1ère rencontre du comité de pilotage du dialogue national: désaccord profond et confusion totale
Installé le 26 décembre dernier, le Comité de pilotage a tenu hier sa première réunion au Building administratif. Sur les 126 membres dudit Comité, 27 dont Bara Gaye et Doudou Wade ont été absents. La cérémonie d’ouverture, qui ne devait durer qu’une quinzaine de minutes, s’est tenue sur une heure presque, à cause d’une motion soulevée par l’opposition, informe le journal Les Échos
L’annonce du président Famara Sagna de la nécessité de trouver deux vice-présidents et deux secrétaires a déchainé les passions. C’est le coordonnateur du Front de résistance nationale qui a ouvert le bal, en fustigeant le fait que quarante (40) autres personnes soient ajoutées à la liste des membres du Comité, sans que l’opposition n’ait été prévenue.
S’ensuivirent d’autres complaintes, avant que Famara Sagna ne calme les ardeurs en endossant toute la responsabilité et en promettant de trouver des solutions à toutes les préoccupations.
Le Comité de pilotage a démarré officiellement ses activités hier, avec sa première réunion consacrée à la mise en place d’un calendrier de travail et à la constitution effective des commissions de travail dudit Comité. Avec 27 absents, Famara Ibrahima Sagna dit avoir atteint le quorum pour pouvoir délibérer. Après l’appel nominatif des membres du Comité de pilotage, Famara Ibrahima Sagna a sollicité l’avis de l’assistance sur le mode de scrutin par rapport aux postes de deux vice-présidents et deux secrétaires. Avant qu’il ne finisse de parler, Aida Mbodj, Mamadou Diop Decroix et Makhtar Sourang étaient déjà en concertation pour proposer une motion.
Makhtar Sourang : «nous venons de constater que 40 personnes ont été ajoutées à la liste sans aviser l’opposition»
C’est le coordonnateur du Front de résistance nationale qui va porter la voix de l’opposition en soulevant leur inquiétude par rapport à la décision unilatérale du chef de l’Etat d’ajouter 40 autres personnes sur la liste des membres dudit Comité, sans les avoir consulter. «Nous avons constaté que 40 autres personnes ont été rajoutées à la liste des membres. Jusqu’ici, tout a été fait par consensus sur tous les points. Nous n’avons aucun problème par rapport aux personnalités choisies, le problème, c’est la démarche, par rapport au reste», a fait savoir Makhtar Sourang.
Poursuivant, il demande à Famara Sagna des explications par rapport à la question financière du Dialogue national. «Des gens avancent des sommes astronomiques pour dire que le dialogue coûterait 10 millions par jour. Il faut éclairer la lanterne des Sénégalais pour qu’ils sachent que les gens qui sont là ne sont animés que par l’intérêt, le développement du Sénégal», indique M. Sourang.
Famara Sagna : «je ne suis pas quelqu’un à qui on dicte sa conduite»
Embouchant la même trompette, Oumar Sarr soulève de son côté l’ambiguïté d’une partie de l’avant-projet. Le président du Comité de pilotage du Dialogue national s’est voulu rassurant en invitant Sourang et Oumar Sarr à garder leur calme, avant d’essayer de fournir des explications. «Ne vous inquiétez pas. Ceci ce n’est qu’un avant-projet, nous aurons un débat démocratique. Tout ça peut être amendé, revu et corrigé. Pour ce qui est de la désignation des personnalités, je ne vois pas en quoi cela pourrait gêner. Mais si cela pose un problème, je me ferai volontiers votre interprète auprès du chef de l’Etat», rétorque Famara Ibrahima Sagna.
Sur la question des dépenses, Famara Ibrahima Sagna dit être surpris de tout ce qui a été dit à travers la presse. «J’ai lu énormément de choses sur la presse. Mamadou Lamine Diallo m’aurait même conseillé de ne pas prendre le poste alors que je ne l’ai pas vu depuis deux ans, peut-être que c’est par télépathie qu’il m’aurait donné le conseil», ironise le président Sagna, avant d’assurer qu’il n’est pas quelqu’un à qui on dicte une conduite, a fortiori Mamadou Lamine Diallo qui n’est que le fils d’un ami. «J’ai dit au Président que je vais travailler bénévolement, je ne veux ni de salaire, ni indemnité. Depuis qu’on m’a nommé, je n’ai pas reçu un kopeck comme budget, mieux, j’ai proposé au Président de faire des économies. C’est la raison pour laquelle nous sommes dans cette salle. On m’avait proposé de louer des hôtels pour les commissions, mais j’ai orienté le Président vers la salle de ce Building. Nous allons travailler gratuitement donc», s’explique Famara Sagna, qui renseigne que le Président a, sur sa demande, mis à la disposition des commissions du Comité près de huit (8) salles de conférence pour les huit (8) commissions. Selon M. Sagna, le budget du Comité de pilotage n’a pas été mis en place. «Ceux qui disent que le dialogue coûte 10 millions par jour, je ne sais pas d’où viennent ces millions et qui les reçoit ; en tout cas, ce n’est pas nous», dit-il.
A peine le président Famara Ibrahima Sagna a fini de clarifier la situation financière du Comité de pilotage du Dialogue national que Mamadou Diop Decroix revient à la charge par rapport au rajout sur la liste des membres du Comité. «La question a été abordée, ajouter près de 50% du nombre des membres sans avoir avisé l’opposition est gauche. Nous tenons par ailleurs à nous concerter sur la question avant de donner notre avis», suggère le leader de And-Jëf. Comme réponse, le président Sagna affirme que ces questions devraient être discutées à huis clos.
Cheikh Tidiane Gadio : «adoptons la parité. Il y a quatre grands groupes, on peut choisir dans chaque groupe un responsable»
Cheikh Tidiane Gadio a lui décidé d’axer son intervention sur le mode de scrutin pour élire les deux vice-présidents et les deux secrétaires. «Je propose la parité, parce qu’il est inconcevable d’envisager un vote ici dans le Sénégal actuel, sans prendre en charge ce point. Et puisque le Comité est composé de quatre grands groupes dont la majorité, l’opposition, les non alignés et la société civile, il serait peut-être adéquat de choisir un ou une responsable dans chaque groupe», déclare l’ancien ministre des Affaires étrangères.
A peine a-t-il fini que Déthié Faye prend son contrepied en proposant la même formule que lors de la mise en place de la commission cellulaire qui a permis à ce jour de mener un travail sans difficulté. «Nous ne nous connaissons pas suffisamment pour pouvoir proposer des noms sans pour autant nous concerter. Nous pensons que les vice-présidents et les secrétaires devraient être choisis sur la base d’un consensus», précise le coordonnateur du camp des non alignés.
Abdoulaye Makhtar Diop : «Les contraintes de temps ne doivent pas nous amener à parasiter ce travail que nous devons faire en toute sérénité, en toute lucidité et dans le respect des uns et des autres»
Abdoulaye Makhtar a aussi marqué son désaccord avec la proposition de Gadio. «Je pense qu’il faut que nous prenions le temps d’une concertation pour avoir à vos côtés des personnalités autour desquelles l’ensemble des membres se sont accordés. Il y va de la crédibilité de tout ce que nous allons faire. Il faut lever toutes les suspicions. Les contraintes de temps ne doivent pas nous amener à parasiter ce travail que nous devons faire en toute sérénité, en toute lucidité et dans le respect des uns et des autres», indique le Grand Serigne de Dakar. «Aujourd’hui, dans le secteur de l’enseignement, de la santé, des remous sont annoncés, il faut que nous ayons des représentants dans ce segment au cœur du système», soutient le député.
Ibrahima Diagne Grand Serigne de Dakar : «je suis gêné d’entendre les gens décliner leur camp politique, le camp qui importe actuellement, c’est le Sénégal»
Présent en tant que chef coutumier, Ibrahima Diagne, l’un des deux Grand Serigne de Dakar, invite les uns et les autres à se calmer et privilégier l’intérêt du Sénégal. «Nous ne sommes pas encore dans le fond des débats. Acceptons de nous entendre sur le principe, mettons en place le bureau avant de discuter sur les conditionnalités posées par certains», soutient Ibrahima Diagne. Faisant allusion au camp de l’opposition, il enchaine : «je demande à nos amis de quitter leur chambre politique ; aujourd’hui, nous sommes sur l’intérêt national. Je suis très gêné d’entendre les gens décliner leur camp politique, le camp qui importe actuellement, c’est le Sénégal», affirme M. Diagne. Avant que Aida Mbodji ne lui rétorque que ce sont ces positions auxquelles il s’attaque qui ont permis à chacun d’être à cette réunion. Il a fallu plusieurs minutes au président de séance pour calmer les esprits.
Benoit Sambou : «laissons le président Famara Sagna faire son discours, on a largement le temps de nous accrocher dans la presse après»
Les membres du Comité appartenant à la mouvance présidentielle n’ont pas apprécié l’attitude des opposants. Pour eux, rien ne devrait venir entacher les travaux du Comité, surtout si cela n’a pour but que de chambouler la séance. Pour Benoit Sambou, chaque chose en son temps, et à l’heure actuelle, il n’y a de place que pour le discours du président Famara Ibrahima Sagna.
«Si l’objectif, c’est de pouvoir s’exprimer devant la presse, nous avons largement le temps de le faire à notre sortie. Je demande solennellement aux camarades de laisser le président lire son discours de bienvenue. On a largement le temps de nous accrocher après dans la presse», le représentant du pool majorité au dialogue politique dixit.
Seydou Diouf s’est inscrit dans la même logique que Benoit Sambou en suggérant que l’on mette en place d’abord un règlement intérieur qui leur permettrait d’avancer sans polémique.