WhatsApp, Signal, Telegram : l’État appelé à la vigilance face à la monétisation des données personnelles et à l’impunité fiscale des réseaux sociaux
La volonté de l’application WhatsApp de partager, désormais, les données personnelles de ses abonnés avec Facebook, continue de faire un effet boomerang. Après l’annonce, en début d’année par ladite application, d’un changement de conditions d’utilisation, les réactions ne cessent de pleuvoir.
Malgré le report de la prise d’effet de sa décision qui était prévue le 8 février 2021, WhatsApp a subi une véritable hémorragie. Une vague de désabonnements de plusieurs millions d’utilisateurs de l’application de messagerie instantanée, en réaction aux nouvelles conditions d’utilisation de WhatsApp. Et ce, pour migrer vers Signal et Telegram, a renseigné une étude portée sur le marché britannique confirmant l’exode des utilisateurs de la messagerie détenue par Facebook. Une explosion de leurs téléchargements qui a permis à l’application Signal d’enregistrer 7,5 millions de nouveaux utilisateurs tandis que 25 millions d’usagers ont rejoint Telegram.
Au Sénégal, après l’annonce des nouvelles conditions d’utilisation de WhatsApp et de la sortie de l’ombre de Signal, certains acteurs du monde digital ont brisé le silence. Oumar S. Diallo, acteur de l’écosystème numérique est de ces acteurs-là contactés par Dakaractu. Co-fondateur de la startup Ideesmart, il trouve que cette situation est une opportunité pour les États Africains.
‘’La sureté des réseaux sociaux est encore d’actualité avec le débat relancé depuis que WhatsApp a annoncé sa volonté de partager diverses données d’utilisateurs avec sa société mère Facebook, et d’en faire de même avec ses plateformes Instagram et Messenger. Cette démarche inquiète certains utilisateurs. Mais, pas tous. Car, dans cette utilisation, il y a les ‘’users’’ connaisseurs que nous allons appeler les utilisateurs actifs et les users non connaisseurs, qui n’attachent pas trop d’importance sur leurs données, ou qui ne connaissent pas l’importance de ces données. On dit souvent quand c’est gratuit, c’est vous le produit’’, a-t-il indiqué.
À l’en croire, ces changements annoncés étaient attendus. ‘’On sentait venir lorsque WhatsApp a permis de partager les statuts WhatsApp sur Facebook. Donc, la suite logique devrait être la migration vers le partage de données. D’ailleurs, rien ne nous dit que ceci n’a pas été le cas. Le scandale Cambridge Analytica est encore récent dans nos têtes’’, a-t-il confié, en interpellant nos autorités sur la nécessité de réagir afin de revoir notre assiette fiscale et tirer profit de l’exploitation des données personnelles des Sénégalais.
‘’Pour le moment, WhatsApp a reporté sa décision jusqu’au mois de mai. Mais, il serait important que nos États réfléchissent pour voir comment tirer profit de ces géants qui exploitent déjà nos données. Ceci devrait simplement nous alerter sur la nature de nos conversations sur ce réseau social. Nous devons être plus prudents et penser plus à ce qu’adviennent nos données personnelles. Les géants de l’internet sont friands de données et bâtissent leur modèle économique sur la vente ou l’exploitation de ces données qui, forcément, compensent la gratuité de tous ces réseaux. En Afrique, les choses sont tellement simples pour ces géants’’, regrette M. Diallo qui donne raison au sieur Ousmane Thiongane, auteur du livre les promesses du numérique, d’avoir parlé de l’exploitation des données et la problématique de la taxation des géants du Net en Afrique. ‘’L’impunité fiscale des géants du web Google, Apple, Facebook et Amazon… d’où l’acronyme Gafa, est un débat qui fait rage dans l’écosystème mondial. Elle est plus d’acuité que d’actualité vu les enjeux financiers et politiques en jeu’’.
Toutes choses qui l’ont poussé à adhérer à la réflexion de Ousmane Thiongane avant de souligner l’urgence d’un Conseil interministériel. ‘’J’aurai souhaité qu’une conférence des ministres de l’Economie et des Finances avec leurs collègues chargés du Numérique et des Télécommunications soit organisée pour faire face à ces géants qui usent et disposent de nos données personnelles comme ils veulent’’.
Une raison qui le pousse à plaider pour cette rencontre est que, selon lui, ‘’avec la monétisation des données personnelles ou la vente de leur portefeuille d’utilisateurs aux annonceurs, ces géants du web font des chiffres d’affaires très élevés en Afrique. Et pourtant, aucune taxe, aucune sanction face à cette impunité fiscale. L’Afrique doit-elle passer par pertes et profits ces mannes financières des ‘’barons voleurs’’ de l’eldorado capitaliste américain ? Il se pose ainsi un vrai problème d’éthique et d’équité fiscale. Les opérateurs télécoms qui assurent, parfois, des services similaires sur le continent s’acquittent pour l’essentiel de cette obligation fiscale. De manière générale, ils participent considérablement à la collecte des recettes budgétaires des États.’’
Oumar S. Diallo, acteur de l’écosystème numérique, rappelle d’ailleurs, qu’il y a un mois, Muslim Pro a été accusé de vendre, à l’armée américaine, les données des musulmans utilisant cette application. Application qui renseigne sur les heures de prières musulmanes mais aussi permet de géolocaliser les utilisateurs. Les données de localisation des utilisateurs de Muslim Pro sont vendues plus précisément au Pentagone par l’intermédiaire d’un courtier privé, la société X-Mode, signale le cofondateur de la startup Ideesmart.