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Rumeurs de Kaolack : le Jakarta vous parle

Mairie de Kaolack - Moto - rond point - Hotel de ville
Un Jakarta passe devant l'Hotel de ville de Kaolack (Ph Klinfos)

Partir à Kaolack, l’ancienne capitale de l’arachide, c’est aller à la rencontre de migrants, de cheminots, voyageurs et de taxis-motos. Par un contraste saisissant, le silence et la torpeur semblent avoir gagné Guinguinéo, l’ancienne escale ferroviaire toute proche.

Il était une fois Guinguinéo ou l’avenir en pointillés du train au Sénégal

Profitant d’un terrain commun au Sénégal, nous avons essayé de connecter autrement transport, mobilité et migration, en nous déplaçant à l’endroit le plus oublié afin de proposer un regard décalé sur l’avenir du rail au Sénégal. Le silence et la torpeur semblent avoir gagné Guinguinéo, une ancienne escale ferroviaire, pivot du réseau ferré sénégalais aujourd’hui en désuétude, qui a attiré à l’époque coloniale maisons de commerce françaises et travailleurs saisonniers de toute l’Afrique occidentale française.

A Guinguinéo, chacun semble garder l’espoir d’un regain d’activité qui ne se réduirait pas au projet présidentiel de train express Dakar-Diamniadio bientôt ouvert au public. A Guinguinéo, les cantonniers continuent inlassablement d’entretenir des voies définitivement dégradées ; le policier du rail, sentinelle improbable, persiste à assurer la sécurité de hangars désaffectés. Des cheminots évoquent avec nostalgie la chanson, Arrigoni Départ, pour ré-enchanter le chemin de fer disparu. Cette mélodie lancinante rappelle l’âge d’or de l’autorail Kaolack Guinguinéo Dakar. Elle emprunte sa signification à la couleur rouge tomate des wagons, qui est aussi la couleur des conserves italiennes de la marque Arrigoni.

C’est en suivant ce fil qu’avec d’anciens musiciens de l’orchestre national du Sénégal, les musiciens et comédiens du studio d’Ëpoukay nous avons mis en commun notre envie de travailler lentement, pour restituer aux vies minuscules toute leur grandeur.

G. Balizet, S. Bredeloup, J. Lombard

Jakarta on the road ou l’histoire de la petite cylindrée au Sénégal

Souhaitant prolonger la collaboration avec les musiciens d’Ëpoukay et mettre en lumière, à partir de mille et un petits événements, des processus demeurés enfouis, des vies oubliées, nous sommes partis à Kaolack. Il s’est agi de réassembler des histoires entraperçues hier, des idées dispersées, afin d’en proposer une lecture renouvelée, des ambiances sonores au plus près du quotidien qui puissent toucher un public élargi, non scientifique.

Cette captation sonore doit permettre de mieux comprendre le rôle déterminant joué au Sénégal par l’économie de la traite de l’arachide – un dispositif colonial – dans le formatage encore actuel des échanges entre commerçants, transporteurs, migrants et paysans, ainsi que dans l’évolution des pratiques et modes de déplacement.

Nous rendre à Kaolack, l’ancienne capitale de l’arachide, c’est une façon de partir à la rencontre d’une ville trépidante où le concert assourdissant des camions maliens sur la route nationale ne parvient pas à étouffer les pétarades ou la cacophonie des motos-taxis dénommées jakarta. Nous avons envie de rappeler combien l’histoire longue des mobilités et des transports ne peut être éludée pour qui veut comprendre les derniers rebondissements des allées et venues des jakarta dans les rues sénégalaises.

Trois énigmes qui s’encastrent l’une dans l’autre ont rythmé la progression de notre réflexion et la construction de notre scénario :

* Pourquoi les deux-roues ont-ils fait leur apparition depuis si longtemps à Kaolack ?

* Pourquoi les vélos puis les mobylettes se sont-ils transformés en taxis ?

* Pourquoi a-t-il fallu attendre plusieurs décennies pour que ces motos-taxis, rebaptisées jakarta, se répandent hors de Kaolack ?

Aux questions soulevées par ces énigmes, nous n’apportons pas de réponses définitives. Mais ce pas de côté effectué à Kaolack, représente un moyen de découvrir un autre pan de la modernité sénégalaise.

 

G. Balizet, S. Bredeloup, J. Lombard

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