Dette extérieure : le Sénégal mise sur une stratégie mixte pour réduire sa dépendance
Face à une dette extérieure représentant 74,3 % de l’encours total fin 2023, le Sénégal entreprend une réorientation stratégique de son financement pour réduire les risques liés à la dépendance externe et au change. En s’appuyant sur les ressources locales, notamment via les Diaspora Bonds et le marché domestique, le gouvernement vise à inverser la tendance d’ici 2027. Une démarche ambitieuse mais non sans défis.
En 2023, la dette extérieure du Sénégal pesait lourdement sur ses finances publiques, représentant 74,3 % de l’encours total, dont près de 30 % libellés en dollars. Cette forte dépendance aux financements étrangers, combinée aux risques de change et de taux d’intérêt, a poussé le gouvernement à revoir sa stratégie de gestion de la dette pour la période 2025-2027.
Une réorientation vers les ressources locales
Dans sa nouvelle feuille de route, le Sénégal prévoit de renverser le mix actuel entre financement extérieur et domestique. Actuellement dominées par les ressources étrangères (51,8 % pour la période 2023-2025, contre une prévision initiale de 34 %), les finances publiques sénégalaises ambitionnent d’atteindre une répartition de 41 % pour les financements extérieurs et 59 % pour les ressources locales d’ici 2027.
Pour y parvenir, le gouvernement mise sur plusieurs outils innovants, notamment les Diaspora Bonds. Ces obligations, destinées à capter les flux financiers des Sénégalais de l’étranger, visent à diversifier les sources d’endettement en monnaie locale. Mais cette ambition devra surmonter plusieurs obstacles : convaincre les émigrés de participer à ces projets, mener des études approfondies sur leurs attentes, et proposer des projets suffisamment attractifs pour sécuriser ces financements.
« Ces ressources des Diaspora Bonds, combinées à la bonne capacité d’absorption des titres du Sénégal sur le marché domestique, estimée à plus de 1 500 milliards de FCFA, permettront de substituer à la domination des ressources d’origine externe une prééminence de dette en monnaie locale », souligne un document officiel du ministère des Finances. Cette stratégie pourrait réduire l’exposition aux risques de change et de taux variables, offrant ainsi une meilleure stabilité financière.
Un coût de la dette intérieure encore élevé
Cependant, la transition vers un financement domestique soulève une autre problématique : le coût moyen de la dette intérieure. Actuellement, celui-ci se situe à environ 7 %, soit 2 points de plus que le coût moyen de la dette extérieure (5 %), avec une durée moyenne de remboursement de moins de 4 ans, contre plus de 10 ans pour la dette extérieure. Cette différence pourrait limiter la portée de cette réorientation, d’autant que le marché local présente une capacité d’absorption encore relativement limitée.
Diversification des partenaires financiers
Pour compléter cette stratégie, le Sénégal cherche à diversifier ses partenaires financiers en explorant de nouvelles zones géographiques comme le Moyen-Orient et l’Asie, où les liquidités disponibles sont jugées importantes. Cette volonté de diversification s’inscrit également dans le cadre de la candidature du pays à intégrer les Brics, un groupe de pays émergents qui pourraient offrir de nouvelles opportunités de financement.
Le gouvernement ne tourne cependant pas le dos aux financements extérieurs traditionnels. Selon la direction du budget, cette réorientation vers la monnaie locale « n’exclut pas le bénéfice des opportunités offertes par les financements innovants comme les projets ESG (Environnement, Social et Gouvernance) ».
Des défis à relever pour une transition réussie
Si la stratégie affichée est ambitieuse, sa mise en œuvre s’annonce complexe. Convaincre la diaspora, sécuriser des projets attractifs, et maîtriser le coût de la dette intérieure seront autant de défis à relever pour atteindre les objectifs fixés.
Cette nouvelle approche marque néanmoins un tournant dans la gestion économique du Sénégal, témoignant de la volonté des autorités de réduire leur dépendance aux financements extérieurs tout en consolidant la souveraineté économique du pays. Reste à voir si les ajustements envisagés suffiront à concrétiser cette ambition dans un contexte économique mondial toujours incertain.