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Macky Sall et les contrats français : du zèle d’un piètre dirigeant en quête de personnalité

Macky Sall Emmanuel Macron
Macky Macron

De l’émotion nègre de Senghor, au pragmatisme de Wade, en passant par le jeu d’équilibriste de Diouf, notre cher président Macky Sall n’arrive pas à trouver sa bonne place et son style, dans les relations économiques et politiques qu’il essaie de nouer avec la France et ses multinationales prédatrices.

Les sénégalais ont du mal à comprendre le positionnement de Macky Sall vis-à-vis de la France. Mais quand on y regarde de plus près, le style du père de la nation rappelle celui d’un père désespéré, qui dans sa pauvreté (d’esprit ou de corps, je vous laisserai choisir), offre sa jolie fille en pâture et contre son propre gré, à un prétendant véreux, parce que ce dernier lui laisse de gros billets à chaque visite dans sa maison en ruine. Le père doit y espérer, sans doute dans ses doux rêves d’un jour, une reconstruction toute neuve de sa demeure en ruine. Mais que sais-je !!! (Suivez ma plume…).

Pourtant, aucun des prédécesseurs de Macky Sall, dans la diversité de leurs différents styles de gouvernance, n’a jamais osé porter allégeance de façon aussi flagrante à la France.

Nous savons tous que Senghor était acquis à la cause de la France, mais il a également toujours usé de sa plume pour chanter tout haut sa négritude en réaction au complexe de supériorité du type caucasien. Même si on lui reprocha une négritude beaucoup moins assumée et plus assimilée que celle de ses compagnons littéraires comme Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas, nous pouvons reconnaitre à Senghor la paternité de certains symboles très forts de notre nation, comme notre hymne national, qui chante un lion rouge qui rugit, l’espoir et la grandeur d’une Afrique mère rassemblée, épaule contre épaule et sortant des ténèbres, ou encore d’une Afrique debout et conquérante. On peut également lui reprocher d’avoir soufflé le chaud et le froid avec son peuple et d’avoir sciemment comploté contre d’illustre fils de la nation comme Cheikh Anta Diop ou Mamadou Dia, pour ne citer que ceux-là, il nous aura néanmoins assuré les bases d’une stabilité politique enviée par beaucoup de nos pays voisins ayant connu des lendemains macabres depuis leur accession à la souveraineté nationale.

Quant à Abdou Diouf, il est sans doute l’homme politique qui, dans cette françafrique nauséabonde, possède la meilleure étoile parmi les 4 chefs d’états qui nous ont gouvernés depuis l’indépendance. Il peut objectivement bénéficier de l’excuse d’avoir affronté, en moins d’une décennie, deux combats économiques douloureux que sont le Plan d’Ajustement Structurel dicté par les institutions de Breton Woods (ou siège la France bien sûr) et décliné en partie à travers le plan Sakho-Loum (1992-1994), ainsi que la dévaluation du franc CFA imposée par le gouvernement français de l’époque, dirigé par Edouard Balladur. Pour les moins jeunes, nous avons tous assisté démunis à une inflation généralisée lorsque la parité du franc CFA par rapport au Franc Français a été réduite de moitié (passant de 100 francs CFA à 50 francs CFA pour 1 franc Français).

Alors, même si les économistes et autres experts de la vie politico-économique de l’époque ne s’accordaient pas nécessairement sur les moyens mis en œuvre et dictés par les institutions internationales et la France, ils étaient quasi-unanimes sur le diagnostic et la nécessité de restructurer l’économie et les finances publiques de l’Etat sénégalais, marqués jadis par la gabegie et la corruption soutenue dans les arcanes du pouvoir Socialiste. Abdou Diouf est donc celui qui, malgré sa politique peu assumée de cette françafrique néocoloniale, a laissé l’image ambiguë d’un président équilibriste dans ses relations avec l’ancienne puissance coloniale. Il nous a laissé le sentiment d’avoir néanmoins essayé de résister et de redresser notre économie en faisant face malgré lui, au dictat de la France et des institutions internationales.

On lui reprochera enfin de s’être endormi au pouvoir parce que dépassé par les évènements, ce qui expliqua l’arrivée au pouvoir inattendu de Maître Abdoulaye Wade en 2000. Une arrivée au pouvoir à mettre, encore une fois, en partie à son crédit, puisqu’il s’est comporté avec dignité en acceptant sa défaite aux élections présidentielles de 2000, garantissant ainsi une alternance démocratique dans la paix et l’entente nationale. Que l’on soit pour ou contre Abdou Diouf, il faut reconnaitre que ce fut une période riche en enseignements pour l’histoire de la démocratie sénégalaise, surtout si l’on se souvient du traumatisme socio-politique vécu par les sénégalais lors des élections précédentes de 1993, ayant entrainé la mort par assassinat de Maître Babacar Sèye, ancien président du Conseil Constitutionnel.

Le cas d’Abdoulaye Wade quant à lui est beaucoup plus tranchant et plus simple à apprécier car clairement assumé et volontariste vis-à-vis de la France. Malgré le climat de corruption qu’il a réussi à généraliser au sein de la classe politique, puis étendu au secteur privé et aux populations, en utilisant les relations et contrats d’affaire parapublics ainsi que la corruption d’électeurs, Abdoulaye Wade a été le seul président sénégalais à oser affirmer tout haut sa volonté de marquer une rupture claire et nette dans les relations que les pouvoirs publics sénégalais doivent entretenir avec l’ancienne puissance coloniale:

« La France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts », tous les sénégalais connaissent cet adage de Maître Wade. Nous pouvons en effet lui reconnaître sa démarche assumée de s’ouvrir de façon plus affirmée à d’autres partenariats internationaux que ceux de la Françafrique. Il a ainsi réussi à élargir le périmètre de concurrence dans le concours aux marchés publics intérieurs sénégalais en ouvrant davantage la diplomatie sénégalaise vers les pays du Golf et la Chine, pour ne citer que ces deux territoires.

C’est ainsi, en exemple, que le groupe Bolloré avait perdu la gestion du port autonome de Dakar en 2007, au profit de la société Dubaï Port World, où que l’armée française s’est retiré de notre base militaire de Bel-Air en 2011. Malgré son concours à la destruction des valeurs fondamentales de notre société sénégalaise, le président Abdoulaye Wade nous a néanmoins montré que le Sénégal n’était pas, pieds et mains, lié à l’ancienne puissance coloniale au point de brader les ressources intérieures du pays comme le fait Macky Sall en ce moment.

Le « père » Macky Sall, lui, n’a pas trouvé mieux que d’hypothéquer l’avenir de sa belle sénégalaise en la mariant à un amant « volage » qui n’en a que pour ses intérêts. Les sénégalais espéraient, en lui, le développement d’une posture digne d’un homme d’Etat, de valeurs, défendant la grandeur du Sénégal au-delà de nos frontières, mais ce fut très vite un espoir vain au vu de la tournure des évènements depuis son élection en 2012.

Nous constatons tous, avec effarement, que notre cher président et son gouvernement s’entêtent à précipiter toutes nos ressources et les opportunités de notre marché intérieur entre les mains des multinationales françaises, en faisant fi des lois de la république et des pertes colossales que cette démarche engendre pour les générations actuelles et futures de notre nation.

Dans ce gouffre financier, le secteur du pétrole occupe une place centrale, mais il ne s’agit pas du seul secteur économique concerné. Avec la découverte du pétrole, du gaz et du zircon, sans compter les autres ressources déjà connues mais mal exploitées comme l’or, le phosphate, le calcaire, ainsi que les projets d’exploration inconnus du public à ce jour, la France drague le Sénégal comme jamais. Pourtant la future mariée n’est même pas encore si bien apprêtée, car mal informée du destin que lui prépare le père. Mais peu importe, le père corrompu de la nation a, de toute façon, décidé de (re) marier notre belle nation avec son ancienne puissance coloniale contre son gré.

Lors de sa conférence de presse du 21 octobre 2018, le leader de la République des Valeurs, Thierno Alassane SALL, ancien ministre de l’énergie, démissionnaire et impliqué initialement dans les négociations des contrats pétroliers, nous rappelait la gravité de la situation. En exemple, en l’état actuel du contrat de forage du bloc pétrolier de Rufisque Offshore signé avec la multinationale française Total, le Sénégal devrait supporter un manque à gagner de plus de 400 milliards de francs CFA par an sur une durée de 45 ans, comparé aux offres de ses concurrents principaux comme celle du duo BP-Cosmos jugé beaucoup plus avantageux. Le calcul des montants globaux donne le vertige, 18. 000 milliards de francs CFA de manque à gagner sur 45 ans, si l’on sait que nos écoles primaires ont besoin de moins d’un milliard de CFA pour éradiquer les abris provisoires sur l’ensemble du territoire sénégalais. On se demande, dès lors, à qui profite ce complot qui a permis à la société Total de décrocher ce contrat, alors qu’il était classé 5ème parmi les sociétés soumissionnaires à l’exploration de ce gisement tant convoité.

Nous ne parlerons pas ici des autres secteurs économiques également dans la cible de la France comme l’eau (SUEZ), les infrastructures (Eiffage), le port autonome de Dakar (avec le retour de Bolloré), etc.

Le Sénégal, avec son histoire, ne mérite pas un tel sort. Par respect pour les grandes figures de cette nation, hommes et femmes ayant combattu pour la liberté et l’autodétermination de notre peuple, il est indigne d’un fils de la nation sénégalaise, de surcroît défenseur suprême des intérêts de la nation, de manquer autant de respect pour les symboles de cette nation et de son histoire. Notre plume nous renvoie inévitablement aux illustre hommes et/ou femmes comme El hadj Cheikh Oumar Foutiyou Tall, Cheikh Ahmadou Bamba, El hadj Malick Sy, Lat Dior Ngoné Latyr Diop, Alboury Ndiaye, Aline Sitoé Diatta, les femmes guerrières de Nder qui se sont brulées vives parce que profondément attachées à leur liberté…et la liste peut être longue. Quand on dirige un tel pays, avec une histoire aussi chargée en symboles, on a une obligation morale de prudence vis-à-vis de ses anciens pourfendeurs. Le peuple sénégalais demande d’y voir plus clair, de savoir ce que les français ont promis à Macky Sall pour qu’il agisse de la sorte, ou quels moyens de pression possèdent-ils contre lui pour lui imposer une telle démarche. Il y a de quoi s’inquiéter.

Mais à Macky Sall nous disons et rappelons ceci : si ses amis français actuels lui ont fait croire qu’il était le mieux aimé de tous et qu’il en sortirait glorifié par ses pères, nous lui rappelons le cas de Senghor, ami reconnu et tant adulé de la France au point d’être le premier noir africain à être entré à l’Académie Française (très conservatrice) depuis sa création en 1635. Pourtant, à sa mort, Léopold Sédar Senghor n’a même pas eu droit lors de ses obsèques, à la présence, ni du Chef de l’Etat français de l’époque, Jacques Chirac, ni de son Premier ministre Lionel Jospin. Ouvrez les yeux M. le président avant qu’il ne soit trop tard car les sénégalais savent pardonner, vous êtes un fils de la nation sénégalaise, pas un fils de la nation de Marianne.

 

 

Par Madany TALL,

La République des Valeurs Diaspora/France

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