Sénégal

Professeur Hady Ba, Philophose : « la société sénégalaise est anti-intellectuelle »

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Professeur Hady Ba

Même s’il est d’avis que la recherche doit s’intéresser aux enjeux du futur, le Professeur de philosophie, Hady Bâ, estime aussi que les universitaires ont le droit de travailler sur des choses qui ne servent apparemment à rien aux yeux du public. S’exprimant lors d’une rencontre entre le Saes et le Sudes, à l’Ucad, il a déploré l’état de la société sénégalaise, peu portée, selon lui, sur la célébration de l’esprit.

Professeur de philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, Hady Bâ regrette de constater que «la société sénégalaise est anti-intellectuelle». En témoignent, a-t-il rappelé, les fatwas et attaques acerbes dirigées contre le Professeur Oumar Sankharé (1950-2015), auteur du livre «Le Coran et la culture grecque», qui avait mené une réflexion sur l’islam, comme le lui permettent les libertés académiques. Alors que rien dans ses réflexions n’était constitutif d’atteinte à la foi musulmane…

Au sujet des libertés académiques, Pr Bâ estime que les missions de maitrise complète des connaissances, de leur transmission et de création du savoir étant dévolues aux universitaires, ces derniers méritent une protection. A son avis, «si on n’assure pas la liberté et la protection aux chercheurs, la société sera conformiste alors qu’on a besoin de savants un peu fous ayant un confort dans l’anticonformisme pour élargir le savoir».

Invité à se prononcer sur les ressources de l’enseignement supérieur, l’universitaire n’apprécie pas que les financements de la recherche soient de plus en plus orientés vers des thèmes dits «rentables». Avec la loi cadre de 2015 sur les universités publiques censées ouvrir ces institutions au monde socio-économique, «les universitaires sont minoritaires dans les conseils d’administration où se prennent certaines décisions et cela influe grandement sur les orientations de la recherche», a fait remarquer l’enseignant. Et de révéler que sur 20 membres des conseils d’administration des universités, il n’y a que 8 universitaires.

«L’aspect financier est mis en avant dans les décisions des conseils d’administration alors que le chercheur a le droit de travailler sur des choses qui ne servent apparemment à rien», a analysé le philosophe.

Il cite, entre autres, «l’exemple du coronavirus qui, avant l’épidémie, n’intéressait que quelques chercheurs sans moyens dans un petit laboratoire et qui, aujourd’hui, s’est retrouvé au-devant de la scène». Pour lui, l’objectif de l’enseignement supérieur est de former des gens qui savent réfléchir sur les enjeux du futur et cela peut s’effectuer sur des choses qui, de prime abord, semblent insignifiantes aux yeux du public. A côté, propose-t-il, c’est à l’Etat de créer des écoles professionnelles pour former les étudiants en fonction des besoins du marché.

Oumar KANDE – Le Soleil

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