Présidentielle au Sénégal : pourquoi #SunuDébat n’aura pas lieu
Depuis l’annulation officielle de #SunuDébat par le Conseil national de régulation de l’audiovisuel, le 19 février, les spéculations vont bon train. Le CNRA a-t-il cédé in extremis à une injonction de Macky Sall, qui s’était refusé à participer à ce débat entre les candidats du premier tour ? Ou l’accord de principe d’abord donné par ses challengers s’est-il révélé de pure forme ?
Leur volte-face aura eu raison de ce qui devait être le premier débat présidentiel au Sénégal. En l’absence d’une confirmation officielle des quatre candidats de l’opposition, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a finalement annoncé, le 19 février, que #SunuDébat (« Notre débat », en wolof) ne pouvait avoir lieu. « Ce n’était pas faisable », tranche Babacar Diagne, le président du « gendarme » de l’audiovisuel. « Sans confirmation définitive à 48 heures de l’événement, il était techniquement impossible d’organiser un débat serein, sérieux et transparent », explique-t-il à Jeune Afrique.
Une semaine plus tôt, pourtant, toutes les conditions semblaient réunies pour que les candidats à l’élection présidentielle puissent débattre sur un plateau de télévision, face à une poignée de journalistes. Interpellés sur Twitter par de nombreux internautes, à l’initiative d’Awa Mbengue, une jeune étudiante de la diaspora, Idrissa Seck, Madické Niang, Ousmane Sonko et Issa Sall avaient tous donné leur accord de principe. Plusieurs médias sénégalais – la chaîne 2STV, la chaîne E-Radio et le site Seneweb -, avaient accepté de diffuser l’événement dans la soirée.
De son côté, le CNRA assurait à JA, le 11 février, qu’il ne voyait pas d’obstacle à l’organisation du débat, même en l’absence du président sortant, Macky Sall – dont l’entourage a très tôt décliné le principe de #SunuDébat. « S’il y a un nombre suffisant de candidats, cette absence ne pose pas de problème », nous indiquait alors Babacar Diagne. « Cela dépendra totalement de la volonté des candidats. Et je doute fort que les candidats dont vous parlez voudront réellement débattre entre eux », ajoutait-il.
De fait, le vent a rapidement tourné. « On le sentait », reconnaît Abdou Touré, l’un des internautes à l’initiative de #SunuDébat. « Nous étions sur nos gardes. Quand les candidats nous ont dit “oui” sur Twitter, nous avons aussitôt tenté d’entrer en contact avec chacun d’entre eux. » Objectif : valider cet accord informel à travers une réponse écrite.
NOUS AVONS PASSÉ UNE SEMAINE À LEUR COURIR APRÈS, MAIS C’ÉTAIT VRAIMENT DIFFICILE DE LES RENCONTRER
« Nous avons passé une semaine à leur courir après, à leur envoyer des messages… Mais c’était vraiment difficile de les rencontrer. » Les organisateurs de #SunuDébat seront finalement reçus par les équipes d’Issa Sall et d’Ousmane Sonko – ce dernier étant le seul à leur avoir transmis par courriel un accord formel. Du candidat Idrissa Seck, ils n’obtiendront aucune réponse officielle. Quant aux collaborateurs de Madické Niang, « ils n’ont jamais daigné répondre à nos appels », regrette Abdou Touré.
Des renoncements qui ne surprennent pas Babacar Diagne, du CNRA. « J’ai l’impression que ceux qui avait initié le débat n’avaient en fait reçu aucune véritable garantie » de la part des candidats, indique-t-il aujourd’hui. « Nous nous attendions à ce que les organisateurs nous saisissent, qu’ils se rapprochent des médias concernés et que nous voyions ensemble les modalités : l’organisation d’un tel débat obéit à certaines règles. Mais hier, 19 février, nous n’avions toujours rien reçu », déplore le président du Conseil.
Entre le CNRA et les organisateurs du débat, aucun contact n’avait été formellement établi. « Une erreur » liée à « l’inexpérience », admet Abdou Touré. L’équipe citoyenne reste toutefois mobilisée, espérant encore qu’un débat pourrait voir s’affronter les deux candidats toujours en lice lors du second tour, si celui-ci a bien lieu.