[Tribune] Ndoumbélane en lambeaux : diagnostic d’une société en manque d’Ethique – Paradis noir
Dans son excellent et retentissant brûlot contre l’infraction nationalement organisée pour tricher au Bac, le Professeur Abdallah Cissé revenait sur ce qui gangrenait notre société avec précision. Son doigt accusateur est même révélateur de « notre vide éthique » qui caractérise notre mode de fonctionnement », d’un sénégalais présomptueux, arrogant, adepte de la violence, fier des exploits de ses ancêtres, de ses descendants et non de ses propres faits. »
En termes plus clairs, l’homme de Keur DIEUMB aurait glissé la dualité errance/médisance avec son lot de matérialisme dégradant et archaïsme débordant pour résumer nos sénégalaiseries. Une pirogue en eaux troubles qui va chavirer avant d’accoster aux larges des océans de la Vertu, de la Vérité et du Progrès. Parce que nous pensons toujours, debout comme assis, en termes » maraboutique et mystique » pour trouver une solution à toute préoccupation. Sans oublier l’accointance politique qui corrompt absolument tout et démolit les démunis qui se réveillent tôt, au moment où l’autre se réveille à midi et nie le culte du travail. En eux, tout s’hérite. Rien ne se mérite car ils ne forment l’élite oligarchique que par la légitimité politique ou biologique.
Tous les ingrédients sont disponibles pour cuisiner le plat du Mal. Basta le bien ou on risque de vous bastonner pour avoir prêché la bonne parole. C’est à dire penser et pratiquer le Bien. Faire de la vertu le véhicule de l’expression et de l’action.
Ndoumbélane (Sénégal) rime donc avec écrans de fumée ou chimères. Rodrigue et Chimène s’en donnent à cœur joie dans les rues publiques de façon immorale.
Farfelus et écervelés nous tympanisent à longueur de journée avec une chronique myopie morale et stérilité intellectuelle. Alors qu’on ne leur demande que d’allier beauté du journalisme et discours subversif et éducatif. On ne leur demande que de crier, à l’aide de leur micros, que l’homme est éthique et physique ; l’éthique est la forme interne et le physique la forme externe. Les conduites morales ne se raffinent qu’avec les bonnes paroles et les bonnes actions. Et elles ne se dépravent qu’avec les mauvaises paroles et actions.
Ndoumbélane est aussi la République où le mensonge devient Foi, Roi et Loi de la nature. Avec une dangerosité non calibrée et comme qui dirait, une paradoxale qualité appliquée à l’unanimité. Ce vice adopté par les adeptes des délices et malices assassine froidement la trinité (vertu, vérité et savoir) qui sert pourtant de boussole dans une période à l’atmosphère éthique orageuse.
Mais qui Ment donc?
Peut-être, ce faux dévot qui fornique avec les politiques sans scrupule et les personnes qui ne croient qu’en la sorcellerie ou la tricherie pour réussir. De même, la relation suspecte entre les marabouts et les politiques, au point de se laisser leurrés par les détenteurs ou les quêteurs du pouvoir temporel.
Ou encore le mari cocufié, botté en touche par Dame Justice car l’argent, loi et roi, sort des mains de l’impudique épouse. C’est le pays où la maman botte en touche, itou, les propos de l’aîné marginalisé et éhonté pour dérouler tapis rouge à la sœur qui sort chéquier et vêtit la fratrie. Même au prix des sports de lits qui sont devenus nids de fortune.
Au final, ici on achète tout jusqu’à la virginité même.
Oui, nous parlons de ce Sénégal d’une jeunesse alliant ivresses, paresse et caresses. Boites de nuit ne désemplissent au grand dam des temples de savoirs temporels et d’éruditions spirituelles. On troque même les savants et érudits éminents au profit de l’enfant de Médina et Rihanna. C’est la société qui confie le destin de ses « potaches » à des gens tout sauf éduqués. Au moment où ils envoient leurs rejetons dans les écoles et universités privées, ils nous privent d’une éducation de qualité et par ricochet installent en nous le culte de la médiocrité. Bonjour la fracture sociale.
Quand la Vertu n’est pas l’épine dorsale ou le centre névralgique de toutes nos actions et expressions, tout s’écroule et par ailleurs les chantres des chansons du diable écouleront leurs disques. Pour éviter de succomber, nous devons cultiver l’éthique du devoir et du savoir. Cette dualité éthique ne nous est pas inconnue, elle a toujours existé sous nos cieux. Elle est le médicament à tirer de la pharmacie du riche patrimoine culturel et cultuel du pays.
Sinon, nos descendances marcheront sur des braises. Elles seront le nid fertile des amétropies morales, de la stérilité spirituelle et du désert intellectuel de notre temps. Une société de bas faits, comme ce que nous avons là, risquera d’ignorer les B A BA du progrès, de la Justice et de la sécurité.
Notre ignorance de notre héritage honorable et l’imprégnation d’une modernité à laquelle nous ne nous sommes pas préparés engendrent la mise à l’écart de ces tabernacles du Savoir et templiers de la Sainteté. Car pourtant, le champion mondial de la religiosité Cheikh Ahmadou Bamba avec sa dualité Prière/Travail avec le mouridisme en bandoulière; Seydi ElHadji Malick Sy entre intellectualité et Poésie mohammadienne ; l’Archevêque Hyacinthe Thiandoum qui allia Discipline/Savoir ; Cheikh Anta Diop entre Génie et dignité africaine ; Cheikh Ibrahima Niasse entre Courage et ancrage à la Divinité… ont montré la voie du Salut terrestre comme céleste.
Le thiép est donc préparé, il faut le goûter avec délectation.
Par Usman Noreyni & Aliou Gabou Cisse (Paradis noir)