sénégal traite des dernières évolutions de l’environnement des affaires au Sénégal dans treize domaines, en notant des progrès significatifs et des défis à relever pour réaliser les ambitions de faire de notre pays une terre d’investissement de rang mondial. Ce rapport, lu et exploité par le quotidien gouvernemental Le Soleil, note une attractivité croissante du Sénégal aux investissements américains qui ont plus que triplé sur deux ans.
Remarque majeure contenue dans le rapport du Département d’État américain : les progrès notés dans l’exécution du Plan Sénégal Emergent (Pse) vu comme « un ambitieux programme de développement », du fait de la densification des infrastructures économiques et sociales, de la réalisation des réformes économiques, de l’accroissement des investissements dans les secteurs stratégiques ayant permis de renforcer la compétitivité du secteur privé et d’améliorer les conditions de vie des Sénégalais.
Notre pays a ainsi bénéficié de taux de croissance économique soutenus, de 6,5% en moyenne entre 2014 et 2019. Avec de bonnes liaisons dans le transport aérien, un aéroport international moderne et fonctionnel, des projets d’expansion portuaire planifiés et l’amélioration du transport terrestre et le réseau ferroviaire, le Sénégal se positionne pour devenir à terme un centre de logistique, de services et d’industries de la côte ouest-africaine.
Dans le domaine de l’ouverture et de la contrainte aux investissements privés, le rapport américain apprécie positivement la non-discrimination dans la création d’entreprise, l’octroi des avantages par le code des investissements, l’adoption de la loi sur les zones économiques spéciales qui ont conduit à une augmentation des investissements étrangers dans le secteur manufacturier, l’agriculture, au cours des dernières années.
Quid du code des investissements du Sénégal ? Il offre, selon le Département d’État, des avantages adaptés. L’Apix agit en Guichet unique pour permettre aux entreprises de bénéficier de tous les avantages dans des délais et un niveau de service en ligne aux standards internationaux, avec tout le professionnalisme requis. Washington a reconnu aussi les efforts d’amélioration du climat d’investissement au Sénégal entamés depuis 2012 qui ont permis de réduire le nombre moyen de jours nécessaires pour créer une entreprise, disposer d’un permis de construire, faire une opération achat-vente d’un immeuble et s’acquitter des impôts et taxes du fait de la mise en place d’un système de Guichet unique et des procédures en ligne sans se déplacer.
Pse « un ambitieux programme de développement »
Dans ce cadre, le rapport note l’amélioration de l’information sur le crédit avec l’avènement du Bureau d’information sur le crédit et les progrès en matière de jugement de contentieux économique avec l’opérationnalisation du Tribunal de Commerce. Le rapport mentionne que le système d’information du Guichet unique permet l’accès, via l’adresse internet www.investinsenegal.com, aux opportunités ainsi qu’aux règlements en vigueur pour mieux préparer un dossier d’investissement.
Malgré ces améliorations, les défis du climat des affaires demeurent, selon le Département d’État, et le Gouvernement devrait poursuivre les chantiers de modernisation de l’informel, de simplification des règles fiscales et de la commande publique pour lever à terme les contraintes évoquées par les entreprises américaines afin de réduire les incertitudes dans le processus de développement des projets, l’acquittement des impôts et la concurrence déloyale. Dans ce cadre, la troisième phase du Programme de réforme de l’environnement des affaires et de la compétitivité (Preac 3) porte dans ses batteries des mesures pour répondre à ces préoccupations dans le cycle 2019-2023.
Triplement de la valeur des Ide américains au Sénégal en deux ans
Toujours dans ce rapport, les données de la Cnuced indiquent que le stock d’investissements directs étrangers (Ide) du Sénégal a presque doublé (3,4 milliards de dollars en 2015 à 6,4 milliards de dollars en 2019) avec une diversification de ses partenaires. Les partenaires majeurs sont la France, le Royaume-Uni, l’ile Maurice, l’Indonésie, le Maroc, la Chine, la Turquie, les États du Golfe et les États-Unis. Fait remarquable en ce qui concerne le pays de l’Oncle Sam : la valeur de ses Ide entrants au Sénégal a triplé en deux ans. « Bien que les rapports du Fmi indiquent que le stock d’Ide des États-Unis au Sénégal se soit élevé à environ 91 millions de dollars en 2018 (en hausse par rapport aux 25 millions de dollars déclarés en 2017), des informations anecdotiques suggèrent que ce montant est beaucoup plus élevé », relève le rapport.
Concernant la réponse à la crise de la Covid-19, les efforts du gouvernement ont été salués pour sa réponse budgétaire offensive avec la mise en place du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Force-Covid-19) et le financement rapide des équipements de santé usuels. Les Américains, tout en qualifiant le Force-Covid-19 comme « l’un des plans de relance budgétaire et d’aide sociale les plus ambitieux de la région », n’en dépeignent pas moins l’impact désastreux que pourrait avoir la pandémie sur l’économie sénégalaise.
La pandémie « a fortement affecté l’économie sénégalaise. Selon les estimations du gouvernement de juin 2020, la croissance du Pib pour 2020, qui devrait initialement atteindre 6,8%, tombera à 1,1% ou moins. Les grands projets pétroliers et gaziers peuvent être retardés d’au moins un an. Bien que les chiffres de l’emploi à l’échelle de l’économie ne soient pas fiables, il est clair que le ralentissement, combiné aux mesures rigoureuses initiales de confinement des flambées du gouvernement, a entraîné d’importantes pertes d’emplois, principalement dans le secteur informel, dominant au Sénégal. Une enquête menée en mai 2020 auprès de 800 entreprises sénégalaises a révélé que 65 % d’entre elles avaient subi un impact négatif significatif de la part de la Covid-19 et que 40 % avaient cessé leurs activités. Les envois de fonds de la diaspora, représentant 10% du Pib, ont fortement diminué en raison des effets de la pandémie sur l’économie mondiale » note le rapport.
Force-Covid-19, « l’un des plans de relance budgétaire et d’aide sociale les plus ambitieux de la région »
Toujours au chapitre des satisfécits, les Américains relèvent que relativement au régime juridique, le Sénégal a fait des progrès dans le développement d’institutions de régulation indépendantes y compris des régulateurs pour les secteurs de l’énergie, des télécommunications et de la finance. Dans ce domaine, notre pays a lancé plusieurs programmes pour créer des tribunaux de commerce et utiliser des mécanismes alternatifs de résolution des litiges afin de réduire le temps nécessaire pour résoudre les désaccords commerciaux. Pour l’adoption des textes juridiques (lois, décrets, arrêtés etc.), le gouvernement tient fréquemment des auditions publiques et des ateliers pour discuter des initiatives proposées même si le Sénégal ne dispose pas de procédures établies pour un processus de commentaires publics. Le rapport recommande une publication systématique en ligne des textes légaux publiés dans le Journal Officiel.
Premier pays francophone d’Afrique subsaharienne en terme de transparence fiscale
Dans le domaine des régimes juridiques, le rapport reconnaît que le Sénégal est le premier pays francophone d’Afrique subsaharienne à se soumettre à une évaluation de transparence fiscale (Etp) par le Fmi du fait de la qualité et de l’accessibilité de l’information sur le budget et la dette. La transparence budgétaire du Sénégal serait améliorée par la mise à disposition de ses rapports sur le budget en temps opportun par l’autorité suprême d’audit.
Les progrès dans la mise en œuvre des normes Itie salués
Le document américain note également que le Code des investissements du Sénégal fournit des garanties de base pour l’égalité de traitement des investisseurs étrangers et le rapatriement des bénéfices et des capitaux.
Par ailleurs, le processus d’attribution des licences et des contrats pour l’extraction des ressources naturelles était défini dans la loi et semblait être suivi dans la pratique. Ainsi, il a été noté l’adoption de nouveau cadre juridique à savoir le code pétrolier, le code gazier. Le document ne manque pas de mentionner que les informations de base sur les récompenses pour l’extraction de ressources naturelles étaient accessibles au public.
Le Sénégal, ajoute le rapport, est le premier pays d’Afrique à avoir fait des « progrès satisfaisants » dans la mise en œuvre des normes Itie du fait de sa participation active pour la transparence des industries extractives.
Aussi, le Code des investissements du Sénégal comprend une protection contre l’expropriation ou la nationalisation de la propriété privée avec des exceptions pour « des raisons d’utilité publique » qui impliqueraient une « juste compensation » à l’avance.
Un autre point souligné, c’est l’expérience croissante de notre pays dans l’utilisation de l’arbitrage international pour la résolution de différends d’investissement avec des entreprises étrangères, y compris certains cas impliquant des différends fiscaux avec des entreprises américaines. Les tribunaux sénégalais reconnaissent régulièrement les clauses d’arbitrage dans les contrats et accords. Des procédures pour contester les appels d’offres sont disponibles. Un autre point non négligeable : les entreprises peuvent demander réparation judiciaire contre les décisions réglementaires. Les appels réglementaires sont entendus dans les tribunaux administratifs spécialisés dans le règlement des réclamations contre l’État. Les Américains reconnaissent que le Sénégal a des lois commerciales et d’investissement bien développées.
Pour améliorer le dispositif juridique, le rapport propose à notre pays de renforcer la capacité à protéger de manière fiable les droits de propriété intellectuelle, de donner de la lisibilité sur la création des comptes offshore avec la Bceao, de finaliser son cadre juridique sur le partenariat public privé.
Concernant la conduite de la politique industrielle, le rapport du Département d’État reconnaît que les entreprises qui s’installent dans des zones moins industrialisées du Sénégal peuvent bénéficier d’une exonération de l’impôt forfaitaire sur les salaires de 3%, allant de 05 à 12 ans, selon la localisation de l’investissement. Il recommande, au vu de l’intérêt croissant pour les zones économiques, d’apporter plus de clarté et de cohérence dans les incitations offertes par le gouvernement tout en reconnaissant l’opérationnalisation de trois zones économiques à Diamniadio, Diass et Sandiara.
Relativement aux marchés des capitaux et investissement de portefeuilles, le Département d’État relève une vision généralement positive des investissements de portefeuilles, notre pays ayant historiquement émis des titres de créance réguliers en monnaie locale pour gérer ses finances. Dans ce domaine, en termes de transfert, l’envoi des fonds de la diaspora est crucial au vu de sa contribution au Pib et sa baisse pendant la période de Covid-19 a été notée.
Au passage, le rapport salue la mise en place du Fonsis qui adhère au principe de Santiago. Concernant la gestion des entreprises publiques, le document salue les efforts d’une meilleure gestion dans les domaines essentiels. Cependant, un effort devra être fait dans la projection des revenus des entreprises parapubliques même si les revenus réels sont inclus dans les rapports trimestriels publiés par le ministère des Finances.
S’agissant de la lutte contre la corruption, le rapport reconnaît le renforcement du cadre juridique et institutionnel avec l’avènement de l’Ofnac et l’adhésion du Sénégal aux initiatives régionales et internationales de lutte contre la corruption et le blanchiment. Pour preuve, les Américains relèvent que notre pays se hisse parmi les meilleures pratiques en le comparant avec ceux de même niveau de développement. Le rapport a même repris la directive du Président de la République de juillet 2020, visant à imposer l’obligation aux membres du cabinet et autres hauts fonctionnaires de déclarer leur patrimoine. Malgré ces efforts, le Département d’État note que le Sénégal devra renforcer sa réputation positive pour la lutte contre la corruption.
Modèle démocratique, qualité des institutions et stabilité
Concernant l’environnement politique et sécuritaire, le rapport salue le modèle démocratique du Sénégal, la qualité de ses institutions et la stabilité qui prévaut dans le pays. Le rapport mentionne que la sécurité est une priorité absolue pour le gouvernement, qui a augmenté son budget de défense et de sécurité de 92% entre 2012 et 2017. « L’environnement politique stable du Sénégal, sa position géographique favorable, une croissance forte et soutenue et une économie généralement ouverte offrent des opportunités attrayantes pour l’investissement étranger » écrit le Département d’État.
Relativement à la législation et la pratique du travail, le rapport mentionne que le Sénégal possède l’un des meilleurs systèmes d’enseignement supérieur d’Afrique de l’Ouest et produit un bassin substantiel de travailleurs qualifiés. Il constate aussi que la loi sénégalaise offre une protection juridique aux femmes et aux enfants et interdit le travail forcé ou obligatoire. Sans oublier de mentionner que le Sénégal dispose d’une offre abondante de main-d’œuvre non qualifiée et semi-qualifiée, avec une offre plus limitée de travailleurs qualifiés dans les domaines de l’ingénierie et de la technique. Les conventions collectives couvrent environ 44 pour cent des travailleurs du secteur formel. Il constate que la plupart des travailleurs exercent dans le secteur informel, où les règles du travail ne sont pas appliquées. Cependant, le rapport note que le travail des enfants reste un problème, en particulier dans le secteur informel, l’exploitation minière, la construction, le transport, le travail domestique, l’agriculture et la pêche, où les réglementations du travail sont rarement appliquées. Le Gouvernement a fait des progrès dans la lutte contre ces pratiques, reconnaît le document.
Enfin, en ce qui concerne l’intervention des Sociétés américaines de financement du développement international (Dfc) et autres programmes d’assurance-investissement, le rapport du Département d’État mentionne la structuration en cours d’une dizaine de projets d’investissements dans l’énergie, la micro-finance, l’agro-industrie et le tourisme, sans tenir compte des investissements directs dans le domaine du pétrole et du gaz du fait des opportunités récentes.