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Chine : un rescapé des centres de « rééducation » pour musulmans raconte

Omir Bekali montre la manière dont il était enchaîné pendant sa détention au Xinjiang
Omir Bekali montre la manière dont il était enchaîné pendant sa détention au Xinjiang, le 6 mars 2019 à Istanbul (Turquie). (YASIN AKGUL / AFP)

Dans les centres de « rééducation » pour les minorités musulmanes de Chine, la journée commence avec des chants patriotiques, avant des séances d’autocritique et des repas à base de porc, dont la consommation est interdite par l’islam, raconte un rescapé à l’AFP. Omir Bekali, un homme de 42 ans au visage grêlé, dit avoir passé plusieurs semaines à l’automne 2017 dans l’un de ces camps à Karamay, au Xinjiang, dans l’ouest de la Chine où vivent plusieurs minorités musulmanes, dont les Ouïghours et les Kazakhs.

Dans cette région placée sous haute surveillance policière, jusqu’à un million de musulmans seraient détenus dans des centres de « rééducation politique », selon des experts et organisations de défense des droits humains. Pékin dément ces accusations, affirmant qu’il s’agit de « centres de formation professionnelle » contre la « radicalisation » islamiste. Des sortes de « campus », a déclaré la semaine dernière le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Le Yucheng.

Accusé de « terrorisme » sans preuves

De ces « campus », Bekali est ressorti traumatisé. Multipliant les conférences à l’étranger, il est l’un des rares rescapés à raconter leur passage dans ces centres. La plupart d’entre eux préfèrent se taire, de peur de mettre en danger leurs proches en Chine. Il décrit un quotidien fait de brimades ayant selon lui un objectif : extirper des internés la moindre parcelle de croyance religieuse. « Chaque matin de 7 heures à 7h30, il fallait chanter l’hymne national chinois. On chantait à 40 ou 50 personnes en faisant face au mur », raconte-t-il en mimant la scène dans le salon de son modeste appartement, dans un quartier populaire d’Istanbul (Turquie). « Je ne voulais vraiment pas chanter. Mais à force de répétition quotidienne, c’est rentré. Ça fait plus d’un an que je suis sorti, mais la musique, elle, résonne toujours dans ma tête », dit-il en réajustant sa calotte.

Né au Xinjiang de parents ouïghour et kazakh, deux des principales ethnies musulmanes vivant au Xinjiang, il a émigré au Kazakhstan en 2006 pour trouver du travail, comme bon nombre de Kazakhs nés en Chine, et obtenu la nationalité de ce pays. Les ennuis commencent pour lui le 23 mars 2017, lorsqu’il est arrêté au Xinjiang après un déplacement d’affaires pour son agence de tourisme kazakhe. Après avoir passé sept mois en prison pour des accusations d’aide au « terrorisme », il est envoyé dans un camp de « rééducation ».

« Il y avait des enseignants, des artistes, des vieillards. Etaient-ils des terroristes ? », demande-t-il. Parmi les obligations pour les personnes de tous âges internées : le vendredi, jour saint pour les musulmans, « ils vous forcent à manger du porc », selon lui. Les « étudiants » ont également interdiction de parler une langue autre que le chinois, de prier ou de se laisser pousser la barbe, autant de signes de « radicalisation » pour les autorités. S’il a pu sortir en novembre 2017, pense-t-il, c’est uniquement grâce à l’intervention des autorités du Kazakhstan.

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