Nouvelle-Zélande : le choc après l’attentat visant deux mosquées à Christchurch
Le principal suspect des attaques, qui ont fait 49 morts dans la ville néo-zélandaise vendredi, est un suprémaciste blanc.
Charles Martel et Bohémond de Tarente, qui mena la première croisade vers Jérusalem au XIe siècle, font partie des héros de référence de Brenton Tarrant qui dessina leurs noms sur son arme comme un talisman, avant d’ouvrir le feu sur la mosquée d’al-Noor, vendredi, au cœur de la paisible Christchurch, en Nouvelle-Zélande.
Cet Australien de 28 ans au visage pâle a filmé et diffusé en direct pendant 17 minutes son opération sanguinaire via Facebook Live, tirant à vue sur les fidèles rassemblés pour la grande prière musulmane du vendredi, dans l’île méridionale du pays, faisant 41 morts. «Il avait un gros fusil, il est entré et a ouvert le feu sur tout le monde dans la mosquée, partout», raconte Ahmad al-Mahmoud, qui a échappé au carnage en se jetant à travers une porte vitrée.
Après trois minutes de feu nourri, sous le regard de sa caméra frontale, le meurtrier est même retourné dans son véhicule beige garé devant la mosquée pour recharger son arme avant de revenir poursuivre sa sanglante besogne avec une froide détermination. À la demande de la police, la vidéo a été retirée du site par Facebook, et le compte Twitter de Tarrant a été neutralisé.
En parallèle, une autre mosquée subissait une attaque similaire dans la banlieue de Linwood, à environ sept kilomètres à l’est, portant le total des victimes à 49, selon les autorités. «Il s’agit d’un des jours les plus sombres de la Nouvelle-Zélande» a déclaré la première ministre Jacinda Ardern, qui a finalement qualifié la tuerie «d’attaque terroriste». Tarrant et trois autres suspects, dont une femme, ont été arrêtés. Les autorités néo-zélandaises ont annoncé avoir inculpé l’un d’eux pour meurtres, sans davantage de précision. La police n’excluait pas que d’autres participants soient en cavale. Après avoir bouclé le centre-ville pendant plusieurs heures, par crainte d’autres assauts, les forces de l’ordre ont demandé aux fidèles d’éviter les mosquées «partout» dans le pays.
Cette nation australe tranquille de 5 millions d’habitants, habituellement protégée des fracas du monde par son éloignement, est sous le choc. «C’est la Nouvelle-Zélande. Cela ne peut pas arriver ici», explique en pleurant Zayd Blissett, président de l’association musulmane de Marlborough, selon le site local The Stuff. Il s’agit de la plus grande tuerie de masse depuis 1943, lorsque des gardiens avaient ouvert le feu contre des prisonniers de guerre japonais en révolte durant la Seconde Guerre mondiale. Dans ce pays rural, à la faible criminalité, 1,2 million d’armes sont entre des mains de citoyens selon l’ONG GunPolicy.org, de l’université de Sydney, alors que nombre de policiers n’en portent pas, selon une tradition toute britannique.
Avant de lancer son raid sanglant, Tarrant avait posté en ligne un «manifeste», reprenant les thèses du «grand remplacement» en vogue dans les milieux d’extrême droite, dénonçant «l’immigration de masse» et appelant à «créer une atmosphère de peur» pour les musulmans du monde entier. Se décrivant comme un «fasciste», et un «ethno-nationaliste», l’auteur affirme «juste être un homme blanc normal qui a décidé de prendre position pour l’avenir de son peuple». Il se targue d’avoir reçu le soutien d’Anders Breivik, le Norvégien qui mena une tuerie sanglante en 2011. Le texte de 74 pages évoque également les attentats islamistes perpétrés à Paris, et salue Alexandre Bissonnette, qui avait ouvert le feu sur une mosquée au Québec en 2017, faisant six victimes. «Il s’agit d’un extrémiste, un suprémaciste blanc, un terroriste violent» a déclaré le premier ministre australien, Scott Morrison, confirmant l’identité de Tarrant.
Afflux migratoire récent
Le drame braque le projecteur sur la nébuleuse d’extrême droite dans un pays officiellement adepte de la tolérance, où la communauté musulmane de 46.000 personnes pèse à peine 1 % de la population, selon le recensement de 2013. Un afflux migratoire récent puisque la plupart sont nés à l’étranger, pour l’essentiel originaire du Bangladesh. «Christchurch a une communauté très active de suprémacistes blancs qui a mené des attaques contre des réfugiés et gens de couleur depuis vingt ans» affirme à radio New Zealand Paul Buchanan, consultant en matière de défense à 36th Parallel Assessments.
Mais Tarrant, grand voyageur, et «immigré» lui-même, n’était que de passage en Nouvelle-Zélande, pour s’entraîner. Il justifie son choix de frapper ce pays précisément du fait de son caractère tranquille, l’objectif étant de faire passer le message «qu’aucun endroit de la planète n’est sûr» pour les musulmans. La méthode est également mûrement réfléchie: le recours à l’arme à feu, visait à maximiser «la publicité médiatique», affirme l’auteur du manifeste.