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Interdiction du port du voile : l’institut Sainte Jeanne d’Arc de Dakar crée la polémique… coup dur pour le dialogue islamo-chrétien

des étudiantes musulmanes voilées &
Des étudiantes voilées

Dans un mail envoyé aux parents d’élèves, l’Institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar a avisé sur une série de nouvelles mesures qu’il compte mettre en œuvre dès l’ouverture prochaine des classes en septembre 2019. Parmi ces mesures, celle de l’interdiction du port de voile. Une décision qui suscite déjà une vive polémique au Sénégal, comme constaté par KLINFOS.COM.

« (…) la congrégation des Soeurs de Saint Joseph de Cluny, Tutelle de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc, dans le cadre actuel de la relecture générale de sa mission et du projet éducatif, a décidé de statuer sur la tenue autorisée pour les élèves de l’ISJA ; celle-ci se composera à partir de la rentrée de septembre 2019 de l’uniforme habituel, avec une tête découverte, aussi bien pour les filles que les garçons », peut-on lire dans le mail envoyé aux parents d’élèves.

Pour motiver cette nouvelle mesure incompréhensible au Sénégal, l’établissement privé catholique installé à Dakar se distingue par une contradiction de taille dans son argumentaire.

« L’Institution Sainte Jeanne d’Arc demeure un lieu d’Education rigoureuse, accueillant des personnes de toutes origines, cultures et croyances, sans exclusion », souligne-t-il dans le message signé par le Directrice Rayanna Tall. Avant d’ajouter: « Il est en revanche demandé à tous les élèves, lorsqu’ils entrent dans l’établissement, de respecter l’identité de l’école, en partie définie par la tenue ».

Aussi, l’ISJA indique « Ce sera ainsi conforme à ce qui a toujours été observé dans l’ensemble des établissements de la Congrégation à travers le monde (57 pays) et en particulier dans la province de l’Afrique de l’Ouest, composée du Sénégal, du Burkina-Fasso, du Niger et du Togo ».

– Les ONG Jamra et Mbañ Gacce alertent l’État sur le « radicalisme » de l’Institut Jeanne d’Arc !

Une attitude que bon nombre de Sénégalais déplorent. Parmi eux, les Bureaux exécutifs de « JAMRA » & « MBAÑ GACCE » qui ont réagi, eux aussi à travers une note parvenue à KLINFOS.

« Un problème similaire s’était déjà posé, il y a huit ans, à l’occasion de la rentrée scolaire de 2011, au Collège Hyacinthe Thiandoum de Grand Yoff. Une vingtaine d’élèves avaient été injustement exclues pour port de voile. D’autres établissements scolaires, comme les Collèges Anne Marie Javoueh de Médina et Abbé David Boila de Thiès, devaient lui emboîter le pas. JAMRA privilégia alors une démarche fraternelle, avant d’envisager toute action publique à l’encontre des autorités académiques concernées« , Ont rappelé Mame Mactar Guèye et Cie.

Non sans préciser que « ces écoles privées catholiques se fondaient sur l’article 3 d’un ‘règlement intérieur standard’, publié par l’Office national de l’enseignement catholique du Sénégal (Onecs), stipulant que : ‘les élèves ne sont acceptés à l’école que dans la tenue de l’établissement. Toute attitude ou comportement de nature discriminatoire au sein de l’établissement est passible de renvoi temporaire ou définitif’ « .

Ce qui avait fait réagir JAMRA qui, dans une note de contestation officielle au ministre de l’Education de l’époque, M. Kalidou Diallo, dont « la réaction ne se fit pas attendre. A travers une note-circulaire, il rappela : ‘ qu’aucun établissement ne peut avoir un règlement intérieur supérieur aux lois et décrets qui régissent le fonctionnement des écoles privées ‘. Lesquelles lois s’inspirent toutes de la Constitution du Sénégal qui, en son article 24, garantie la liberté de culte. Le ministre de l’Education nationale invita alors fermement, à travers sa circulaire, toutes les écoles privées (laïques ou confessionnelles) au respect de la loi. Et leur rappela que ‘ la Loi fondamentale, ainsi que le décret régissant les écoles privées au Sénégal, stipulent que celles-ci ont le devoir et l’obligation de recevoir tous les enfants sénégalais, quelle que soit leur confession ‘ « .

« Et que ces établissements scolaires ont, par conséquent l’obligation de respecter les croyances et coutumes de leurs élèves, y compris leurs tenues vestimentaires confessionnelles. Le ministre ajouta dans sa lettre ‘ qu’aucun établissement ne peut avoir un règlement intérieur supérieur à ce principe ‘. Non sans rappeler aux écoles concernés ‘ la nécessité de faire respecter les textes fondamentaux du Sénégal, qui est un pays laïc, et démocratique respectant toutes les sensibilités ‘.

Et le ministre de l’Education de conclure en prévenant les chefs d’établissements scolaires concernés du risque de «fermeture encouru par toute école qui dérogerait à la loi’ « , poursuivent les Bureaux exécutifs de « JAMRA & MBAÑ GACCE ».

Ainsi, cette présente levée de bouclier, « suscitée par la décision de l’Institut Jeanne d’Arc de déclarer personae non grata les jeunes filles voilées« , n’est pas, selon JAMRA, « surprenante eut égard aux démarches positives de bonnes volontés des deux camps, qui avaient eu l’heur de résoudre les précédentes incompréhensions. D’autant que ces adolescentes musulmanes ne se sont pas rendues dans leur école en portant ces jeans déchirés à la mode, des ‘check-down’, des ‘jubax-out’ ou autres tenues indécentes. Elles ont simplement eu le tort de faire preuve de pudeur vestimentaire, en portant un voile ! »

Sur ce, l’ONG islamique JAMRA et l’Observatoire de veille et de défense des valeurs culturelles et religieuses, MBAÑ GACCE, dans leurs démarches consensuelles habituelles, ont déjà pris langue avec leurs interlocuteurs traditionnels, dont de hautes autorités de l’Etat, « afin que cet établissement scolaire d’excellence, qui s’est régulièrement distinguée par d’honorables résultats au Bfem et au Baccalauréat, sache raison garder« .

« D’autant que, paradoxalement, dans cet établissement scolaire officient des bonnes sœurs-enseignantes catholiques et voilées« , reconnait JAMRA et MBAÑ GACCE qui invitent l’institut Jeanne d’Arc à éviter de se singulariser en titillant la fibre sensible du port vestimentaire religieux, « risquant d’ouvrir une nouvelle brèche, porteuse de mésententes inutiles, dans un Sénégal réputé laïc et respectueux de toutes les sensibilités confessionnelles« .

– Le directeur de l’enseignement catholique réagit

Le directeur de l’enseignement catholique, l’abbé Pierre Ndiom , assure que l’institution Jeanne d’Arc n’interdit pas le voile, mais une façon de s’habiller qui serait de nature à saper la cohabitation entre les élèves de cet établissement.
« On ne peut pas venir comme on veut dans une école, tranche-t-il. On dit que nous interdisons le voile. Ce n’est pas le voile que nous interdisons. Mais quand nous voyons certains ports vestimentaires, qui ne collent pas avec le règlement intérieur et qui impactent la cohabitation de l’élève avec ses camarades, la pratique de l’éducation physique et sportive et ses études, nous appliquons le règlement intérieur. »
L’abbé Ndiom indique que le règlement intérieur interdit tout ce qui n’est pas conforme avec la philosophie de l’école. Et, ajoute-t-il, la philosophie de l’école est encadrée par la loi d’orientation, que ce soit dans l’école publique ou dans l’école privée.

– L’ex chef de cabinet de Macky Sall parle de « décision inadmissible »

Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe Benno bokk yakaar, juge « inadmissible » la mesure d’interdiction du voile à l’institution Sainte Jeanne d’Arc. Ci-dessous son point de vue, exprimé sur sa page Facebook.

« Faut-il interdire le foulard islamique dans les écoles ? Que non !

Le Sénégal doit se doter d’une loi claire prohibant toute discrimination basée sur des signes religieux dans tous les établissements publics ou privés recevant du public ou fournissant un quelconque service public.

Au Sénégal, les établissements privés, laïcs ou confessionnels doivent être régis par des textes législatifs qui leur imposent de recevoir tout Sénégalais de n’importe quelle confession.
Les règlements intérieurs des écoles publiques ou privées ne peuvent pas permettre le rejet des Sénégalais en raison de tenues qui correspondent à leurs croyances et à leur religion.
Aucun établissement au Sénégal ne peut établir un règlement intérieur contraire au principe constitutionnel de liberté de conscience.

Toute décision d’exclure des jeunes filles musulmanes en raison du port du voile est proprement inamissible et doit être rapportée sans délai.

La tolérance des pratiques religieuses d’autrui constitue le préalable historique et indépassable à la paix sociale dans tous les pays du monde.
Il est inacceptable le rejet d’enfants de la République dans une école sous l’absurde prétexte qu’elles soient voilées.

Tous les intégrismes, y compris les laïcistes, mettent en danger la préservation de la paix sociale, de la concorde, de la cohésion nationales, bref du vivre ensemble,  dans une société aussi multiculturelle, multiconfessionnelle que celle du Sénégal. »

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