Finances publiques : le Sénégal reste suspendu à l’appui du FMI
Depuis le gel de l’aide du Fonds monétaire international, en octobre 2024, le président Bassirou Diomaye Faye, qui affronte une situation financière alarmante, peine à attirer de nouveaux investisseurs pour redynamiser l’économie sénégalaise. Des discussions avec l’institution de Bretton Woods ont toutefois repris.
Célébrée en grande pompe par la communication de l’équipe présidentielle sénégalaise, la tournée de Bassirou Diomaye Faye dans le Golfe, du 4 au 8 décembre 2024, a en réalité laissé à ce dernier un goût amer. Aux Émirats arabes unis puis au Qatar, le chef de l’État a certes pu s’entretenir avec les plus hautes autorités politiques de ces pays ainsi qu’avec les représentants de leurs principales agences de développement, dont l’Abu Dhabi Fund for Development et le Qatar Fund for Development (QFD).
Mais Bassirou Diomaye Faye n’est pas parvenu à obtenir d’engagements concrets de la part de ses interlocuteurs quant au financement de son nouveau plan économique, baptisé « Sénégal 2050 ». En marge des échanges avec la délégation sénégalaise, plusieurs responsables émiratis et qataris ont même affiché une certaine frilosité concernant les perspectives économiques du pays de la Teranga, pointant notamment l’absence de programme avec le Fonds monétaire international (FMI).
L’institution de Bretton Woods avait pourtant conclu un accord de taille avec Dakar, sous le second mandat du président Macky Sall (2012-2024). Cet accord prévoyait le décaissement en plusieurs tranches de deux prêts d’une valeur totale de 1,8 milliard de dollars, mais il a été gelé en octobre 2024. En cause : la réalisation, sous l’impulsion des nouvelles autorités sénégalaises, d’un audit qui a révélé que les chiffres de la dette et du déficit communiqués par la précédente administration au FMI avaient été largement sous-estimés (AI du 14/11/24).
Addition extrêmement salée
Dakar est depuis en discussion avec l’institution en vue de l’élaboration d’un nouveau programme, qui, selon les informations de l’agence de presse Reuters, ne devrait pas voir le jour avant juin 2025. Avant que les négociations ne puissent formellement débuter, l’audit doit encore être consolidé, et ses résultats validés par la Cour des comptes sénégalaise.
Conformément aux règles du FMI, le Sénégal pourrait en théorie se voir contraint de rembourser les prêts qui ont été décaissés par l’institution financière sur la base des données erronées. Une addition qui risque d’être extrêmement salée. Depuis la conclusion de l’accord, sous Macky Sall, en juin 2023, pas moins de 770 millions de dollars ont ainsi été versés dans les coffres du pays par l’organisation internationale.
Ce scénario semble toutefois peu probable. Plusieurs cadres du FMI jugent en effet peu opportun de sanctionner un gouvernement, qui, à leurs yeux, a fait preuve de transparence en pointant de sa propre initiative les écarts entre les chiffres officiels et les performances réelles de l’économie du pays. Selon eux, si elle venait à être appliquée, une telle mesure de rétorsion risquerait de créer un précédent négatif susceptible de décourager d’autres États d’imiter le comportement du Sénégal face à une situation similaire.
Contacté, un porte-parole de l’institution de Bretton Woods a cependant indiqué que « le conseil d’administration du FMI n’a pas encore pris de décision sur la demande de remboursement des prêts dont le Sénégal a bénéficié sur la base de données erronées ou sur l’octroi d’une dérogation au Sénégal ».
Projet de loi de finances salué
Le FMI se montre par ailleurs exigeant quant à certaines mesures à mettre en œuvre afin de renforcer l’économie sénégalaise. Après avoir longuement plaidé pour que Dakar réduise son déficit, l’institution a salué le projet de loi de finances 2025, proposé par le gouvernement d’Ousmane Sonko en décembre 2024. Celui-ci prévoit, entre autres, une hausse des recettes fiscales en vue de cet objectif. Le FMI s’est néanmoins montré plus perplexe quant à l’absence de réforme des subventions à l’énergie, qu’il préférerait voir diminuer.
Alors que la situation financière du Sénégal provoque de plus en plus l’inquiétude dans les cercles financiers, les défis du pays en matière fiscale ont par ailleurs été abordés avec les autorités américaines à l’occasion de la visite de Mary Catherine Phee, alias Molly Phee, la sous-secrétaire d’Etat aux affaires africaines à Dakar en novembre 2024. À la tête d’une poignée d’investisseurs et de représentants d’entreprises américaines, la « Madame Afrique » de l’administration du président américain Joe Biden s’est notamment entretenue avec Bassirou Sarr, un des proches conseillers du ministre des finances, Cheikh Diba. Diplômé en mathématiques du Carleton College, aux États-Unis, ce parfait anglophone, supervise les émissions d’eurobonds pour le compte de l’État sénégalais (AI du 11/07/24).
Depuis son arrivée au pouvoir, en avril 2024, le gouvernement d’Ousmane Sonko a multiplié le recours à ces opérations.
Avec l’appui de la banque américaine JP Morgan, il a ainsi levé plus de 1 milliard de dollars sur les marchés internationaux. Si cette solution a permis à Dakar de pallier son manque de liquidités en un délai relativement court, elle présente toutefois l’inconvénient d’être extrêmement coûteuse.
L’État sénégalais a affirmé que le quotidien du continent ces obligations avaient été émises moyennant un taux d’intérêt oscillant entre 6 et 7 %. En réalité, la plupart des titres ont finalement été acquis avec un coupon avoisinant les 10 %, au terme des négociations avec les investisseurs.