Entretien exclusif avec le député LFI de la Seine-Saint_Denis : En France Aly Diouara veut «redonner une voix au peuple et un sens à la mémoire collective»
En déplacement à Dakar, le député de la Seine-Saint-Denis Aly Diouara s’est prêté aux questions du journal « Les Échos ». Homme politique engagé, figure montante de la représentation française issue de la diversité, Aly Diouara, membre de la France Insoumise, revient dans cet entretien sur les enjeux brûlants de l’actualité politique française, notamment la censure du gouvernement Barnier et les défis qui attendent son successeur. Originaire de la Gambie, Aly Diouara évoque également des questions mémorielles essentielles, comme la commémoration du massacre de Thiaroye, et son implication pour une société française plus inclusive. Dans cet entretien, ce fonctionnaire territorial né en 1987 à La Courneuve, une commune française située dans le département de la Seine-Saint-Denis, en région Île-de-France, trace avec clarté et conviction les contours de son combat pour une France plus juste, inclusive et en phase avec ses réalités sociales et historiques. Entre convictions profondes et propositions concrètes, cet entretien offre un éclairage rare sur les combats d’un parlementaire déterminé à transformer les clivages en ponts, que ce soit en France ou entre la France et l’Afrique. À signaler que l’entretien a été fait avant la récente nomination de François Bayrou comme Premier ministre de la République française.
« Les Échos » : Vous avez récemment pris part au vote concernant la motion de censure contre le gouvernement Barnier. Pouvez-vous nous expliquer votre position ?
Aly Diouara : La motion de censure que nous avons soutenue s’inscrit dans une logique de contestation d’un gouvernement illégitime. Le gouvernement Barnier, par ses politiques, agit contre les intérêts des citoyens et impose des réformes sans réelle consultation démocratique. Il s’éloigne des préoccupations populaires, notamment sur des sujets clés comme le pouvoir d’achat, les retraites ou encore la justice sociale. En votant cette motion, nous rappelons que nous sommes aux côtés du peuple et refusons de cautionner un exécutif déconnecté de la réalité des Français.
Quels sont les principaux reproches adressés à ce gouvernement, et pourquoi la censure était-elle justifiée ?
La censure était pleinement justifiée face à un gouvernement marqué par un mépris des aspirations populaires, un déni des résultats des dernières législatives, et l’usage abusif du 49.3. Ce gouvernement persiste à maintenir des réformes injustes, comme celle des retraites, tout en refusant un dialogue démocratique. Ces pratiques fragilisent nos institutions et l’état de notre pays. Nous avons donc voté pour cette motion afin de défendre les droits des citoyens et restaurer la légitimité démocratique.
La France semble divisée politiquement et socialement. Comment œuvrez-vous à l’Assemblée nationale pour réconcilier les différentes composantes de la société française ?
Avant de réconcilier les différentes composantes de la société française, il est essentiel que chacune d’elles soit pleinement représentée, y compris les minorités, qui, paradoxalement, sont très nombreuses et représentent une part importante de la population. Cela inclut particulièrement les habitants des quartiers populaires, comme ceux du 93, qui, souvent, ne se sentent ni entendus ni représentés. Mon engagement à l’Assemblée nationale s’inscrit en ce sens, car il est crucial de donner une voix forte à ces populations dans les décisions politiques pour construire une société plus juste, inclusive et unifiée.
Vous étiez récemment à Dakar pour prendre part aux activités commémoratives du 80ᵉ anniversaire du massacre de Thiaroye. Quelle importance y accordez-vous ?
Personnellement, cette décision est une très bonne initiative pour institutionnaliser cet événement. La commémoration était tristement belle. C’est une manière poignante et nécessaire de se rappeler l’importance de la lutte de nos ancêtres pour se défaire du joug colonial, tout en honorant leur sacrifice. C’est un combat pour la mémoire et la justice, qui mérite d’être reconnu officiellement.
Pensez-vous que l’État français a fait assez pour reconnaître et réparer les injustices liées à son histoire coloniale ?
La France porte une lourde responsabilité dans le massacre de Thiaroye, et bien que la reconnaissance de cet événement soit un premier pas, elle doit aller plus loin. Il est essentiel que l’État français présente des excuses officielles et assume pleinement sa part de responsabilité historique. Les commémorations sont importantes pour la réparation de la mémoire collective, mais elles doivent être accompagnées d’actes politiques concrets.
Estimez-vous que les débats sur la mémoire coloniale influencent les relations politiques actuelles entre la France et les anciennes colonies ?
Oui, les débats sur la mémoire coloniale ont un impact réel sur les relations entre la France et ses anciennes colonies. Les questions de reconnaissance des torts et de réparation continuent de diviser, mais elles sont essentielles pour bâtir une relation sincère et respectueuse. Les demandes d’excuses et de justice, souvent portées par les pays concernés, touchent au cœur de l’histoire partagée et influencent la manière dont ces relations évoluent aujourd’hui. C’est un sujet délicat, mais nécessaire pour avancer ensemble sur des bases solides.
📰 Entretien – Les Échos
Suite à mon déplacement en marge des commémorations du 80ème anniversaire du Massacre de Thiaroye à l’invitation du PM @SonkoOfficiel, j’ai sans détour répondu aux questions du journaliste sénégalais @Sidy_Ndao_.
“Voir c’est exister !”
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— Aly D (@AlyDiouara) January 10, 2025
Comment mobiliser la jeunesse sur ces questions mémorielles, notamment en Seine-Saint-Denis, une région au cœur de la diversité ?
Il est crucial de passer par la politisation et l’information. Je fais cela à travers mes réseaux sociaux, en expliquant l’importance de chaque initiative et déplacement, afin de susciter un engagement plus large. Les associations locales jouent également un rôle essentiel, en sensibilisant et en impliquant directement les jeunes dans ces discussions, en leur montrant que leur voix compte dans la construction de la mémoire collective.
Vous incarnez une nouvelle génération politique. Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes issus de la diversité qui aspirent à s’engager politiquement ?
Je souhaite particulièrement transmettre aux jeunes issus de la diversité un message d’espoir et d’engagement. Pour construire une société plus représentative, il est essentiel que les jeunes, notamment ceux issus de la diversité et des quartiers populaires comme le 93, se saisissent activement des affaires politiques qui les concernent. En s’engageant, ils ont la possibilité de faire entendre leurs voix et d’influencer les politiques publiques.
Pensez-vous que les institutions françaises sont suffisamment inclusives aujourd’hui ?
Non, les institutions françaises ne sont pas suffisamment inclusives aujourd’hui. Il y a un véritable manque de représentativité, en particulier pour les populations issues de la diversité et des quartiers populaires. Les décisions politiques et les institutions doivent mieux refléter la réalité de la société française dans toute sa pluralité.
Quels sont vos principaux objectifs pour votre mandat ?
Mon objectif principal est d’ouvrir les portes de l’Assemblée à d’autres personnes issues des minorités sociales, afin que la diversité de la société française soit pleinement représentée. Cela passe par la promotion de l’inclusion et de l’égalité des chances, notamment pour les jeunes et les populations souvent ignorées. Je veux que tous les citoyens, peu importe leur origine ou leur parcours, aient la possibilité d’influencer les décisions politiques qui les concernent.
Comment envisagez-vous de renforcer les liens entre la France et l’Afrique dans les domaines culturel, économique ou éducatif ?
Le travail et la diplomatie parlementaires sont des leviers clés pour renforcer les liens entre la France et l’Afrique. Cela passe par l’adoption de lois favorisant les échanges culturels, économiques et éducatifs, en soutenant des projets de coopération et en encourageant les partenariats.
Entretien réalisé par
Sidy Djimby NDAO