Afrique de l’Ouest : le Sénégal en tête des violations de la liberté d’expression selon le rapport FMAO
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest, qui surveille l’environnement de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, a rendu public son rapport pour la période avril-juin 2018 et concernant 13 pays de la sous-région. Le Sénégal a malheureusement remporté la palme du plus mauvais élève en ce qui concerne les violations des libertés d’expression dont les meurtres, les attaques physiques, les arrestations et les détentions arbitraires… L’assassinat «non encore élucidé» de l’étudiant Fallou Sène, les arrestations des opposants le 19 avril dernier, les violences au lycée Malick Sy de Thiès et l’agression du journaliste Sodjago ont valu au Sénégal sa mauvaise note.
Intitulé «Moniteur de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest», ce rapport renseigne que la situation de la liberté d’expression reste difficile dans la sous-région ouest-africaine. En effet, même si les résultats au fil des ans montrent une tendance positive, en ce qui concerne le nombre et la gravité des violations, entre avril et juin 2018, 40 violations faites sur des hommes de presse ont été enregistrées. 13 des violations étaient des attaques physiques. Six des 13 pays épinglés au cours de la période ont enregistré des attaques physiques contre des journalistes ou des citoyens exerçant leurs droits à la liberté d’expression ou de réunion.
Les forces de l’ordre : les principaux contrevenants
Parmi les violations prises en charge par le rapport, les meurtres, les attaques physiques, les arrestations et les détentions arbitraires, les emprisonnements, la censure et la saisie et destruction du matériel de travail des journalistes. Et les forces de l’ordre et de sécurité continuent d’être les principaux contrevenants. Les hommes de tenue sont, en effet, à l’origine de 28 violations sur les 40 recensées. Les autres violations ont été perpétrées par des particuliers, notamment des membres de partis et autres organisations politiques.
Et le Sénégal caracole bien en tête avec huit violations signalées. Viennent ensuite le Mali et la Gambie, avec respectivement six et cinq violations. Le Togo et le Ghana ont suivi avec quatre violations chacun. Le Nigeria en a enregistré trois tandis que la Côte d’Ivoire, le Liberia et la Mauritanie ont enregistré deux violations chacune. Le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée et le Niger ont enregistré une violation chacun. Au tableau des huit violations concernées par le rapport, le Sénégal est bien présent sur six colonnes, à savoir meurtre, attaques physiques, arrestations et détentions, saisie et destruction de matériel et censure.
Une situation d’autant plus grave que le document rapporte qu’à l’exception de quelques violations qui ont été réparées ou ont reçu des assurances de réparation de la part des autorités, la plupart des violations indexées doivent encore être corrigées. Cette culture d’impunité reste un défi, car elle encourage de nouveaux abus.
«Cela indique que les gouvernements des pays où des violations ont été constatées ont ignoré leurs obligations de protéger la liberté d’expression dans leurs constitutions nationales, ainsi que les traités régionaux et internationaux pertinents auxquels ils sont parties», commente le document, qui invite les gouvernements de la région à assumer pleinement leurs responsabilités en matière de protection du droit à la liberté d’expression et de sanction des auteurs de violations de ce droit.
Les «violations» du Sénégal
Concernant les éléments qui ont valu au Sénégal sa très mauvaise note, le rapport liste les arrestations de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, ainsi que les opposants Malick Gakou et Thierno Bocoum, le 19 avril 2018, lors de la manifestation contre le vote de la loi portant sur le parrainage. Mais aussi la violente descente de la police au lycée Malick Sy de Thiès, le 23 avril 2018, blessant beaucoup d’élèves.
«La police a tiré des gaz lacrymogènes et a utilisé la force physique pour disperser les lycéens qui réclamaient la fin de la grève des enseignants», détaille le document, qui précise que les forces de sécurité ont également agressé deux journalistes, Cheik Anta Diop et Samba Fall (Groupe Futurs Médias) , qui couvraient la répression violente de la manifestation. Les policiers ont également endommagé la caméra de Samba Fall.
Le troisième grief et non des moindres : le meurtre par balles réelles de l’étudiant Mouhamadou Fallou Sène, au cours d’un mouvement d’étudiants, le 15 mai 2018. Le document liste aussi l’agression par la police du journaliste de Senego, Ankou Sodjago, alors qu’il couvrait de violents affrontements entre étudiants et agents de sécurité à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, le 15 mai 2018. «Sodjago filmait et diffusait la violence sur la page Facebook de Senego quand des policiers ont saisi le téléphone qu’il utilisait et l’ont battu», illustre-t-il.
Sidy Djimby NDAO Pour Les Échos