Dialogue politique: l’opposition décrit le cumul «PR – chef de parti», la majorité bloque les débats
La Commission du dialogue politique s’est réunie hier autour de plusieurs points. Encore une fois, les parties ont buté sur la question du cumul de fonctions du chef de l’Etat qui, pour l’opposition, les non-alignés et la société civile, ne devrait plus être chef de parti. Une proposition que refuse totalement d’entendre le pôle du pouvoir. Qui est également toujours contre la suppression de l’article 80.
Les cas Karim Wade et Khalifa Sall ainsi que l’arrêté Ousmane Ngom n’ont pu être discutés hier. Par contre, la question des perdiems a été de nouveau évoquée par des participants, qui ont profité des informations selon lesquelles des membres du Comité national auraient reçu de l’argent.
Famara Ibrahima Sagna aura beau dire qu’il n’a besoin de rien de l’Etat pour sa mission à la tête du Dialogue national, sa posture n’est pas celle de la grande majorité. Et pour cause, la question des perdiems s’est de nouveau invitée hier à la Commission du dialogue politique. «Les gens ont évoqué le problèmes des perdiems. On n’a rien donné depuis le 31 décembre», assure une source. Qui note que selon certaines indiscrétions, «au niveau du Comité du dialogue national, des membres, parmi ceux nommés par décret, auraient reçu de l’argent». Et d’ajouter : «On cache des choses».
La mouvance freine des 4 fers sur le cumul de fonctions du chef de l’Etat et l’article 80
Pour le statut du chef de l’Etat, l’opposition, le pôle des non-alignés et la société civile proposent que le président élu ne soit plus chef de parti. Ils ajoutent que cela ne serait pas appliqué au président actuel, mais à celui qui sera élu en 2024. Mais, à en croire nos sources, le pôle du pouvoir ne veut pas entendre parler de cette réforme. «Le pôle de la mouvance présidentielle, notamment les responsables de l’Apr, refuse toujours», informe notre interlocuteur. Une autre source de confirmer : «on a parlé du cumul du statut du chef de l’Etat et chef de parti. Tout le monde était d’accord (pour que le président ne soit plus chef de parti) sauf la majorité. On n’a pas trouvé de consensus», avoue-t-elle. Tout de même, elle précise que la rupture sur ce point n’est pas encore définitive : «on a demandé de ne pas acter le désaccord et de le mettre dans le panier des points à rediscuter… On va en rediscuter, on ne sait pas si on va trouver un consensus ou pas». Toutes nos autres sources ont confirmé cette version des discussions sur ce point.
A défaut de supprimer l’article 80, reformuler l’alinéa 1
De la même manière, les représentants du pouvoir sont opposés à la suppression de l’article 80, comme le propose l’opposition, même s’ils reconnaissent que tout n’est pas parfait dans cette disposition. «On a discuté et tout le monde était d’accord que c’est un article qui pose problème. C’est un article fourre-tout, qui permet au pouvoir d’arrêter n’importe quel responsable politique s’il le veut», commente une source qui a pris part à la rencontre. Elle note que dans le but de trouver un consensus, l’opposition pense «qu’à défaut de supprimer l’article, on le reformule, surtout au niveau de l’alinéa un, là où on cite les différents délits». Ainsi, il a été demandé à chaque pôle de faire «des propositions, aussi bien pour la suppression que pour la reformulation» ; des propositions qui seront présentées er rediscutées jeudi prochain.
Améliorer l’article 139 qui donne trop pouvoir au procureur de la République par rapport au juge d’instruction
En liaison avec cette question, la question de l’article 139 a été posée. Les pôles, sauf le pouvoir, considèrent que cet article, dans ses dispositions liées à l’article 80, «donne trop de pouvoir au procureur de la République par rapport au juge d’instruction». En effet, si par exemple on amène quelqu’un chez le juge d’instruction sur la base de l’article 80, même si juge d’instruction veut lui donner une liberté provisoire, et que le procureur s’y oppose, le juge d’instruction est tenu de suivre le procureur, alors que ce n’est pas lui qui instruit. Les détracteurs de cet article pensent «qu’à défaut de sa suppression, qu’il soit amélioré».
Des prémices d’une volonté de la majorité de faire des concessions sur certains points
Même si c’est loin d‘être évident, nos sources ne désespèrent pas de voir le pôle du pouvoir revenir à de meilleurs sentiments sur ces questions des articles 80 et 139. «Sur le cumul des fonctions (président et chef de parti), pour le moment, ils sont contre ; mais ils sont disposés à continuer à en discuter. Sur les autres points, article 80 et autres, on sent que les lignes ont bougé», note une source.
L’arrêté Ousmane Ngom et les cas Karim et Khalifa discutés jeudi
Même si elle était inscrite à l’ordre du jour, la question de la suppression de l’arrêté Ousmane Ngom n’a pas été finalement traitée. «On n’a pas pu en discuter. Mais pour anticiper, on a demandé que les gens fassent des propositions à envoyer (au niveau des pôles) demain (aujourd’hui) pour permettre d’aller vite jeudi (demain), sur ces questions-là», affirme la source. Il en est de même de la question brûlante de Karim Wade et Khalifa Sall. Sur ces deux cas, les parties prenantes, notamment l’opposition et les non-alignés, sont en train de voir comment enrober la question pour mieux faire avaler la pilule au pouvoir qui s’est braqué pour le moment.
Nouvel angle d’attaque pour faire passer les cas Karim et Khalifa qui seront discutés prochainement
A en croire nos sources, on ne parle plus d’amnistie, mais de «restitution des droits politiques et civiles» à Wade fils et au patron de Taxawu Dakar. Une demande qui, sous couvert de la nécessité de «décrispation de l’espace politique», en dehors des cas Karim et Khalifa, englobe «la libération de Guy Marius Sagna, la fin des poursuites contre Babacar Diop…» Pour expliquer cette stratégie, une source déclare : «quand la question était posée sous forme personnelle (Khalifa, Karim), la majorité avait dit qu’elle respecte le principe de la chose jugée et ne pouvait pas engager un débat sur l’amnistie. Après, on a échangé et on a convenu de parler de décrispation politique. Comme on n’amnistie pas des personnes, mais des faits, cela évitera le débat sur des personnes. En abordant le débat sous cet angle, il sera possible de trouver des solutions à toutes ces questions, avec l’implication de tous les acteurs : le Président, l’Assemblée, les acteurs politiques».
Mbaye THIANDOUM