Première déclaration du Dr Babacar Diop après sa libération : « la gloire appartient à ceux qui luttent ! »
Chers compatriotes,
Je voudrais remercier, du fond du cœur, tous les camarades, amis, parents et inconnus qui nous ont témoigné de leur soutien et sympathie à la suite de notre arrestation le samedi 04 mai dernier, lors du vote de la révision constitutionnelle supprimant le poste de Premier ministre . Je voudrais aussi remercier mes codétenus : Guy Marius Sagna, Adourahmane Sow et Ousmane Ndiaye. Ils ont fait preuve d’un courage qui force l’admiration de tous les démocrates et patriotes sincères.
La démocratie a gravement reculé au Sénégal. Macky Sall conduit le pays sournoisement et dangereusement vers un ordre autoritaire. En revanche, c’est la peur seule qui nous empêche de défendre nos droits et nos libertés. Ce sont les dangers que nous risquons qui nous plongent dans l’inaction. Ce sont les calculs égoïstes et les positions confortables qui font de nous les complices des autocrates. C’est la crainte d’aller en prison qui nous enfonce dans la couardise et la poltronnerie. Les jeunes générations doivent assumer leur responsabilité devant l’histoire pour sauver la démocratie. Abraham Lincoln disait : « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ne disparaîtra pas de la surface de la terre ». C’est la détermination des peuples à sauvegarder leur liberté qui maintiendra les démocraties. En vérité, la démocratie est le seul régime qui garantit la dignité humaine et préserve les libertés individuelles.
Le monsieur à votre gauche avec le téléphone est un professeur d'Université, menotté dans une voiture de la police pour avoir manifesté pacifiquement contre la suppression du poste de Premier Ministre au #Sénégal. Et dire que ce pays est une référence en liberté d'expression pic.twitter.com/SKhJ5YQfle
— #Aliou Sambou Bodian (@samboubodian) 6 mai 2019
Un jeune philosophe du nom Yascha Mounk, au moment de conclure son retentissant ouvrage Le peuple contre la démocratie a écrit ces propos pour s’adresser à tous ceux qui vivent dans une démocratie menacée : « Dans les années à venir, se lever pour défendre ce que nous considérons comme important demandera de plus en plus de courage. Afin d’accomplir ce qu’il faut au moment décisif, il nous faudra accepter de grands sacrifices. […] Il n’est pas possible de prédire ce que sera le destin ultime de notre système politique. Peut-être que la montée de [l’autoritarisme] ne constituera qu’un bref moment, dont on se souviendra avec un mélange d’étonnement et de curiosité dans un siècle. Ou peut-être qu’elle donnera lieu à un changement d’époque, inaugurant un ordre du monde dans lequel les libertés individuelles seront bafouées en toute occasion et l’autogouvernement effacé de la surface de la terre. Personne ne peut nous promettre une fin heureuse. Mais ceux d’entre nous qui nous soucions vraiment de nos valeurs et de nos institutions sommes déterminés à nous battre pour nos convictions, sans égard pour les conséquences. Bien que le fruit de notre travail reste incertain, nous ferons ce qu’il faut pour sauver la démocratie ».
Chaque génération doit apprendre la démocratie. La défense de la démocratie vaut tous les sacrifices. Nous devons lutter jusqu’à la dernière énergie pour les valeurs auxquelles nous croyons. Comme dit le poète chinois Ai Qing: « La gloire appartient à ceux qui luttent […] La gloire appartient à ceux qui suivent la cause des morts ».
Chers compatriotes, rassurez-vous, rien, rien et rien ne pourra entamer ma détermination à poursuivre le combat pour la démocratie. Je retournerais mille fois en prison, je serais toujours plus enthousiaste et plus engagé à me battre sans concession pour mes convictions.
En vérité, le Sénégal habite ma vie.
