« Des patrons délinquants… un État complice… précarité des reporters… » : la presse vide son sac lors de la cérémonie de remise de cahiers de doléances
Les travailleurs ont remis leurs cahiers de doléances à Macky Sall. A l’instar des autres organisations syndicales, le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) a déposé le sien, ce 1 mai 2019, marquant la fête du travail. Face au Chef de l’Etat et devant le parterre de personnalités qui ont pris part à cette cérémonie, le nouveau Secrétaire général du Synpics en l’occurrence Bamba Kassé n’a pas porté de gants pour exposer les maux de la presse sénégalaise, comme le fait savoir emédia.sn.
Selon lui, la Liberté de la Presse, reconnue dans notre Charte Fondamentale, souffre dans notre pays de la léthargie notée dans l’institutionnalisation des mécanismes qui doivent en constituer des socles. « Comment pouvons-nous donner corps au Droit du Citoyen à disposer d’une Information Plurielle, si le corollaire, c’est à dire la Liberté de Presse, n’est pas réellement vécue », s’interroge le Secrétaire général du Synpics. Qui, poursuivant son argumentaire, pense que cette question est légitimée par plusieurs manquements que l’on note dans le landernau médiatique sénégalais. Ce, dit-il, malgré l’attractivité du pays, siège de plusieurs médias internationaux qui continuent d’affluer.
A son avis, le premier de ces manquements est la non-application de la Convention Collective des Journalistes, techniciens et autres travailleurs des médias. « Déposée par les soins du Synpics au greffe du tribunal du travail depuis 2018, il n’est pas appliqué par les employeurs. De plus, il n’a pas encore fait l’objet d’un arrêté d’extension pour pouvoir concerner ceux, parmi les bénéficiaires légales dont les employeurs ne sont pas membres du CDEPS (Conseil des Diffuseurs et Editeurs de Presse du Sénégal) signataire de l’Accord », regrette-t-il. Avant d’ajouter : « Il urge que le Sénégal, champion du monde des belles initiatives puissent viser le titre de champion du monde des initiatives abouties, d’autant que la plupart sont d’une nécessité de survie ». Pour Kassé, le Sénégal, n’est pas un ilot isolé et sa population subie les méfaits d’une précarisation continue de sa presse.
Le visage hideux de la presse
A l’en croire, le pays vit encore un défaut d’organisation de son secteur des médias. Puisque, constate-t-il pour le déplorer, l’accès aux différents métiers n’est toujours pas régulé, l’apport économique du secteur est toujours congru. « Le phénomène le plus hideux pour s’en convaincre est la prolifération des fake-news, la profusion des articles sur commande, la collusion savamment entretenue entre différents intérêts économiques et médiatiques, et la phagocytose des médias par le monde politique, pour ne pas dire par les politiciens. L’autre phénomène qui rend compte de la précarité de la presse est la situation de déliquescence dans laquelle se trouve la plupart des jeunes reporters, laissés à eux mêmes à la merci de patrons de Presse qui ne leur assurent parfois même pas de contrat de travail. Et pourtant ces patrons de presse émargent allègrement au Registre de l’Aide à la Presse, encaissent la publicité, et bénéficient même parfois d’une ’’Amnistie fiscale’’ sans pour autant payer les Impôts, sans reverser les cotisations sociales, sans même parfois assurer une couverture médicale minimale à leurs travailleurs », fait-il remarquer.
De l’avis de Bamba Kassé, « beaucoup de patrons de presse, pas tous heureusement, sont des délinquants à col blanc qui abusent de leur station, et prennent en otage leurs journalistes, avec la complicité passive de l’Etat qui ne sévit jamais, ou presque. Il en est même un qui pour ne pas exécuter une décision de justice en faveur de journalistes, a immatriculé le patrimoine de son organe dans d’autres entreprises détenues par sa progéniture. »