Opposants interpellés pour « offense au chef de l’Etat » : Mamadou Diop Decroix critique une loi dépassée et menace
L’ancien journaliste a écrit des articles dénonçant la mauvaise gestion, selon lui, du pétrole et du gaz au Sénégal, dont l’exploitation à grande échelle doit débuter en 2021-2022. Alors que l’activiste Guy Marius Sagna a été arrêté pour un communiqué de presse du mouvement France Dégage. C’en est trop pour le leader du Frn, Mamadou Diop Decroix
Député à l’Assemblée nationale et membre du Front Patriotique pour la République, Mamadou Diop Decroix estime que l’État du Sénégal doit désormais jouer carte sur table par rapport à la question du pétrole. Face au Grand Jury de ce dimanche, le leader politique martèle que le combat ne s’estompera pas tant que cette transparence souhaitée n’est pas de mise.
»Nous avions envisagé dans le cadre du Fpr de déposer une plainte à Paris. La balle est dans le camp de l’État. Ce sont des ressources nationales. Si les choses marchaient normalement, nous ne serions pas arrivés là. Il faut sortir de l’auberge. »
Seulement, Decroix avoue clairement que les méthodes empruntées par l’opposition sont loin d’être efficaces et qu’il urge désormais de changer de fusil d’épaule. » La question est de savoir comment faire pour que les Sénégalais viennent s’adjoindre à la lutte. Nous devons changer de stratégie. Ce que l’opposition doit faire c’est organiser le peuple. Il faut s’organiser par département. Il faut des coordinations départementales, communales, de quartier. Les Sénégalais sont indignés, révoltés, mais cela ne suffit pas. Et on veut surfer sur l’indignation des Sénégalais. Cela ne marchera pas… »
Interpellé sur les arrestations de Guy Marius Sagna et du journaliste Adama Gaye, Mamadou Diop Decroix s’étonnera sur le fait que des leaders d’opinion soient jetés en prison aussi facilement au Sénégal. » Envoyer quelqu’un en prison pour alerte au terrorisme, cela ne fait pas sérieux…. Moi j’ai fait 8 mois de prison en 1975 avec l’article 80. 44 ans après cet article est encore là. La question de fond c’est que nous avons un système qui, depuis 1960, refuse de bouger. On a l’habitude de dire » les hommes passent, les institutions demeurent ». C’est une mauvaise formulation. Au Sénégal, on doit dire : » Les hommes passent, le système reste. »
Transition toute trouvée pour parler du dialogue national. Decroix d’affirmer que les choses ont bien évolué et ont été pour beaucoup dans le réflexe de l’autorité à autoriser les manifestations de l’opposition. Seulement, avertit-il, » Si Macky continue (les arrestations tous azimuts), nous aussi on continue. S’il veut la confrontation, nous le retrouverons sur le terrain de la confrontation. Mais s’il veut toujours ce dialogue, nous sommes prêts pour ce dialogue. Ils ont intérêt à dialoguer. »
À ceux qui estiment que l’opposition (ou une partie d’elle) n’a pas eu raison de répondre à l’appel au dialogue lancé par le Président Macky Sall, Mamadou Diop Decroix demande de faire preuve d’une certaine cohérence et de ne pas oublier que l’opposition avait, elle-même, écrit pour rencontrer le Chef de l’État avant l’élection présidentielle dernière.
Par rapport à l’affaire des 94 milliards qui implique Mamadou Mamour Diallo (qui d’ailleurs, a été disculpé par la commission d’enquête parlementaire), l’invité du Grand Jury de la Rfm confie que tout a été manœuvré à souhait. » Cela ne fait pas sérieux ! », dira-t-il notamment…
Au Sénégal, l’Article 80 du code pénal sénégalais qui réprime les offenses faites aux institutions de l’Etat, est un véritable fourre-tout qualifié par beaucoup comme inapproprié à la démocratie.
À plusieurs reprises, des juristes ont invité les autorités étatiques à adapter cet avocat, l’article 80 aux réalités démocratiques à défaut d’être supprimé du code pénal.
Le même sentiment est partagé par certains membres du pouvoir en place. C’est le cas de Moustapha Diakhaté ancien président du Groupe parlementaire de la majorité Benno Bokk Yaakaar.
« l’article 80 du code pénal Sénégalais doit être revisité pour la simple raison que c’est un billet par rapport au processus démocratique. C’est un contexte de fourre-tout. Et de mon point de vue, le profil et le standard démocratiques du Sénégal ne doivent pas permettre des dispositions de ce genre, qui donne au procureur la possibilité d’arrêter des citoyens comme cela », avait-il lancé dans un passé récent .