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Enquête Cenozo : le Burkina Faso a perdu une dizaine de milliard de FCFA en 6 ans

Roch Marc Christian Kaboré Burkina Faso
Roch Marc Kaboré, président du Burkina Faso

Lorsqu’un gouvernement décide d’ouvrir son sous-sol aux sociétés minières pour extraire des ressources précieuses, il doit être très regardant sur la fiscalité et les taux de redevance. L’Economiste du Faso et Finance Uncovered ont mené une analyse conjointe des taux d’imposition dans le secteur minier au Burkina.

L’enquête de L’Economiste et Finance Uncovered portait sur la mine Taparko de Nordgold dans la province du Namentenga, à environ 200 km au nord-est de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, pays dont les populations n’avaient pas pu bénéficier de taxes vitales d’environ 16 millions de dollars  imposées à l’une des mines d’or les plus lucratives du pays.

La société a bénéficié d’une convention minière, ratifiée par le parlement en 1995 de 25 ans entre le gouvernement burkinabè. et le premier propriétaire de la mine, High RiverGold qui a revendu le permis à Nordgold A cette époque le Burkina Faso ne disposait pas encore de code minier.

Dans le cadre de cette convention, le gouvernement a convenu du versement d’une royalty stable à 3% pour toute la durée de l’accord, protégé par  une clause de stabilisation fiscale. Cela signifie que même si la plupart des sociétés d’extraction d’or paient depuis 2010 entre 3, 4 et 5% des royalties en fonction du cours de l’or , la mine Taparko continue de payer 3%. Cela signifie que Taparko fait des économies grâce à cette convention signée il y a 23 ans.

La mine de Taparko n’a  jamais été concernée pour les royalties qui ont établi dans le cadre d’un nouveau code minie.rElles ont continué à payer les royalties à 3%.

Cette garantie, appelée clause de stabilisation fiscale, est une pratique courante dans le secteur minier. Rien ne montre que Nordgold ou High River Gold, l’ancien propriétaire, ait agi illégalement. Mais les clauses de stabilisation budgétaire sont de plus en plus critiquées par gouvernants en raison des avantages des sociétés minières. En effet, malgré les efforts du gouvernement pour élargir son assiette fiscale, la hausse du prix de l’or ne profite pas au pays.

Comme la plupart des pays, le Burkina Faso impose des taxes et des redevances sur les revenus d’une mine. Ces taxes et redevances sont calculées sur la base du prix mondial de l’or en fonction du volume d’or extrait.

En 2010, le gouvernement burkinabè donc pris un décret (N°2010-819/PRES/MEF du 31 décembre 2010 modifiant le décret N°2010-075/PRES/MEF du 3 mars 2010) portant fixation des taxes et redevances minières afin d’augmenter le taux de perception des redevances alors de 3%.

Ce décret fixe le taux à 3% si le prix de l’or est inférieur ou égal à 1.000 dollars l’once, à 4% si le prix de l’or est compris entre 1.000 et 1.300 dollars l’once et 5% si le prix de l’or est supérieur à 1.300 dollars l’once.

Cependant, la mine de Taparko, qui détient une convention minière avec la clause de stabilité, n’a  jamais été concernée par cette disposition. Elles ont continué à payer les royalties à 3%. On peut donc affirmer qu’elles ont économisé des milliards de FCFA depuis l’entrée en vigueur de ce décret.

Notre analyse fait ressortir que Nordgold a pu économiser 16 millions de dollars en redevances depuis 2011: une économie importante par rapport aux autres mines en exploitation au pays. Force est de reconnaître que cette somme aurait aidé le pays à relever un certains nombre de ses défis de développement, comme la construction d’écoles ou de formations sanitaires ou même de routes.

La vente d’or de l’or par la mine Taparko a généré une somme supérieure à 1 milliard de dollars depuis 2011. C’est en utilisant les données officielles de production d’or du Burkina Faso et les cours mondiaux de l’or que nous avons calculé le montant de 16 millions de dollars, soit environ 9 milliards de F CFA.

Kwesi Obeng d’Oxfam Afrique de l’Ouest nous confie que: « En Afrique, comme dans le cas du Burkina Faso, la plupart des clauses de stabilité fiscale sont asymétriques, protégeant la société minière des changements défavorables en répercutant les changements bénéfiques pour l’investisseur. Cela sape la capacité de l’État à mobiliser les recettes fiscales pour financer le développement durable.

« Depuis 2009, Nordgold a versé plus de 320 millions de dollars US au gouvernement du Burkina Faso sous la forme de taxes et de redevances. Rien qu’en 2016, ce chiffre s’élevait à près de 55 millions de dollars US, soit environ 17% des revenus du Burkina Faso provenant du secteur minier. Loin de «se soustraire» aux impôts … Nordgold a été un contributeur fier et significatif à la croissance de l’économie du Burkina Faso », a confié le porte-parole de Nordgold, dans une déclaration à L’Économiste.

Les plus importantes opérations d’or de Nordgold sont à Bissa et à Bouly, qui ont généré des ventes de 402 millions de dollars l’an dernier, soit pratiquement le triple des revenus de 136 millions de dollars produits à Taparko.

Nordgold, détenue par le milliardaire Alexander Mordachov, devrait produire des quantités significativement plus importantes d’or à Taparko et bénéficier ainsi potentiellement d’économies encore plus importantes. En effet, Nordgold nous a confirmé qu’il «étudie une option d’exploitation minière souterraine à Taparko qui pourrait prolonger de manière significative la durée de vie de la mine».

Effort du gouvernement

L’industrie minière aurifère au Burkina a connu un rebond régulier ces dernières années et a conduit cette nation africaine, au cœur de l’Afrique de l’Ouest, à devenir l’une des destinations les plus attrayantes pour l’investissement et l’exploitation minière.

Pour profiter de l’enthousiasme des investisseurs, le gouvernement a augmenté les taux de redevance en 2011.

Selon Halidou Bocoum, directeur de Nordgold au Burkina Faso, le gouvernement a facturé le propriétaire de Taparko pour les redevances aux nouveaux taux de redevance plus élevés.

Mais la filiale SOMITA de Nordgold, basée à Taparko, a écrit au ministère des Mines pour s’assurer que sa mine de Taparko ne subirait aucune augmentation des taux de redevance. La société a reçu, selon Bocoum, la confirmation en 2011 de la «continuité du régime fiscal applicable à Taparko».

En règle générale, il y a 2 formulations de la clause de stabilité fiscale: la formulation de la loi gelée et la formulation d’un accord à négocier. L’arrangement du Burkina Faso avec Taparko relève de la «formulation de la loi gelée».

« En fin de compte, la capacité de l’État à aligner sa politique budgétaire sur les priorités économiques nationales changeantes et à soutenir la mobilisation des ressources nationales est fortement limitée en raison du caractère protectionniste des clauses de stabilisation », Alvin Mosioma, directeur exécutif de Tax Justice Network Africa.

Cela signifie que si le Burkina Faso essayait d’imposer le décret de 2010 à Taparko, il courait le risque de se retrouver  devant le tribunal d’arbitrage international qui pourrait s’avérer très coûteux pour le pays. Le Burkina Faso pourrait donc revenir sur ces clauses de stabilité à condition de renégocier le contrat avec Nordgold qui exploite actuellement Taparko. Si les négociations venaient à aboutir, pour le cas de Taparko, l’adoption d’une loi serait nécessaire puisque la convention que détient cette société fait force de loi. Cette renégociation ne devrait pas poser de problème d’autant plus qu’après 11 ans d’exploitation, le minerai de Taparko tirerait vers sa fin.

Les cas comme Taparko ont conduit le Burkina à revoir sa réglementation dans le Code minier de 2003 où la stabilisation ne couvre que la période de validité du titre minier. Le Code minier de 2015 a limité la stabilisation « à la durée de vie de la mine telle qu’indiquée dans l’étude de faisabilité sans excéder 20 ans ». Certains analystes estiment qu’il faudrait prévoir la possibilité d’une remise en cause de la stabilisation en cas de nécessité.

Mais selon le Dr. Brahima Guiré, juriste fiscaliste, un tel tempérament viderait la stabilisation de son contenu et la rendrait non-attractive. Il explique qu’au plan matériel, la stabilisation ne s’étend pas, en règle générale, aux taxes et redevances minières. Par cette limitation, les Etats entendent conserver le droit d’ajuster à la hausse ces taxes et redevances en fonction de l’évolution des cours des métaux. Cette limitation est contestée par les entreprises minières qui y voient, non sans raison, une certaine insécurité.

Pour le directeur exécutif de Tax Justice Network Africa, Alvin Mosioma, « les clauses de stabilisation sont récemment devenues une pomme de discorde entre les gouvernements soucieux de générer des revenus en interne et les multinationales opérant dans le secteur extractif. Les clauses de stabilisation sont devenues un point sensible puisque sa raison d’être est de protéger les entreprises contre les modifications de lois susceptibles d’avoir une incidence négative sur leurs résultats financiers.

Et Mosioma de conclure: « En fin de compte, la capacité de l’État à aligner sa politique budgétaire sur les priorités économiques nationales changeantes et à soutenir la mobilisation des ressources nationales est fortement limitée en raison du caractère protectionniste des clauses de stabilisation. »

 

Cenozo 

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