Manger de la viande, un danger pour la santé ?
©klinfos.com-Jeudi 10 Mai 2018 – De nouvelles études paraissent régulièrement pour dénoncer les multiples effets de la viande sur notre santé. Mais que sait-on concrètement ? Le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, nous aide à y voir plus clair sur les conséquences d’un régime carné ou, à l’inverse, végétarien.
Depuis les années 2010, de multiples études scientifiques ont été publiées concernant les effets néfastes de la viande sur la santé. Elle augmenterait les risques de maladies cardiovasculaires, de cancer, de diabète ou encore d’inflammation de l’intestin. On fait le point avec le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille et auteur du livre « La viande : un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout ? ».
LA VIANDE ROUGE AU BANC DES ACCUSÉS
Les connaissances les plus abouties concernent les liens entre viande et cancer. En effet, en 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (OMS-CIRC) a classé la viande rouge et la viande transformée (saucisse, charcuterie, etc.) comme probablement cancérogènes et cancérigènes pour l’homme.
La même année, une étude de l’Anderson Cancer Center (Houston, Etats-Unis) a lié la viande cuite au cancer du rein. La cuisson formerait deux substances : le PhIP et le MeIOx. Filtrés par les reins, ces produits y stagneraient, augmentant ainsi le risque de développer un cancer. La viande grillée serait la plus néfaste d’entre toute, en générant des amines hétérocycliques et des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des molécules également cancérogènes.
Pour le cancer colorectal, le mécanisme diffère. Des chercheurs de l’Inra ont mis en lumière le rôle du fer héminique dans la viande rouge et la charcuterie. Le fer héminique, composé d’un atome de fer et de protéines, donne cette couleur rouge à la viande. Cependant, lors de la digestion, il se transforme par oxydation en un composé toxique : l’aldéhyde. Celui-ci favorise les mutations au niveau de l’ADN et provoque la mort des cellules du côlon et du rectum.
Avec une exception : les cellules précancéreuses résistent très bien à ces agressions. De cette façon, une consommation excessive de viandes rouges et de charcuteries abîme le tissu du côlon et du rectum, mais en plus, sélectionne les cellules précancéreuses. « Le fer héminique est l’hypothèse principale qui explique que la viande rouge soit davantage mise en cause dans les cancers », précise le Dr Jean-Michel Lecerf. « Mais des facteurs génétiques entrent aussi en jeu. »
Le Dr Lecerf rappelle que dans la plupart des études, un risque accru de cancer n’est observé que lorsque la consommation de viande rouge dépasse 100 grammes en quantité « comptée cuite », après cuisson. Il rassure cependant en comparant à la cigarette : » il y a seulement 17 % d’augmentation du risque de cancer avec la viande rouge, contre 1 000 % avec la cigarette ! »
VIANDE ET MICROBIOTE INTESTINAL, UN ÉQUILIBRE FRAGILE
Le second lien bien établi est l’augmentation du risque de maladie cardiovasculaire. Contrairement à l’idée largement répandue qui met en cause les graisses saturées, en particulier dans les viandes grasses, le problème résiderait dans la modification de certains acides aminés sous l’action du microbiote intestinal, soit tous les virus, bactéries et champignons qui peuplent notre tube digestif.
Ces derniers transforment la carnitine (une molécule présente dans la viande rouge) en triméthylamine N-oxyde (TMAO), une molécule pouvant modifier le métabolisme du cholestérol, ralentir son élimination et favoriser son accumulation sur les parois artérielles.
« Si l’alimentation ne contient pas assez de produits végétaux, nous avons un mauvais microbiote qui aura tendance à produire plus de TMAO », schématise le médecin. A noter que le risque accru de maladies cardiovasculaires et de diabète est associé plus généralement à un régime alimentaire déséquilibré, pauvre en végétaux.
Si l’Institut de recherche sur le cancer recommande de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine et de limiter la quantité de charcuterie à 50 grammes par jour, le Dr Lecerf préconise, quant à lui, un apport de viande encore plus faible, en particulier pour ses patients diabétiques ou atteints de maladies cardiovasculaires : « environ un quart des Français consomme de la viande en excès. Souvent, l’ensemble de leur mode de vie est à risque : sédentarité et parfois obésité, diabète, tabagisme et alcool », précise-t-il.
LE VÉGÉTARISME COMME SOLUTION ?
Alors, pourquoi ne pas se passer de produits carnés, tout simplement ? Les qualités nutritionnelles de la viande ne la rendent pas indispensable. Seuls les nutriments qu’elle contient se révèlent essentiels, ce qui n’empêche en rien de les trouver ailleurs. À savoir : des protéines, du fer, du zinc et quelques vitamines – notamment du groupe B et en particulier la B9 et la B12. Mais si l’on choisit d’exclure la viande, il faut alors d’autant plus veiller à l’équilibre de son assiette. « Dans le cas d’un régime végétarien de type ovo-lacto-végétarien, avec des produits laitiers et des œufs, cela ne pose pas de problème », selon le médecin nutritionniste.
Concernant le régime végétalien, le Dr Lecerf le qualifie de « plus compliqué à gérer » à cause du risque de déficit en calcium, en zinc, en fer, en sélénium ou en iode. Mais ces différents éléments existent aussi ailleurs, tel que le calcium dans l’eau minérale. En revanche, la vitamine B12 dite « bio-assimilable », c’est-à-dire celle que notre organisme est capable d’assimiler, ne provient que de produits animaux et de la synthèse par des bactéries.
« Celle que l’on trouve dans les algues comme la spiruline ne sert à rien ! », prévient-il. Le déficit, qui ne s’installe qu’au bout de quatre ans, cause des déficiences cognitives. Les végétaliens doivent donc prendre de la vitamine B12 en complément, en veillant à sa provenance.
Végétarien ou végétalien, il convient d’associer des sources de protéines variées : des céréales (riz, pain, semoule) et des légumineuses comme des lentilles et des haricots. L’ensemble fournit alors toutes les briques de base de nos protéines – les acides aminés – y compris ceux que notre corps ne sait pas synthétiser lui-même, dits « essentiels ». Le monde végétal offre d’autres composants bénéfiques, comme les antioxydants et les fibres, dont les « mordus » de viande ont aussi besoin !
Nastasia Michaels et Jade Boches – TopSante
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