Histoire générale du Sénégal : Macky Sall salue un travail qui répond à la nécessité impérieuse de décoloniser notre histoire
Le Professeur Iba Der Thiam, accompagné de l’équipe d’intellectuel avec qui il travaille dans le projet d’écriture de l’histoire générale du Sénégal, a présenté, hier, au chef de l’État le premier jet de leur travail. Il s’agit de cinq des 25 volumes qui devraient être écrits à ce propos. Recevant ce travail de longue haleine, le président de la République a salué un travail qui répond à la nécessité impérieuse de décoloniser notre histoire en la maitrisant. Il a également salué l’engagement de toutes les personnes qui ont participé à la réalisation de cette œuvre, annonçant par la même occasion l’insertion de son contenu dans les programmes scolaires et universitaire.
En dépit du deuil qui frappe la République et donc lui avant quiconque d’autre, le chef de l’État a tenu à recevoir les membres de la commission chargée d’écrire l’histoire générale de notre pays. Et Macky Sall de déclamer, devant le parterre d’intellectuels de haut rang, un discours de haute facture aux allures d’une leçon d’histoire.
Et sans tarder, Macky Sall a invité ses compatriotes à prendre connaissance de « ce travail extraordinaire de nos historiens, chercheurs… pour savoir d’où nous venons, qui sommes-nous et où allons-nous ». L’intérêt, dit-il, c’est parce que le sujet est d’importance parce qu’il nous fait revisiter notre histoire pour éclairer notre présent et baliser notre la voie du futur.
Mais aussi et surtout parce que la connaissance de notre histoire participe à la formation de citoyens conscients et respectueux de leurs valeurs de culture et de civilisation.
À ce propos, il cite feu le Professeur Joseph Kizerbo disait avec raison qu’« un peuple sans histoire est un monde sans âme ». « Voilà pourquoi quand le Professeur Iba Der Thiam m’a entretenu du projet de rédaction de l’histoire générale du Sénégal des origines à nos jours, j’ai soutenu l’initiative avec enthousiasme. Parce qu’elle rencontrait un souhait qui me tenait ardemment à cœur. Il me fallait relevez ce défi immense. Et vous y êtes arrivés », a magnifié le chef de l’État qui a d’ores et déjà qu’il compte lever dans l’ordre nationale du Lion les membres qui ont participé au projet.
Poursuivant le président de la République a tenu à préciser que le Professeur Iba Der Thiam et les autres principaux contributeurs à ce projet ont travaillé à titre bénévole. Et donc sans rémunération aucun, avec comme seul viatique leur engagement citoyen et patriotique, dira-t-il. « Cela mérite d’être salué. Je vous en remercie vivement Professeur Iba Der Thiam, vous et vos collègues. Car cette œuvre à laquelle vous consacrez du temps et des efforts considérables est un bien commun, un éminent service rendu à la nation. C’est en reconnaissance de votre engagement que j’ai tenu à vous recevoir en cette séance solennelle pour remise officielle des cinq premiers volumes sur les vingt-cinq que doit compter cette œuvre gigantesque portant sur 350000 ans de l’histoire du Sénégal », a déclaré le président de la République pour qui les enjeux d’une telle œuvre sont multiples.
D’abord les enjeux historiques. Parce que, ne l’oublions pas, invite-t-il, « l’esclavage et la colonisation ont eu comme soubassement, la négation de l’histoire, de l’âme et de la raison du peuple noir. Un peuple réduit en objet, au lieu d’être considéré en sujet de l’histoire. Un peuple taillable et corvéable à merci. Tout est dans cette formule véridique et lapidaire de Aimé Césaire : « colonisation égale chosification ». Mais également les enjeux du présent, parce que les préjugés à l’encontre de l’Afrique et des Africains ont la vie dure. « Certains se complaise toujours dans la prétention d’incarner à eux seuls la civilisation, d’où le complexe de supériorité, le négationnisme et le mépris culturel à l’égard des autres », déplore-t-il à ce propos.
Pour ce qui est des enjeux du futur, Macky Sall dira que leur importance est en cela que celui qui maitrise votre histoire contrôle votre présent et votre avenir. En ce sens que, poursuit-il, par l’emprise qu’il exerce sur votre intellect, il commande votre univers mental et manipule votre façon de penser et d’agir. « Ainsi naisse le mimétisme, le complexe d’infériorité et l’acculturation qui ne sont rien d’autre que reniement de soi et l’assimilation totale à l’autre. D’où la nécessité impérieuse de décoloniser notre histoire en la maitrisant. C’est-à-dire en reconstituant par nous-même et pour nous nous-même le récit authentique de notre passé », dit-il.
Pour lui, en faisant le récit de notre passé, nous éclairons d’un jour nouveau nos valeurs de culture et de civilisation. Et nous mettons à l’honneur des hommes et des femmes qui ont marqué de manière significative le cheminement de notre peuple à travers les âges. « L’enjeux pour nous n’est pas d’entrer dans un repli identitaire ou une entreprise d’autoglorification. Il s’agit plutôt, en reconstituant le fil de notre histoire de restaurer dans notre conscience individuelle et collective l’héritage du passé et d’entretenir en chacun de nous, l’héritage du commun vouloir de vie commune qui fortifie notre nation », a-t-il dit, indiquant qu’avec ce nouvel outil pédagogique il faut revisiter le contenu de nos programmes scolaire et universitaire sur l’histoire du Sénégal.
Avec Les Échos