Economie

Croissance, phase 2 du Pse, groupe consultatif de Paris…: Mayacine camara recadre les comtempteurs (Interview)

Mayacine Camara DGPPE
Mayacine Camara DGPPE

Coordonnateur de la Direction générale de la Planification des Politiques économiques (Dgppe), Mayacine Camara est au cœur du dispositif étatique, notamment sur les questions économiques. Dans le premier jet de l’entretien accordé à «Les Échos», il aborde, sans détour, plusieurs questions telles que le Plan d’actions prioritaires (Pap) de la phase 2 du Plan Sénégal émergent (Pse), le Groupe consultatif que l’État du Sénégal est en train de préparer, le montant que le Sénégal compte au moins mobiliser. Il en a profité pour casser ceux qui crient urbi et orbi que la croissance ne se mange pas.

Les Échos : L’État va entamer la phase 2 du Pse. Mais déjà avez-vous fait l’évaluation de la phase 1 ?

Mayacine Camara : Le Plan Sénégal émergent, c’est une vision de long terme qui vise une croissance forte et soutenue dans un État de droit et dans un esprit de solidarité qui soit intra ou inter générationnel. Lors de la définition du Pse en 2014, on s’était focalisé sur un Plan d’actions prioritaires (Pap) de cinq ans dans lequel nous avions inscrit les projets et les réformes à réaliser et cela constituait la première étape. Aujourd’hui, nous sommes en 2018, la dernière année de cette première phase, on est en train de faire l’état des lieux, voir parmi les projets quels sont ceux qui ont abouti, ceux qu’on n’a pas pu démarrer ou ceux qui ne sont plus pertinents. On est dans ce travail de bilan, de diagnostic, mais aussi d’évaluation et d’état d’avancement en même temps, pour maintenant se focaliser sur la prochaine phase de cinq ans 2019-2023, dans laquelle nous devons aussi prévoir d’autres projets phares, pour rectifier s’il y a des choses à rectifier et renforcer s’il y a des résultats à renforcer.

Et comment comptez-vous faire cette évaluation ?

Au niveau de la Direction générale de la Planification des Politiques économiques (Dgppe), qui a la prérogative d’accompagner, de coordonner la formulation de ce Pap 2 du Plan Sénégal émergent,  l’essentiel, c’est certes les projets et les programmes, mais il faut que ces projets et programmes s’adossent sur des objectifs stratégiques quinquennaux. Sur la base des cinq ans, on dit quels sont les projets objectifs réalisables et quelles sont les mesures, les réformes qu’il faut prendre en charge, quels sont les projets dont il faut mobiliser les financements et mettre en œuvre pour atteindre les objectifs et les résultats en 2023. Ce qui nous permettrait d’être sur la trajectoire qui devrait nous mener en 2035 vers un Sénégal émergent.  Nous avons déjà eu une bonne période de croissance économique soutenue. De 2014 à 2018, nous avons eu des croissances très intéressantes. On est allé de 4 à 7%, avec des évolutions qui nous permettent d’avoir espoir et de croire à cette émergence. Evidemment, il y a des choses à corriger.

À propos de la croissance, ils sont nombreux, les experts qui estiment qu’elle n’est pas inclusive et ne reste pas dans le pays. Comment faire pour inverser la tendance ?

Il est très facile de critiquer de cette façon. Effectivement, il y a toujours des choses à corriger. Mais, ce qu’il faut savoir, c’est que la croissance, c’est une chose et la répartition en est une autre. Mais, avant d’améliorer les conditions de vie des ménages, il faut deux choses : il faut d’abord que la croissance soit là et quand la croissance est là, il faut faire des efforts pour la répartir. En appuyant sur ces deux leviers, on augmente les richesses au niveau des populations et on améliore les conditions de vie des ménages.

Mais la croissance est une condition nécessaire. Le pire, c’est de ne pas l’avoir, mais quand elle est là, c’est le plus facile qui reste à faire. C’est à dire se donner les moyens et aller vers la répartition. D’ailleurs, il a été démontré que quand une croissance économique est là, elle va se répartir, quel que soit alpha. Maintenant, tout dépendra des délais de répartition. Dans des économies très performantes, ces délais peuvent être très restreints. Il y a des croissances qui se répartissent année par année. Cela veut dire qu’elle est portée par les petites et moyennes entreprises rurales, périurbaines et toutes les couches mouillent le maillot et obtiennent la croissance.

Mais si la croissance est portée par des secteurs qui ne sont pas tellement créateurs d’emplois, il est évident que même s’il y a croissance, il faut encore du temps pour que ça atteigne les couches le plus vulnérables.  Maintenant, on s’est rendu compte qu’on a eu une forte et soutenue croissance économique, il faut juste travailler à la répartition. Et c’est sur ça que le Sénégal va mettre l’accent sur cette deuxième phase.

Il s’agira de faire de sorte que les investissements dans les secteurs porteurs soient suffisamment efficaces pour créer de la richesse et de la croissance économique, à la place des grandes entreprises, du secteur financier, du secteur des télécoms… qui sont des secteurs à fort taux de croissance, mais qui ne sont pas tellement des croissances qui permettent d’atteindre les couches les plus vulnérables. Maintenant, il faut les accompagner par un fort taux d’investissement dans les secteurs comme l’agriculture, le tourisme… Et c’est sur ces genres de questions que nous allons nous focaliser sur la deuxième phase.

Pour mobiliser des fonds, nos sources révèlent que l’État compte organiser un deuxième Groupe consultatif. Où en êtes-vous ? 

Mais de tradition, chaque fois, quand on termine la formulation d’une politique, il faut aller vers les partenaires techniques et financiers, la société civile, les élus locaux, vers le secteur privé… essayer d’avoir une appropriation de la politique par ces acteurs, parce que ce sont ces acteurs qui vont accompagner le projet. Pour le groupe consultatif, il y a des voix beaucoup plus autorisées pour dire quand est-ce qu’on va y aller, si on doit le faire. Pour ce qui nous concerne, au niveau de la Dgppe, en tant que planificateurs, nous prenons les dispositions de finir le document avant l’année 2018, de le présenter aux autorités du ministère pour validation. Mais il faut tout finir avant décembre 2018 pour être dans les délais de démarrer la phase 2 à partir de 2019.

Dans une de ses éditions «les Echos» avait avancé que l’État compte mobiliser 7000 milliards. Mais qu’en est-il exactement du montant global visé ?

Oui, c’est vrai qu’on a lu que le Sénégal chercherait 7000 milliards pour la deuxième phase. Je ne sais pas comment ce chiffre-là a été sorti, au moment où nous sommes en train de formuler. Nous avons des propositions d’orientation et nous sommes encore en train de discuter avec les autorités. Nous avons défini les stratégies et nous les avons partagées. Nous sommes aussi en train de travailler avec le niveau territorial pour avoir des propositions d’intervention, d’action, de projet, de programme. Nous sommes en train de travailler avec le secteur privé et de le préparer sur des projets pour lesquels ses acteurs peuvent investir. Et tout cela est un processus qui devrait nous mener vers un Plan d’actions prioritaires (Pap).

Dans ce Pap, on va énumérer l’ensemble des projets et des programmes dont nous avons besoin pour arriver à nos objectifs. Et tout cela, en parfaite corrélation avec les Objectifs de développement durable (Odd), que nous devons atteindre en 2030. C’est donc un ensemble de plans d’actions de planification cohérent qui devrait nous permettre de répondre à la question : quelle est l’action qui devrait nous mener à tel résultat et quel est son coût ? De ce point de vue, le coût devient évolutif. Maintenant, quand on aura fini ce travail, nous aurons l’ensemble des projets chiffrés sur la période et les montants pour les réaliser.

En ce moment, nous pourrons dire qu’il nous faut tant de milliards sur la période 2019-2023 pour atteindre les Odd en 2030. Pour ce faire, il faut un travail de cadrage macroéconomique pour dégager la capacité de l’État à absorber. Mais aussi définir la part qui doit être soumise aux privés en termes de Ppp (Partenariat public-privé) et la part additionnelle à chercher chez les partenaires financiers. C’est peut-être en ce moment qu’il sera question d’un deuxième Groupe consultatif, parce qu’il faudra retourner chez les partenaires pour tenter de lever des fonds. Sur la base de ce que l’État va aménager dans le budget et ce que le privé peut porter en termes de Ppp, on aura identifié le gap qui va rester. À partir de ce moment on pourra donner un chiffre. Mais je peux vous dire, du point de vue de mon expérience, je ne pense pas que globalement le montant total puisse être en dessous de 15.000 milliards sur les cinq ans, si on veut rester sur la trajectoire pour atteindre les Odd en 2030 puis en 2035. Mais sur ces 15.000 milliards nous avions déjà, en 2014, un global de 9000 milliards sur lequel presque une somme de 5000 a déjà été mobilisée.

2e partie de l’interview dans l’édition «Les Echos» de demain. Mayacine Camara y évoque Koungheul sa commune, les problèmes que cause la Senelec aux populations de l’intérieur, la politique politicienne dans les mairies. Sur la réélection de Macky Sall le 24 février prochain au 1er tour, Mayacine Camara calme les ardeurs et met en garde les militants de la coalition au pouvoir…

 

Entretien réalisé par Sidy Djimby NDAO
Et Cheikh Tidiane NDIAYE 

Les Échos. 

Top 10 de l'info

Haut