Covid19 : le Sénégal face à la menace du variant Omicron tente d’éviter une 4e vague
Le Coronavirus est comme cet invité qui arrive à l’inopiné et qui refuse de décamper malgré toutes les tentatives de le lui faire savoir. Autrement dit, le SARS-COV-2 n’est pas prêt à écourter son séjour sur terre. En atteste sa nouvelle transformation en Afrique du Sud après la tempête Delta.
Dans ce pays, un nouveau variant a été détecté depuis quelques jours et se propage à un rythme inquiétant. Présidente de l’association médicale sud-africaine, le Dr Angélique Coetzee a été alertée par des symptômes très différents de ce qu’elle avait vu jusque-là chez des patients testés positifs au coronavirus.
« C’était prévisible…»
Interviewée par la BBC, elle confie que tout a commencé le 18 novembre dernier lorsqu’un patient âgé d’une trentaine d’années s’est présenté avec des courbatures et se dit très fatigué. En plus de ces symptômes, il avait mal à la tête mais n’avait ni de maux à la gorge encore moins de perte de goût ou d’odorat.
Il s’est trouvé que d’autres cas positifs avaient ces mêmes signes qui ne sont en réalité que la manifestation d’un nouveau variant dont le nom scientifique est B.1.1.529. Pour le rendre plus simple, il a été baptisé Nu à ses débuts avant que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ne retienne le nom Omicron.
« Personnellement, j’ai toujours redouté l’apparition de variants africains très virulents pour la simple raison que l’Afrique est le continent qui résiste le mieux à ce virus très virulent qui naturellement va essayer de muter pour transpercer la barrière de résistance à laquelle elle fait face sur le continent », justifie le Dr Abdoulaye Dia, spécialiste en épidémiologie.
En Afrique du Sud, on assiste déjà à une augmentation de cas. Dans la province du Gauteng, les admissions en hôpital ont doublé et plus des ¾ sont dus au variant Omicron. Dimanche dernier 2800 nouveaux cas ont été déclarés alors que la semaine dernière, 500 avaient été recensés.
Cette évolution a remis en question les résultats des recettes employées dans le monde contre le coronavirus et des États ont décidé de renouer avec des mesures restrictives.
L’Afrique du Sud isolée
Beaucoup de pays d’Europe qui ont déjà signalé des cas d’Omicron ont fermé leurs frontières aux ressortissants d’Afrique australe. Israël a interdit son territoire aux étrangers tandis qu’en Afrique, le Maroc a suspendu les vols extérieurs pour une période de deux semaines. Ces pays sont-ils allés trop vite en besogne ? C’est le sentiment des autorités sud-africaines qui s’attendent tout de même à une augmentation pouvant aller jusqu’à 10 000 cas par jour à cause de la transmissibilité du nouveau variant.
Le Dr Papa Alassane Diaw, biologiste virologue, décrit Omicron comme étant très contagieux. À en croire le directeur technique de l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (IRESSEF), le variant fait beaucoup de mutations. « Il y a une trentaine de mutations sur la protéine majeure qu’on appelle Spike. Ces mutations sont à l’origine de son degré élevé de transmissibilité », explique le scientifique sénégalais. Ce n’est pourtant pas suffisant pour que le Sénégal se bunkerise.
À l’occasion du Forum de la Coopération sino-africaine qui s’est tenu à Diamniadio, le président de la République a déclaré que l’Afrique ne fermera pas ses frontières à l’Afrique du sud. Cette déclaration du chef de l’État sénégalais intervient dans un contexte très spécial. Dans moins de deux mois, Macky Sall succèdera à Félix Tshisekedi à la présidence de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine pour une période d’un an et devra en conséquence défendre les intérêts du continent africain.
Le Sénégal exposé
L’autre hypothèse à prendre en considération, c’est la diminution continue des cas de coronavirus dans notre pays. Mais n’assiste-t-on pas à ce qui s’apparente à un leurre ? Le variant Delta et le désastre qu’il a provoqué ne devrait-il pas nous inviter à plus de vigilance ?
Rappelons qu’en 47 jours, cette souche découverte en Inde a été à l’origine de 27 000 contaminations et de plus de 400 décès au Sénégal. Des chiffres jamais enregistrés depuis la détection du premier patient atteint de covid-19 en mars 2020.
Peut-on connaître pire avec Omicron ? Le Dr Papa Alassane Diaw n’écarte pas cette éventualité. « Si ce variant pénètre au Sénégal, il y a des risques », admet-il en convoquant ses spécificités en ce qu’il échappe « à l’immunité créée par les infections antérieures ». « Beaucoup de sénégalais pensent que l’immunité collective naturelle atteinte à la 3e vague est pérenne. Il est important de leur expliquer que cette immunité est temporaire parce que les cas de réinfection sont très courants avec la Covid-19 », prévient le Dr Abdoulaye Dia.
La menace est rendue plus réelle par le taux très timide de couverture vaccinale. Les derniers chiffres publiés par le ministère de la Santé et de l’action sociale font état de 1 326 704 vaccinés sur une population de 16 millions. L’objectif était de vacciner au moins 3 millions de personnes en 2021.
Ce qu’il faut faire pour éviter une 4e vague
Face à ces vulnérabilités et à la décision des autorités de ne pas isoler l’Afrique du Sud, le Sénégal n’a d’autre choix que de « renforcer les mesures déjà en vigueur dans les frontières pour surveiller toutes les entrées ». « Il faut juste renforcer ces mesures pour qu’on puisse détecter les cas le plus tôt possible de les prendre en charge et de les écarter pour éviter qu’ils entrent en contact avec la population générale et contaminent des personnes (vulnérables) », conseille le Dr Papa Al. Diaw. Son homologue, le Dr Abdoulaye Dia ajoute : « Le Sénégal doit renforcer la prévention primaire, c’est-à-dire les mesures barrières et la prévention secondaire, à savoir la campagne de vaccination. »
Il précise : « le vaccin reste très efficace pour la prévention des cas graves, hospitalisations et de décès, mais cette efficacité est moins importante pour la prévention des infections et la transmission du virus. Cela explique en partie pourquoi les pays qui ont une large couverture vaccinale ont du mal à juguler la pandémie. Mais toujours est-il qu’un sujet vacciné est moins susceptible d’être contaminé et de transmettre le virus ».
Par ailleurs, le Dr Abdoulaye Diaw demande de mettre un accent particulier sur la surveillance épidémiologique. À ce titre, il indique que l’Iressef qui avait débusqué les premiers sujets portant la souche Delta au Sénégal a déployé ses équipes pour la traque du nouveau variant. « Actuellement, il n’y a que Delta qu’on isole. Il n’y a pas encore d’autres variants », rassure-t-il. Pour combien de temps ?