« Auchan Dégage ! » ou l’organisation du Pathé Badiane de la distribution impérialiste
Le colonialisme français s’est installé au Sénégal « (…) en amenant dans ses bagages des forces économiques qui ont occupé intégralement l’espace en ne laissant aucune issue pouvant permettre l’éclosion d’une bourgeoisie d’affaires aux couleurs nationales.
Il s’agit des maisons commerciales Bordelaises et Marseillaises telles que Maurel et Prom, Buhan et Teisseire, Chavanel, Devès et Chaumet, Peyrissac, la SCOA, la CFAO, la NOSOCO, V.Q. Petersen, Maurel et Frères, Barère, Boutit, Duprez, etc. » (Alla Kane, A propos de la bourgeoisie nationale sénégalaise). Résultat, treize ans après « l’indépendance », douze ans après la création de Auchan, le président SENGHOR crée « (…) au sein de la BNDS le compte K2 chargé d’aider à la mise en place d’une bourgeoisie nationale susceptible de prendre les rênes économiques du pays qui se trouvaient jusque là entre les mains des expatriés. ».
Avec les Auchan, Utile, Leclerc…c’est le même processus qui est en cours au service du renforcement de la présence française qui va asphyxier les commerçants sénégalais, et s’attaquer à la marmite de nos sœurs qui depuis les plans d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale font vivre les familles. Au moment où le président Macky Sall se donne pour ambition de former 50.000 entrepreneurs avec sa DER. Voilà pourquoi avec les collectifs Auchan dégage nous devons frayer la voie au Diên Biên Phu de l’impérialisme français au Sénégal. De l’impérialisme tout court.
Consumérisme patriotique ou consumérisme parasitaire ?
Depuis plusieurs années, il est de plus en plus question de consommation responsable. Sais-tu qu’il y a un lien entre ta consommation de téléphone mobile et la situation en RDC avec l’exploitation du Coltan. D’où la campagne : « Du sang dans nos portables/ SOS Congo ». De la même manière, plusieurs autres campagnes consuméristes sont notées pour sensibiliser, mobiliser les consommateurs vers des choix « verts », « équitables »…
A l’ère de l’impérialisme, le consumérisme des pays dominés, opprimés est un consumérisme anti-impérialiste. A l’opposé de ce consumérisme que voit-on ? Une aristocratie consumériste sénégalaise parasitaire qui vit de perdiem dans les différents conseils d’administration même d’hôpitaux et qui aujourd’hui se fait le porte-parole de Auchan. Il s’agit principalement de l’Ascosen et de l’UNCS.
Un consumérisme anti-impérialisme c’est un consumérisme qui défend le consommer local, qui renforce les entreprises nationales. Dans cette perspective, ce consumérisme pointe du doigt les contraintes du système qui pèsent sur les entreprises et par ricochet sur le citoyen-consommateur.
Quand nous disons « AUCHAN DEGAGE ! », nous parlons au président Macky Sall
La distribution, ou si nous préférons le commerce, n’est pas un jeu. Pour Yash Tandon : le commerce c’est la guerre. C’est pourquoi il a intitulé un de ses livres « Trade is War ». Papillon, domino ou boomerang, les effets d’une mesure commerciale ou de la survenance d’un phénomène commercial même infinitésimal peuvent s’avérer désastreux. A fortiori ce qui se passe sous nos : déshabiller les commerçants sénégalais pour habiller les multinationales impérialistes (Auchan, Leclerc, Utile…). La dernière fois que le centre de gravité du commerce en Afrique est passé du commerce transsaharien à la traite négrière cela a causé l’effondrement des derniers grands empires africains.
Il est prêté à Fidel Castro le propos selon lequel « chaque base militaire [étasunienne] est un poignard enfoncé dans la souveraineté d’une nation ; chaque base détruit une parcelle de souveraineté ». Nous devons comprendre que chaque nouvelle enseigne, chaque nouveau magasin d’une enseigne déjà installée est un poignard enfoncé dans notre souveraineté commerciale, poignard sur tous les sénégalais. Poignard qui va s’abattre sur certains sénégalais à court terme, sur d’autres sénégalais à moyen terme…
Le Sénégal devrait méditer l’exemple du Vénézuela qui fait face à une guerre économique du fait de son pétrole. Le même pétrole découvert au Sénégal.
« Il y a un plan systématique et stratégique conçu par Washington pour priver les Vénézuéliens de nourriture et de médicaments. Ses exécuteurs sont les grandes sociétés, l’élite commerciale et les banques. Cela ne pourrait pas être plus clair. En 1972-1973, les États-Unis, scandalisés par le fait que le Dr. Salvador Allende, un communiste, avait gagné les élections au Chili, ont promis de se débarrasser de lui. Le président Nixon a déclaré : nous allons faire crier l’économie du Chili. Et c’est arrivé. Avant le terrible coup d’État qui a coûté la vie d’Allende, l’économie chilienne était sujette à la thésaurisation, à la rareté induite, à l’inflation, aux manipulations monétaires, au sabotage et à la contrebande. C’est le même scénario au Venezuela mais encore pire. Cela fait maintenant 5 ans de guerre économique, où les élites économiques vénézuéliennes, les laquais des puissances étrangères, sont tellement soutenues financièrement qu’elles peuvent mettre en œuvre la thésaurisation, le sabotage, l’entreposage, la manipulation monétaire, l’exclusion financière et la contrebande. » (Dr. María Páez Víctor ).
Donnons un contenu à « AUCHAN DEGAGE ! »
« AUCHAN DEGAGE ! » est la seule réponse à cette « opération persil » de la distribution française avec la collaboration du gouvernement et du président du sénégalais contre les commerçants sénégalais, les anciens « ndongo daara »…Le président Macky Sall et son ministre du commerce Alioune Sarr ne méritent-ils pas les moqueries entendues à Madagascar : « Senegaly nahazo baiko ». Traduction : « comme un Sénégalais obéissant aux ordres » ?
Pour l’instant, l’impérialisme français à paraphraser Alexis de Tocqueville en disant : si les sénégalais ont droit à devenir indépendants, il est incontestable que les colons français ont droit à n’être pas ruinés par l’indépendance des sénégalais.
En attendant d’enrichir le contenu du « AUCHAN DEGAGE ! », mettons ces éléments dans la corbeille :
– Effectuer une étude d’impact de l’installation des grandes surfaces au Sénégal
– Organiser les assises de la distribution nationale
– Suspendre l’installation de nouveaux magasins d’enseignes déjà présentes au Sénégal et de nouvelles enseignes, d’ici la tenue des assises de la distribution nationale,
– Proposer des alternatives à la distribution antinationale
Dakar, le 14 août 2018
Par Guy Marius Sagna
PS : La direction de KLINFO rappelle que l’auteur de ce texte n’est pas un journaliste de la rédaction de KLINFOS mais un contributeur dont nous diffusions l’opinion et ce dans une dynamique de libre expression plurielle.