[Tribune] : Le méli-mélo au PDS et la candidature sismique de Madické Niang
Le Parti démocratique sénégalais (PDS) frôle le plafond de la confusion. Alors que la candidature de Karim Wade est clamée, le Plan B est nié et les autres Plans sont camouflés, voilà Maitre Madické Niang qui assume sa candidature et peaufine ses plans de campagne ! Sans cachoteries. Une initiative qui produit, sans discontinuer, un effet tellurique dans les sphères libérales, sur l’échiquier politique et dans l’espace médiatique. Le méli-mélo en prévalence au PDS et la personnalité du Président du Groupe des députés libéraux à l’Assemblée nationale, ont inévitablement donné un retentissement supersonique à l’événement. C’est à se demander si les ondes de choc ne fissureront pas, de manière irrémédiable, les fondations de la très historique « Maison Wade » ?
Pourquoi cette candidature fait jaser ici, et fait gloser là ? La réponse renvoie, bien sûr, à la posture habituelle de l’avocat de la famille Wade, au contexte politique national et au climat en vigueur dans le PDS. En effet, la trajectoire de Maitre Madické Niang et sa place aux côtés du Pape du Sopi, sont singulières. Bien qu’ancien ministre dans certains gouvernements constitués entre 2000 et 2012, Madické Niang n’est ni comparable à Idrissa Seck, ni assimilable à Ousmane Ngom, encore moins semblable au Professeur Sérigne Diop. Madické est également différent du premier compagnon de Wade et frère de Parti : Alioune Badara Niang. Pour la petite histoire, l’opposant Abdoulaye Wade, le sieur Alioune Badara Niang et moi avons déjeuné, ensemble, en 1979, à l’hôtel « ALETTI » d’Alger, sur le front de mer qui borde l’avenue Che Guevara. J’ai pu, à cette occasion, mesuré l’intensité des rapports d’alors, entre l’ancien Doyen de faculté, Abdoulaye Wade, et l’ancien cadre financier de la SDRS de Richard-Toll, Alioune Badara Niang.
Idrissa Seck a été, au sens stratégique du terme, la très grosse boite à idées d’Abdoulaye Wade. De 1988 à 2000. Entre l’ancien Président Abdoulaye Wade et l’ex-Maire de la ville de Thiès, Idrissa Seck, les rapports ont été principalement cantonnés dans un périmètre délimité par la politique. L’exercice du Pouvoir – phénomène éminemment politique et grandement complexe – a séparé les deux hommes. Sérigne Diop et Ousmane Ngom, jeunes cadres dévoués et dynamiques à un moment donné de l’odyssée militante et combattante, ont successivement et respectivement rompu les amarres puis creusé leurs sillons. Dans le même ordre d’idées, on peut mentionner Ablaye Faye (un vrai mamelouk du PDS) qui a crapahuté dans le champ politique et ferraillé sur le front des manifestations de rue. Rue dans laquelle, il a gagné les médailles de gloire que sont quelques côtes cassées par les coups de crosse des forces l’ordre.
Maitre Madické Niang, lui, est à l’opposé de tous ceux-là. Il est – depuis longtemps et jusqu’à ces dernières heures – le confrère, le contact particulier, la relation spéciale (admirez les adjectifs « particulier » et « spéciale ») et, surtout, l’avocat de l’avocat Abdoulaye Wade. Et, par extension, l’avocat de la famille Wade. A ce titre, le dernier Ministre des Affaires Etrangères du Président Wade fut toujours au centre de moult choses : officielles, officieuses et secrètes. Parmi lesquelles, figure notamment le procès qui ponctua l’affaire Me Babacar Sèye. C’est dire combien Me Madické Niang a été un missi dominici et, aussi, un collaborateur de l’ombre dont les futurs « Mémoires » sont impatiemment attendus par les historiens et par tous ceux qui font l’archéologie des évènements. En résumé, la complicité entre l’ancien Président Wade et l’actuel député Madické a pris solidement ses racines dans le tunnel, avant de débouler violemment, et de se fracasser devant les projecteurs de l’actualité électorale. Ce qui explique que la collision qui succède à la collusion entre les deux personnalités jadis soudées par la pleine confiance, secoue le PDS, affole l’opinion et enflamme les médias.
Incontestablement, la brouille Wade-Madické possède une origine et une densité manifestement politiques. Les agendas et les urgences, en télescopage, ont précipité le clash. Plan fictif jusqu’à nouvel ordre (Karim Wade) et Plan alternatif en déploiement (Madické Niang) sont vite entrés en conflit. Le temps presse et les échéances arrivent au galop. Entre le congrès d’investiture du 21 mars 2015, et le vote de la loi instituant le parrainage, le 19 avril 2018, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du Sénégal et dans les vannes ou autres buses du PDS. Le choix s’impose, donc et vite, entre une candidature assumée, prête et présente au Sénégal, et une candidature lointaine, incertaine et, surtout, susceptible de laisser électoralement le PDS en rade. Telle est l’analyse intelligible qui sert apparemment de support à l’initiative de Me Madické Niang. Bien entendu, les arrière-pensées d’un côté, et les soupçons de l’autre, fleurissent toujours, en politique. Sous tous les cieux. D’où les phrases de feu lâchées par Abdoulaye Wade : « candidature téléguidée » et « pression irrésistible de Macky Sall sur Madické Niang ».
Il n’est évidemment pas aisé de cerner les contours de ce brutal conflit entre deux ex-larrons en foire. Les relations exceptionnelles – au sens clair-obscur du terme – condamnent l’analyste, le chroniqueur et l’observateur à un minimum voire un maximum de prudence. Toutefois, les rôles (de type iceberg) joués par l’avocat Madické Niang, dans le déroulement du dossier judiciaire comme dans l’exfiltration de Karim Wade vers le Qatar, sont des gages de loyauté et des preuves d’efficacité qui gèlent, d’emblée, toute accusation facile de trahison. Justement, au chapitre des trahisons, Wade ne peut pas démolir Madické, sans s’auto-démolir. Tellement, l’énigme, le mystère et le secret escortent leurs liens. Qui a écrit la lettre de demande de grâce adressée au Président Macky Sall, au nom de la famille Wade ? Qui est mieux placé que Madické Niang, pour savoir si Karim Wade reviendra à court, à moyen ou à long terme, au Sénégal ? Tout se passe comme si la candidature de l’ex-bras droit de Wade, est lié à de lourds secrets. De ce point de vue, elle (la candidature de Madické) présente les caractéristiques d’une alternative réaliste – en tout cas plus tangible – à celle idéalisée et non opérationnelle (jusqu’à nouvel ordre) de Karim Wade.
« La politique, c’est le réel avant d’être l’idéal » répétait feu Houphouët Boigny. La légitimité de Karim Wade (effectivement conférée par un congrès régulier) est emportée à Doha, à la semelle des souliers. Du coup, la guerre déclarée à la candidature de Macky Niang, crée un stand by aussi stérile qu’un appel au boycott qui ne dit pas encore son nom. Par conséquent, le déblocage de la situation passe par la résolution de l’équation de la légitimité dont Abdoulaye Wade, fondateur et icône du PDS, reste l’unique source et le seul distributeur. Question : va-t-il desserrer l’étau familial autour du PDS ? La circonspection est de rigueur. Jules Renard disait : « Un père a deux vies, la sienne et celle de son fils ». Le dernier mot appartient finalement à la masse silencieuse du PDS qui doit maintenant être bruyante et exigeante. Condition sine qua non pour secouer le mammouth libéral qui, malgré les blessures et les hémorragies infligées par la traque et la transhumance, reste électoralement costaud.
Par Babacar Justin Ndiaye