Épidémie de Coronavirus

Le Pr Seydi parle : « Il n’y a pas de baisse du nombre de guéris… Il est difficile de créer un vaccin… Ce que cette épidémie nous enseigne »

Pr-Moussa-Seydi-devant-lHôpital-de-Fann-.jpg
Le Pr Seydi devant l'hôpital Fann

Chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Fann, le professeur Moussa Seydi a été désigné responsable de la prise en charge médicale des malades COVID-19 au Sénégal. Une responsabilité qui le place en première ligne de la guerre que notre pays mène contre cette épidémie depuis le 02 mars, date de l’apparition du premier cas. Fort de cette casquette, il a accordé un entretien à la RTS 1 pour revenir sur les deux mois de lutte et a livré ses convictions sur bien des sujets qui ont été soulevés par rapport à la pandémie. Des leçons à tirer de la maladie, à la gestion, en passant par la baisse supposée du nombre de guéris, le techniciens n’a éludé aucune question. Le professeur Seydi a aussi dit ce qu’il pense de la polémique autour de la recherche d’un traitement et d’un vaccin. Le covid-organics du nom du « remède » proposé par Madagascar, s’est également invité à l’entrevue qui aura vu le Pr Seydi évoquer les travaux du nouveau centre des maladies infectieuses. Pour ses lecteurs, Dakaractu a retranscrit la vidéo.

« Leçon à tirer de la pandémie »

« Il faut que l’épidémie nous apprenne qu’on ne doit pas attendre qu’elle vienne pour nous préparer. Nous devons être prêts avant qu’elle ne vienne. Cela a été pris en considération. Je pense que dans les mois et années à venir, chaque région pourrait se doter d’un centre de traitement des épidémies. Il faut penser à relever le plateau technique. Cette épidémie nous l’enseigne parce qu’aujourd’hui, quelqu’unqui a beaucoup de moyens ne peut pas aller se faire soigner à l’étranger parce que les frontières sont fermées d’où la nécessité de relever le plateau technique des hôpitaux pour que les gens puissent se faire traiter sur place. Les leçons sont nombreuses mais j’aimerais juste terminer sur un fait : que les épidémies évoluent d’une manière identique sur certains aspects, d’une manière différente concernant d’autres aspects ; mais dans des contextes sociaux, culturels et socio-économique différents. C’est pourquoi l’avisdu technicien que nous sommes ne sera pris en considération qu’en tenant compte des autres avis, c’est-à-dire des sociologues, des anthropologues, des techniciens évoluant dans d’autres secteurs, comme les économistes. Il y a beaucoup de leçons à tirer, mais le maximum a été fait ou en train d’être fait même s’il y a encore des choses à améliorer…»

« La fiabiltié des chiffres sur le nombre de cas »

« Oui, les chiffres sont fiables si on considère que les définitions des cas sont bonnes et que tous ceux qui devaient être prélevés ont été prélevés pour faire un dépistage. Mais si par fiable, on veut dire que tous les patients, tous les malades, tous les porteurs de virus sont dépistés, il n’y a pas de chiffres fiables dans le monde entier parce qu’on peut porter le virus sans avoir de signes cliniques et guérir sans même le savoir. Cela existe dans beaucoup de pathologies infectieuses. Au Sénégal, les chiffres sont fiables parce que la définition des cas est claire et les patients sont prélevés quand ils doivent être prélevés et nous avons un laboratoire de renommée mondiale, l’Institut Pasteur de Dakar, dirigé par le Dr Amadou Alpha Sall qui n’a plus à démontrer quoi que ce soit du point de vue de ses compétences. De plus, nous avons d’autres laboratoires au Sénégal qui sont capables aussi de faire le dépistage, je peux donner l’exemple de l’Iressef. »

« Niveau d’implication de votre service dans la prise en charge des malades dans les régions »

« Le Service des maladies infectieuses et tropicales est le service de référence nationale dans la prise en charge des maladies infectieuses. Je suis le chef de ce service, en plus je suis le titulaire de la chaire d’infectiologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il est donc évident que notre responsabilité est nationale. C’est garant de cette responsabilité que nous avons même proposé un protocole de traitement dès le début en nous basant sur les résultats préliminaires du Pr Didier Raoult. C’est garant aussi de cette légitimité que nous faisons le tour du Sénégal pour nous enquérir des conditions de prise en charge, donner des conseils, voir qu’est-ce qu’il faut faire pour améliorer la prise en charge sur place. Donc, le rôle du Service des maladies infectieuses est un rôle à l’échelle nationale dans la prise en charge, mais aussi dans la formation. Ceux qui prennent en charge le traitement des patients dans les différents sites ont été formés par mon équipe. Donc, notre rôle ne saurait souffrir d’aucune équivoque. Il faut aussi noter qu’en matière de recherche, nous sommes des enseignants chercheurs, personne n’est mieux placé que nous pour faire de la recherche en matière de recherches cliniques sur les maladies infectieuses ; les malades étant d’abord sous notre responsabilité, mais aussi du fait des compétences que nous avons. Je veux juste dire par là que le service des maladies infectieuses est incontournable dans la prise en charge médicale des cas au niveau du Sénégal »

« Cartographie des cas et signification de la gestion de la pandémie par un comité national »

« Concernant la cartographie des cas, c’est essentiel que les gens sachent si dans leurs villes, même dans leurs quartiers, il y a des cas. Bien sûr, il faut tout faire pour que l’identité des patients soit respectée et que même le logement ne puisse pas être identifié. Quant à la cartographie hospitalière des cas guéris, je n’en vois pas pour l’instant l’utilité. Ça pourrait même avoir un impact négatif. S’il y a beaucoup de cas déclarés guéris dans un hôpital, les patients peuvent penser que c’est dans cet hôpital qu’on prend mieux les cas. Ce qui n’est pas exact parce que tous les cas ne sont pas dans la même situation. Par exemple à Fann, on reçoit tous les cas graves des autres sites. Il y a des gens qui s’imaginent que le Service des maladies infectieuses s’occupe des patients de l’hôpital Fann. Il n’en est rien. C’est mon équipe qui dirige le centre de traitement à Fann, de l’Ordre de Malte, le centre de traitement de l’hôpital de Diamniadio, le centre de traitement des épidémies de l’hôpital Dalal Diamm et en dehors de Dakar, le centre de traitement des épidémies de Toscana et de Darou Marnane. Globalement, nous avons plus de 60% des patients de tout le Sénégal sous notre responsabilité directe. Et jusqu’à hier (samedi 02 mai) quand on faisait les évaluations, nous avions noté que 96% des patients guéris sont sortis de ces centres que nous dirigeons. Tout ça, pour vous dire que la responsabilité du service des maladies infectieuses et ma responsabilité se comprennent au niveau national. »

« Aménager de grands centres au lieu des structures hospitalières pour accueillir des malades du COVID-19 »

« L’idéal, c’est d’avoir un très grand centre ici à Fann. Ce qui fait que si l’épidémie n’atteint pas certaines proportions, qu’on puisse les suivre ici. Mais la vérité est que tout dépend du nombre de cas. On n’a pas de places pour accueillir 10 000 patients ici. Il n’y a rien de formel ni de catégorique. Il faut un centre de référence avec un très grand centre de traitement ; mais il faut qu’il y ait aussi des centres de traitement dans deux ou trois autres hôpitaux au cas où le centre de référence serait débordé. »

« A quoi doit-on s’attendre avec la recrudescence des cas communautaires »

Quand on parle de signification des mots, de lexique, de nosologie, je peux comprendre certaines discussions. Parce que dans le langage international, on se focalise sur deux notions : cas importé et cas issu de la transmission locale. Dans les cas issus de la transmission locale ici au Sénégal, il a été conclu de faire la différence entre les cas contacts issu d’une contamination par un patient identifié et les cas communautaires dont on ne connait pas la source de l’infection. C’est tout simplement comme cela qu’il faut le comprendre. Ces deux types de cas ne peuvent pas être pareils. Dans un cas communautaire, vous ne connaissez pas le patient-source et vous n’avez aucune idée du nombre de personnes contaminées depuis qu’il a été infecté. Vous êtes dans l’inconnu total alors que pour le cas contact, vous connaissez la source et le contact lui-même, vous le prenez en charge et vous pouvez retracer, s’il développe la maladie, tous les autres contacts. Vous avez une meilleure visibilité dans votre prise en charge. Ce n’est pas du tout pareil.

La gestion de plusieurs cas communautaires pose plus problèmes que la gestion de ce même nombre de cas multiplié par dix s’il s’agit de cas contact. Un cas est un cas, mais ces deux cas n’impliquent pas les mêmes méthodes d’approche parce qu’on n’a pas les mêmes données. »

« Conséquence du coup de gueule à Ziguinchor »

« Je suis de nature optimiste. Je ne sais pas si je dois dire rassuré ou pas mais je suis serein quant à la capacité du Sénégal à prendre en charge correctement les cas jusqu’à cet instant où je parle. Maintenant, quand on aura 10 000 cas, 1000 personnes dans une situation grave, là ce sera autre chose. Ce que je dis n’est valable qu’à l’instant même où je vous parle. Je n’ai pas d’inquiétude particulière par rapport à la prise en charge des malades ici à Dakar. L’inquiétude s’est située surtout au niveau des régions, mais d’après les informations fournies par le ministre de la Santé ainsi que par le Pr Bèye, Ziguinchor a reçu ses respirateurs et de ce fait, peut polariser toute cette zone. Je me souviens quand j’étais à Tamba, j’avais moi-même envoyé un message au ministre de la Santé pour lui dire que ce serait bien qu’on envoie deux respirateurs à Tamba. Il avait immédiatement répondu en me disant que ce serait fait. Tamba peut aussi polariser les sites proches. Il faut être réaliste et cohérent. On ne peut pas tout avoir en même temps, mais quand on choisit des zones géographiques précises, on peut polariser tout l’environnement au niveau de ces zones pour la prise en charge des cas graves. J’en profite pour donner l’exemple de ce site. Nous avons à CUEMO, ici à Fann au moins dix lits de réanimation et nous n’avons que deux seuls malades graves là-bas, donc huit lits libres. Depuis le début de l’épidémie, nous n’avons jamais été confrontés à un problème de places. C’est pour cela que j’ai toujours soutenu et je soutiens encore qu’à l’hôpital Fann, je suis dans de très bonnes conditions pour travailler pour que la prise en charge des malades graves ou non graves se fasse correctement. De mon point de vue, à l’heure où je parle, il n’y a pas d’inquiétudes à se faire parce que des stratégies nouvelles ont été trouvées, suivre certains patients en dehors des hôpitaux, cela va désengorger les hôpitaux et permettra de se focaliser sur les cas sévères, les cas graves et les cas à risque de complications tels que les patients qui ont des comorbidités (diabète, hypertension, hypothyroïdie etc). Cette stratégie est rassurante.

La deuxième chose, c’est que le ministère de la Santé et de l’Action sociale essaie à chaque fois d’anticiper par la création de nouveaux sites et de nouveaux centres de traitement. Donc, vu la manière dont les choses évoluent, nous ne sommes pas inquiets du tout. Mais évidemment, si les choses se mettaient brusquement à s’accélérer de manière incontrôlée, la situation pourrait être difficile. »

« Baisse des malades guéris. Comment évolue le traitement des malades »

« Baisse du nombre de malades guéris ? Non, je ne pense pas. Il y a une variation qui est naturelle parce que tous les malades hospitalisés le même jour ne guérissent pas en même temps. Hier (vendredi 1er mai), on avait 22 patients guéris. Avant-hier (jeudi 30 avril), 19 patients guéris, aujourd’hui, nous sommes à 12…c’est variable. Ce chiffre dépend de beaucoup de facteurs. Je peux donner l’exemple des types de malades. Si vous avez des malades âgés, le temps de guérison est plus long. Dans ma communication au ministère, j’ai dit que la durée médiane d’hospitalisation des sujets de plus de 80 ans, était de 19 jours. Ca dépend aussi de la précocité du traitement. Les patients qui ont été vus précocement et traités précocement ont une durée médiane de séjour de 08 jours. Et parmi ces patients, aucun n’a fait une complication. Tout dépend aussi de la prise en charge en tant que telle. Au tout début, on avait trois groupes de patients : les patients qui n’étaient pas sous traitement du fait qu’il y avait des contre-indications, du fait que les médicaments n’étaient pas encore disponibles, et surtout parce qu’on n’avait pas d’arguments pour démarrer le traitement ; des patients qui étaient sous hydroxychloroquine et ensuite les patients sous hydroxychloroquine et azithromycine. Nous avons commencé l’hydroxychloroquine le 19 mars et l’association le 30 mars. Donc, tous ces patients n’ont pas évolué de la même manière.

Pour en venir au traitement strictement dit, avec l’Institut Pasteur nous avons fait une analyse préliminaire rétrospective de nos données et nous allons démarrer un projet de recherche.
Nous avons constaté que la durée médiane d’hospitalisation des patients qui n’avaient pas pris de médicaments était de 13 jours. Cette durée médiane était de 11 jours quand les patients avaient pris de l’hydroxychloroquine. La durée médiane était de 09 jours quand les patients avaient pris l’association hydroxychloroquine+azithromycine. Nous avons noté d’autres résultats intéressants. La précocité du traitement permettait d’avoir une durée médiane d’hospitalisation juste de 08 jours. C’est pour dire que les résultats que nous avons sont encourageants sur le plan efficacité mais mieux encore. La priorité étant de ne pas nuire ; sur une analyse qui a concerné 362 patients il n’y avait que 12 qui avaient des effets secondaires. Parmi ces 12, 04 ont pu continuer le traitement tandis que les autres ont arrêté. Et à l’arrêt du traitement, les signes ont disparu, on n’a pas eu besoin de donner un autre traitement. Il y a quelques patients qui n’étaient pas liés au traitement mais puisque ces signes ont apparu au moment où on a démarré le traitement, on a considéré que c’était lié au traitement. Ça veut dire que ce traitement est bien toléré jusqu’au moment où je vous parle. Mais ce sont des résultats préliminaires. On verra avec l’analyse finale si les résultats vont être confirmés ou pas. Mais ce qu’on a constaté nous pousse à continuer le traitement que nous avons déjà proposé.

« La nature des effets secondaires notés avec le traitement »

« En fait, les effets secondaires sont classés. On parle d’effets secondaires graves, sévères et modérés. Sévère, c’est-à-dire c’est un effet secondaire qui a nécessité un traitement après ou en plus du traitement qui est déjà donné. Un effet secondaire grave menace la vie du patient. C’est pour dire que la classification est bien connue. Parmi les effets secondaires de manière précise, nous avons eu des patients qui avaient des nausées, une petite diarrhée, mais surtout chez les patients qui avaient pris l’azithromycine et l’hydroxychloroquine. Nous avons eu des cas de brûlures généralisées chez des patients qui avaient pris l’hydroxychloroquine parce qu’il y a des gens qui sont allergiques à l’hydroxychloroquine mais qui ne le savent pas. Nous avons eu un patient qui a eu des palpitations. Nous avons eu un autre patient qui a eu quelques troubles du rythme cardiaque mineurs qui ne menaçaient pas sa vie. Et pour ces troubles du rythme, nous avons parlé aux cardiologues et d’après eux, ce n’est pas dû au médicament. Si c’était dû au médicament, ce serait accompagné de ce qu’on appelle un allongement de l’espace QT. Mais malgré qu’ils nous aient dit ça, nous avons préféré mettre ça dans les effets secondaires des médicaments »

« Stock suffisant »

« Il n’y a jamais eu de rupture de stock. Peut-être il y a eu de mauvaises informations qui ont circulé. Au tout début, nous n’avions pas donné de médicament parce qu’il n’y avait aucune étude. Deuxième étape, on ne connaissait pas la procédure la plus rapide, la plus optimale pour bénéficier des médicaments. C’est ainsi que j’ai appelé la directrice de la Pharmacie nationale d’approvisionnement et elle a agi avec une grande célérité en me livrant directement les médicaments sans aucune lourdeur administrative. Depuis cette date, nous n’avons eu aucun problème de médicament.

« Plusieurs décès en quelques jours … Problème de prise en charge ? »

« Les décès au Sénégal, quand on les regarde bien, c’est très difficile de les imputer à une mauvaise prise en charge. Vous avez suivi les médias, il y a eu des personnes décédées à domicile, un décès durant le transport, un décès à l’hôpital avant même que la prise en charge ne se fasse. Ici au niveau de la réanimation, tous les malades qui sont décédés avaient des antécédents très lourds. C’est des patients d’un certain âge, qui avaient des comorbidités et qui étaient sous ventilation mécanique. Tous ces facteurs font que ce sont des patients dont le pronostic est réservé. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas les sauver, mais difficilement. Il ne faut pas occulter le fait que des personnes qui avaient des pathologies extrêmes graves (détresse respiratoire, embolie pulmonaire) sont quand même sorties vivants de cette réanimation. On oublie souvent cela.

« Et dans les régions? »

« Dans les autres régions, en faisant ma tournée, ils ont moins de moyens pour la prise en charge des cas graves. Mais pour la prise en charge des cas peu sévères, ils sont aussi outillés que nous. C’est pourquoi je vous dis qu’on ne traite pas mieux les malades ici à Fann qu’à Touba où qu’à Sédhiou. C’est le même type de traitement, la même surveillance par des personnes qui ont la même compétence. La différence peut se faire au niveau des cas graves. C’est pour ça que je salue l’initiative du ministère de la Santé d’insister pour que Ziguinchor soit vraiment bien équipé pour constituer le pôle qui va prendre en charge les cas de la zone environnante. La même chose va être faite pour Tamba, avec le temps il va falloir équiper toutes les régions… »

« Vaccin, traitement à base d’artémisia »

Ça ira dans tous les sens pendant un bon bout de temps. Mais j’avoue que quand on me pose une question de ce type, citant un nom, je ne réponds pas parce que ça amène des polémiques inutiles.

Il faut reconnaître, de manière indiscutable que créer un vaccin contre une maladie non-immunisante, est extrêmement difficile. Prenez l’exemple du paludisme. Ce n’est pas une maladie immunisante. Ça entraîne une immunité transitoire et incomplète, une prémunition. Mais on travaille sur ce vaccin depuis des décennies. Des milliards ont été dépensés et ça a abouti à quoi ? Un vaccin peu efficace, qui protège peu de personnes et jusqu’à présent, n’est même pas commercialisé. La difficulté de créer un vaccin contre une maladie non-immunisante est réelle.

Je n’ai jamais parlé au Pr Didier Raoult, je ne l’ai jamais rencontré, mais je connais ses écrits. Il a écrit un livre sur les vaccins ; donc, il n’est pas en terrain inconnu. Quand il y a trop de discussions, il faut aussi tenir compte de la stature de la personne qui parle.
Quoi qu’il en soit, rien n’est impossible pour l’homme. Dieu a doté l’être humain d’une intelligence extraordinaire. Je me dis que c’est toujours possible qu’un jour ou l’autre, on trouve une méthode qui permet de trouver des vaccins contre ces maladies dites non-immunisantes. Mais en tenant compte des données actuellement disponibles, c’est difficile. C’est le cas du VIH. On travaille sur le vaccin. Chaque dix ans, on vous dit que le vaccin c’est dans dix ans. C’est problématique.

Le remdesivir, un médicament proposé par un grand laboratoire américain que je connais très bien pour avoir fait les meilleurs traitements contre l’hépatite B, l’hépatite C, le VIH…l’étude avec le remdesivir aux Etats-Unis montre que c’est efficace pour réduire la durée d’hospitalisation de quatre jours. C’est intéressant. Mais au même moment, les chinois ont publié dans le Lancet, l’une des plus grandes revues au monde, une étude qui dit que le remdesivir n’est pas efficace. C’est comme ça que ça va continuer.

L’hydroxychloroquine, c’est pareil. Des gens vous diront que c’est efficace, d’autres vous diront le contraire. Mais quoi qu’il en soit, c’est l’honnêteté qui doit primer. Nos résultats peuvent être différents d’autres résultats parce que nous n’avons pas les mêmes patients forcément. C’est pourquoi comparaison, n’est pas forcément raison. On doit être honnête, être souple, être capable de réviser ses positions devant des preuves. J’insiste là dessus car j’ai particulièrement été peiné de voir un article qui m’a d’ailleurs été envoyé par un très grand professeur pour me dire que l’hydroxychloroquine n’est pas efficace. Cet article qui va être publié dans l’une des plus grandes revues au monde, a été écrit par des ophtalmologues et non par des infectiologues. Il y avait un biais de sélection, on prenait des malades on les mettait sous hydroxychloroquine pour dire à la fin que l’hydroxychloroquine était associée à beaucoup de décès…Il n’y avait même pas de charge virale dans l’article. On étudie une maladie virale, on ne fait pas la charge virale ? Il y avait des erreurs même au niveau des tableaux et beaucoup d’autres choses. C’est extraordinaire. Quand on est contre une démarche, on trouve toutes les failles, mais quand on est avec une démarche, on ne cherche même pas les failles. C’est dérangeant de faire des communications qui montrent qu’il y a quelque part une manipulation de donnée et une mauvaise foi »

« Quid de l’artémisia »

« L’artémisia agit sur certains virus. Au laboratoire, ça agit même sur le virus de l’hépatite B. On peut donc supposer que ça agit sur le COVID-19. Mais en réalité, on n’en sait rien. En tant que chercheur, il faut que le médicament puisse agir au niveau du laboratoire, qu’il agisse aussi chez l’être humain avant que je ne puisse prendre de décisions. C’est ce que j’ai fait avec l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. On sait que ça agit au niveau du laboratoire depuis longtemps. Les Chinois l’avaient démontré d’ailleurs. On sait que ça agit chez l’être humain à partir d’une étude préliminaire avec toutes ses imperfections. Mais là (avec l’artémisia), je n’ai pas tous ces éléments.

Donc, je ne peux pas l’utiliser comme ça. Il me faut faire cette étude-là. Mais quelqu’un qui n’est pas dans ma position, a le droit de le considérer comme un complément alimentaire et de l’utiliser. Un complément alimentaire ne nécessite pas une ordonnance. On peut aussi proposer d’autres types d’études plus légères. J’en profite pour parler du Pr Bassène qui est une référence dans ce domaine. Il pourrait trouver des méthodes assez simples, moins contraignantes pour nous dire très rapidement (il faut qu’on collabore ensemble) est-ce que c’est efficace ou non. Quoi qu’il en soit, il a été trouvé efficace à Madagascar, mais on peut trouver d’autres résultats. Il est difficile de se baser sur les résultats des autres pour avoir une démarche.

J’ai appris que le Directeur de la Pharmacie a déjà reçu un échantillon et qu’il est en train de travailler là-dessus pour voir comment faire une évaluation scientifique de l’artémisia »

« Stratégie de communication »

« Pour moi, il ne fait aucun doute que la communication est bonne. Bien sûr, il faut toujours améliorer et réadapter. Quand on communique, on doit tenir compte de plusieurs aspects. Y a des spécialistes de la communication qui pensent qu’on doit toujours utiliser leurs techniques et des praticiens qui pensent qu’il faut juste donner un message médical ou des personnes expertes en matière de sciences sociales qui pensent qu’il faut tenir compte de ce que ces sciences disent. Il faut que toutes ces personnes se réunissent pour voir quel message dégager. C’est ce qui a été fait. Au niveau du ministère de la Santé, il y a toutes les sensibilités. Dans la délivrance des messages, on peut trouver qu’il faut réadapter tel message ou tel autre message. Mais en tout état de cause, la base doit être la sincérité et la vérité. Vous pouvez donner un message que les gens peuvent percevoir comme inquiétant et que d’autres personnes peuvent percevoir comme rassurant. Quand par exemple je dis depuis le début de l’épidémie, il ne faut pas entrer dans une dramatisation excessive, c’est vrai parce que le nombre de personnes qui meurent de cette maladie, est relativement faible. Mais quand je dis ensuite que la gravidité est liée au nombre, ça c’est une vérité. On l’a vu. Plus le nombre de cas augmente, plus on a des décès.

Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes des êtres humains comme ceux qui sont dans les autres pays. Si vous avez des centaines de milliers de morts en Europe où ils ont tous les moyens, si on est dans la même situation qu’eux, on pourrait avoir autant de dégâts. Nous avons peut être une population jeune mais notre plateau technique est moins bon. En Allemagne, vous avez 10 000 laboratoires qui font des tests, au Sénégal, ils sont deux. Si eux, avec tous leurs moyens, ils ont subi toutes ces conséquences, nous, malgré nos avantages, on pourrait subir les mêmes conséquences. Donc, il ne sert à rien de dire aux gens ‘quel que soit le nombre de cas, ce n’est pas grave, c’est une banale grippe’. Vous leurs dites ça, ils voient les gens mourir, ça pose des problèmes. Il ne faut pas mentir ou se mentir. Vous vous rappelez dans les communications du ministre, on dit les malades sont stables et le lendemain quand on annonce un mort, les gens se posent des questions. Mais en réalité, un malade peut être stable, s’aggraver et mourir. Donc, il n’y avait pas de mensonge dans le communiqué. Le ministère a tenu compte de cette réaction et a réadapté le message »

« Immunité collective »

« Est-ce que la maladie est immunisante ? À l’heure actuelle, ce qu’on peut dire, c’est qu’elle n’est pas immunisante et on me parle d’immunité collective. On dit que quand 70% des personnes ont une immunité, ça pourrait protéger toute la population. C’est une donnée, mais elle n’est pas absolue. Dans cette pathologie-là, on peut le supposer.

Si tous les sénégalais sont infectés, même avec 1% de létalité, ça fait plus de 100 000 morts. Qu’est-ce que ça signifie pour un pays ? Je pense que les gens doivent réfléchir aux messages qu’ils transmettent. On dit qu’il faut protéger les personnes âgées mais quelqu’un peut être infecté sans le savoir. De retour chez lui, il ne peut pas prendre de précautions. Nous avons ici un jeune qui était malade, qui a infecté son père qui est décédé (…) Il n’y a pas d’immunité collective. Je suis absolument opposé à cela. Y a des pays qui l’ont fait et qui l’ont regretté.
Quant au confinement physique, il est efficace. D’abord pour une raison que n’importe quelle autre personne peut comprendre. Si vous vous enfermez chez vous, le virus ne peut pas vous trouver parce que le virus ne circule pas sans la personne. Vous ne sortez pas à la rencontre de personnes malades, vous êtes protégé, c’est aussi simple que ça. Ça a été fait en Chine, à Wuhan et les résultats ont été vus à partir de la deuxième semaine. Ça a été fait en Italie, les résultats ont commencé à être notés à partir du dixième jour. Dans une revue scientifique connue par tout le monde, Nature, il y a un article qui montre que le confinement est efficace. C’est une question de logique. J’ai dit dans cette maladie. Dans l’exemple de la grippe, les études ont montré que le confinement n’était pas efficace. Mais vouloir transposer ça au COVID-19, ça pose problème.

Maintenant, ce qu’il faut dire, c’est ce que le confinement doit être fait ici au Sénégal. À l’heure actuelle, je dis non. Avant je disais qu’on pouvait arriver au confinement parce que si on devait avoir 100 000 morts, peut être que l’Etat aurait préféré un confinement physique avec toutes les difficultés plutôt que d’avoir sur les bras des dizaines de milliers de décès. Mais actuellement, nous avons le port de masques généralisé, il n’y a plus lieu de penser au confinement (…) Si vous faites un confinement pour éviter 50 morts et qu’à la fin vous ayez 500 000 morts de pauvreté, ce confinement n’aura pas été utile (…) L’Afrique ne doit plus penser à cela car on a démontré que le port du masque est efficace »

« Réouverture des classes »

« Tout est question de balance. Dans cette situation, ce n’est pas le technicien qui doit avoir le dernier mot. Le technicien dit ce qu’il pense mais il y a vraiment une balance à faire. Perdre une année, c’est vraiment catastrophique pour un pays. Si les autorités ont décidé cela, c’est qu’elles ont tenu compte de beaucoup de choses parmi lesquelles le poids de la maladie, le risque d’avoir une année blanche…Maintenant si l’ouverture est faite, il va falloir que des mesures soient accompagnées pour éviter la transmission du virus ».

« L’engagement du président de la République »

« L’engagement du président de la République ne souffre d’aucun doute. Il n’est pas recommandé de mettre sur la place publique les propos du chef de l’État, mais je pense que c’est un secret de polichinelle de dire que le président avait mentionné dans son allocution lors du premier Conseil présidentiel, qu’il donnerait tous les moyens pour la lutte contre cette épidémie, qu’il n’y avait pas de problème d’argent. Ce qu’il a dit, il est en train de le faire. Je le remercie parce que je ne connais que le secteur de la Santé (…) Il a décidé de m’appuyer dans la construction du nouveau service des maladies infectieuses. Je n’ai pas demandé. C’est lui qui a proposé. Quelqu’un qui ne veut pas aider le secteur de la santé ne va jamais agir de la sorte. C’est un bâtiment que vos collègues ont vu tout à l’heure. Donc le financement sera fait à partir de ce que son Excellence voudra bien faire, avec l’appui de la Banque islamique de développement avec la garantie de l’État. Il y a un autre financement que j’avais personnellement trouvé auprès de mes partenaires et ça m’a permis de démarrer le chantier (…) dans le cadre de cette lutte, la balle est dans notre camp, nous acteurs de la Santé et dans le camp de la communauté »
« L’apport du nouveau centre des maladies infectieuses »

« Moi je rêve de ce service depuis que je suis chef du
service des maladies infectieuses…je ne vais pas revenir sur tous les sacrifices, toutes les souffrances pour obtenir le premier financement. Mais ce centre sera un centre d’excellence, l’un des meilleurs en Afrique, moderne qui va respecter toutes les normes de standard au niveau international. Toutes les cabines seront individuelles ; nous aurons des espaces pour la recherche, pour l’enseignement, au moins un amphithéâtre de plus de 300 places. C’est un centre que tout infectiologue rêve d’avoir, qui sera installé. Pour le post-Covid, nous sommes heureux de tous les efforts faits çà et là, mais plus particulièrement, le président de la République et la Banque islamique de développement.. »

Top 10 de l'info

Haut