Histoire

Souvenirs : le 27 avril 2010, le Senegal devenait le 1er pays africain à voter une loi qualifiant la traite des noirs et l’ésclavage de crimes contre l’humanité

L'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, une peinture de François-Auguste Biard. © CC/wikipédia
L'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, une peinture de François-Auguste Biard. © CC/wikipédia

À l’occasion de la Journée commémorative du souvenir de l’esclavage et de son abolition, fixée par la France le 10 mai, Jeune Afrique revient sur les principaux événements qui ont rythmé quatre siècles d’un système aussi barbare qu’organisé.

12 à 18 millions. C’est le nombre estimé d’Africains déportés depuis l’Afrique Subsaharienne vers les Amériques, entre le milieu du 17ème siècle et les années 1850. Si la pratique de l’esclavage n’est pas apparue avec les Européens, ce sont bien eux qui ont initié et organisé la traite transatlantique jusqu’à étendre le commerce des humains à des régions d’Afrique dont il était absent.

Basé sur une idéologie éminemment raciste, le système esclavagiste est avant tout un commerce extrêmement lucratif, tant pour les négriers que pour l’État. Entre révoltes et répressions, avancées et retours en arrière, nous vous proposons une chronologie (non exhaustive) de l’histoire de l’esclavage et de son abolition en France.

• 17e siècle : l’État encadre la traite négrière

1642 : Louis XIII autorise la traite des Noirs.

1672 : Une ordonnance royale encourage la traite privée en accordant aux négriers une prime de treize livres par « tête de nègre » importé des colonies.

Mars 1685 : Louis XIV édicte le Code noir, qui réglemente la vie des esclaves dans les colonies françaises. L’Article 44, notamment, dénie tout droit juridique et officialise le statut des esclaves comme des « biens meubles », que l’on peut posséder, vendre ou échanger. D’autres articles légitiment le châtiment corporel et la peine de mort.

18e siècle : entre développement continu et éveil des consciences

1766 : Dans un article intitulé « Traite des nègres » paru dans « l’Encyclopédie, dictionnaire raisonné des arts des sciences et des métiers », Louis Jaucourt écrit : « Cet achat de nègre pour les réduire en esclavage est un négoce qui viole la morale la religion, les lois naturelles, et tous les droits de la nature humaine. »

1780 : Des organisations antiesclavagistes voient le jour, avec pour but de propager leurs idées humanistes.

26 août 1789 : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le cas des colonies n’étant pas mentionné, elle ne s’y applique pas.

1791 : Des révoltes éclatent à Saint-Domingue, colonie française des Antilles. Composé à 90% d’esclaves, ce territoire est surnommé le « moulin à broyer les nègres ». Esclaves noirs et affranchis dont la vie est régie par le Code Noir revendiquent la liberté et l’égalité des droits avec les citoyens blancs.

28 septembre 1792 : La Constituante abolit l’esclavage en France (mais toujours pas dans les colonies).

4 février 1794 : Le décret d’émancipation et d’abolition de l’esclavage adopté par Robespierre et les membres de la Convention est enfin étendu aux colonies françaises.

• 19e siècle : après le vent, souffle la tempête

20 mai 1802 : Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage par décret. Dans le même temps, il mène une répression intense dans les colonies françaises, notamment en Guadeloupe et en Guyane. Toussaint Louverture, figure de la révolution des esclaves à Haïti, est arrêté.

1er janvier 1804 : Haïti devient la première République noire du monde. L’indépendance est proclamée sous la direction de Jean-Jacques Dessalines. Les anciens esclaves ont vaincu l’armée napoléonienne.

1807 : La suppression de la traite négrière est votée en Angleterre.

1814 : La France s’engage, par le Traité de Paris, à unir ses efforts à ceux de la Grande-Bretagne pour abolir la traite. En théorie seulement, car des navires négriers continuent d’affluer jusqu’en 1830.

1832 : la France accorde aux mulâtres et Noirs libres l’égalité civile et politique.

1834 : Création de la « Société française pour l’abolition de l’esclavage » à Paris.

27 avril 1848 : Promulgation du décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies et possessions françaises sous l’impulsion de Victor Schoelcher, sous-secrétaire d’État aux colonies

22 mai 1848 : Proclamation du décret d’émancipation en Martinique (74 000 esclaves émancipés).

27 mai 1848 : Proclamation du décret en Guadeloupe (87 000 esclaves émancipés).

10 août 1848 : Proclamation du décret en Guyane (environ 13 000 esclaves émancipés).

20 décembre 1848 : Proclamation du décret à la Réunion (62 000 esclaves émancipés).

30 avril 1849 : Vote de la loi qui fixe le montant des indemnisations aux colons. On verse aux anciens propriétaires d’esclaves par l’État français plus de 126 millions de francs, soit l’équivalent de 4 milliards d’euros aujourd’hui.

• 20e siècle : à défaut de réparations, un devoir de mémoire

23 mai 1998 : Commémoration pour les 150 ans de l’abolition. Une marche silencieuse réunit 40 000 personnes dans les rues de Paris réclamant la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité.

10 mai 2001 : La loi n°2001-434 du Parlement français, dite loi Taubira « tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité » est votée par le Parlement, avant d’être promulguée le 21 mai suivant. En 2006, Jacques Chirac fera du 10 mai la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions.

15 mai 2013 : Une redéfinition de l’esclavage est inscrite dans le code du travail : « Le fait d’exercer sur une personne les attributs du droit de propriété ou de la maintenir dans un état de sujétion continuelle en la contraignant à une prestation de travail, ou sexuelle, ou la mendicité, ou toute prestation non rémunérée ».

Et de nos jours ?

Si elle a tardé notamment dans deux pays, l’Arabie Saoudite (1962) et la Mauritanie (1980), l’abolition de l’esclavage a été actée dans tous les pays du monde. Pour autant, dans les faits, ce que l’on appelle « l’esclavage moderne » continue de sévir, et ce au sein même de nos sociétés démocratiques. Se basant sur l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme – « Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L’esclavage et la traite des esclaves sont interdites sous toutes leurs formes » -, l‘organisme esclavagemoderne.org recense nombre d’exemples qui en témoignent, de l’exploitation des travailleurs pauvres à la prostitution forcée en passant par le trafic d’enfants. Moins visible, moins formel, mais pas plus acceptable, on estime à 45 millions le nombre de ces victimes chaque jour à travers le monde.

Avec Jeuneafrique

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