Indemnisation post-manifestations : cette opération de 6 milliards qui salit d’avantage Macky Sall


La Une du quotidien L’Observateur de ce lundi 13 mai 2025 a de quoi faire bondir. Sous le titre évocateur « La bombe des indemnisations », le journal dakarois révèle que 5,96 milliards de FCFA ont été déboursés par l’État sous couvert de compensation pour des dommages matériels liés à la journée de manifestations du 9 février 2024. Un montant colossal, alloué à seulement deux entreprises, qui suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations, tant sur l’opportunité que sur la légalité de l’opération.
Une opération précipitée en pleine transition post-électorale
Selon l’enquête de L’Observateur, les versements ont été effectués le 26 mars 2024, soit à peine 48 heures après la présidentielle qui a vu la chute du régime de Macky Sall. Ce timing trouble laisse entendre que l’opération s’est déroulée dans une période où le gouvernement sortant, limité à la gestion des affaires courantes, n’était plus censé engager des dépenses d’une telle ampleur.
Plus inquiétant encore : le processus aurait été déclenché autour de la Commission nationale des opérations administratives (CNOA), un organe qui n’a habituellement pas compétence sur ce genre de décaissement financier.
Deux entreprises au cœur du scandale
Les principaux bénéficiaires de cette manne publique sont Synergies Afrique, qui aurait perçu 4,9 milliards FCFA, et Henan Chine, qui aurait reçu 791 millions FCFA. Ces montants vertigineux sont censés couvrir des dommages matériels enregistrés lors des manifestations du 9 février – une seule journée de protestation, dont l’ampleur et les dégâts n’ont jamais été officiellement évalués de façon indépendante.
La nature des contrats liant ces entreprises à l’État, les critères d’évaluation des pertes, ainsi que les procédures d’attribution des indemnisations n’ont toujours pas été rendus publics, alimentant les soupçons de surfacturation, voire de favoritisme.
Un parfum de scandale financier à l’ère de la reddition des comptes
Cette affaire survient dans un contexte de traque contre les malversations financières lancée par le régime de Bassirou Diomaye Faye. Le Pool judiciaire financier (PJF), récemment renforcé, multiplie les interpellations, et plusieurs anciens hauts fonctionnaires ou proches du pouvoir déchu font désormais face à la justice.
L’Observateur précise d’ailleurs qu’une enquête devra déterminer si l’opération a été motivée par une urgence réelle ou si elle constitue un détournement déguisé de fonds publics, effectué juste avant la passation de pouvoir entre Macky Sall et Bassirou Diomaye Faye.
Dans les milieux politiques et juridiques, on parle déjà d’un « dossier explosif » qui pourrait donner lieu à des poursuites pénales pour faux en écriture publique, détournement de deniers publics ou complicité d’enrichissement illicite.
Un test majeur pour la justice et l’exécutif
Si les faits sont avérés, cette indemnisation précipitée risque de ternir davantage le bilan de la fin de règne de Macky Sall et poser un véritable test pour l’indépendance de la justice sous le nouveau pouvoir. Déjà confronté à des attentes fortes en matière de transparence et de rupture, le président Diomaye Faye pourrait y voir une opportunité pour affirmer la tolérance zéro face à la gabegie financière.
Mais l’affaire pose aussi une question politique cruciale : qui a autorisé ces paiements, dans quel but et sur quelle base juridique ? Autant d’interrogations auxquelles les autorités devront répondre pour lever le voile sur cette affaire aux allures de « cadeau d’adieu » de l’ancien régime.
Une chose est sûre : avec près de 6 milliards sortis des caisses publiques dans des conditions troubles, la bombe des indemnisations n’a pas fini de secouer le landerneau politique sénégalais.
