Rapatriement de dépouilles : la cour suprême dit non aux familles des personnes décédées du coronavirus à l’étranger
La sentence est tombée. Les personnes décédées de Coronavirus à l’étranger ne seront pas rapatriées. C’est du moins la décision prise par le président de la chambre administrative de la Cour suprême Abdou Ndiaye qui s’est penchée sur l’affaire, ce jeudi.
Lors de cette audience, les avocats des requérants ont été les premiers à prendre la parole pour faire leurs observations. Et c’est Me Amadou Aly Kane qui a ouvert le bal.
L’avocat a soutenu que l’article 85 de la loi organique garantissant le droit de la dignité humaine a été violée par le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr et celui des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Amadou Ba. Lesquels ont pris des décisions interdisant le rapatriement des corps des sénégalais décédés du Covid-19 à l’étranger. Or, pour l’avocat, chaque personne a le droit de choisir son lieu de repos éternel et de bénéficier des rites funéraires, selon sa religion.
Mieux, la robe noire pense aussi que cette décision prise par les autorités administratives viole le principe de l’égalité des citoyens. Ce, parce que lorsqu’un sénégalais de l’intérieur décède du Covid-19, malgré le caractère contagieux de la maladie, il est conduit à sa dernière demeure et enterré dans les conditions de son choix. Ce droit, regrette-t-il, on le dénie aux sénégalais de la Diaspora alors qu’ils sont tous égaux devant la loi. « Toute personne a le droit de quitter son pays, d’aller dans un autre pays et de revenir dans son pays vivant ou mort. Aujourd’hui, ce droit est restreint. Il n’est pas possible de restreindre lorsque la loi ne vous permet pas de restreindre. Les autorités qui ont pris cette décision n’ont aucune habilitation pour restreindre les libertés des gens même lorsqu’on est en période de pandémie », a plaidé Me Amadou Aly Kane qui estime que cette décision est dépourvue de base légale.
Son confrère, Me Assane Dioma Ndiaye a abondé dans le même sens. A son avis, cette décision prise par les autorités n’est pas motivée. Donc, elle est manifestement illégale et porte atteinte aux droits fondamentaux des sénégalais.
« Les mesures sont attentatoires à la liberté mais elles sont justifiées »
L’agent judiciaire de l’Etat a pris le contre-pied des avocats de la défense. Selon lui, les requérants oublient que nous ne sommes pas dans le cadre d’une situation normale. Nous sommes, rappelle-t-il, dans le cadre d’une situation exceptionnelle qui impose des mesures exponentielles. Et indique que dans le cadre de l’état d’urgence, il y a la restriction des libertés individuelles et publiques et il y a un l’élargissement des pouvoirs des autorités administratives. « Les mesures qui ont été prises sont certes attentatoires à la liberté mais, ce sont des mesures justifiées. L’autorité administrative a le droit d’interdire la circulation des personnes qu’elles soient vivantes ou décédées », a déclaré l’agent judiciaire de l’Etat. Qui rappelle que toutes les mesures qui ont été prises par l’Etat l’ont été sur la base de recommandations du comité national de gestion des épidémies. Ainsi, il sollicite le rejet de la requête introduite car étant mal fondée.
« Nous sommes tous confinés… »
Dans son réquisitoire, l’avocat général a reconnu que les droits des requérants ont été violés mais, à son avis, dans la situation actuelle le seul combat qui vaille est de faire face au virus qui dicte sa loi, son temps, son espace et même notre manière de juger. « La justice est en mode confinement avec des audiences confinées, à huis clos. Nous sommes tous confinés par le virus y compris dans l’exercice des droits les plus élémentaires. Que savons-nous de ce virus ? La seule constance c’est que des milliers de personnes sont infectées et qu’il n’y a pas encore de remède pour le virus. Dans ce contexte, il me semble nécessaire de faire preuve de beaucoup d’humanité en faisant fi de nos intérêts personnels du moment », a expliqué l’avocat général qui a requis le rejet de la requête. Il a été suivi à la lettre par le président de la chambre administrative de la Cour suprême, Abdou Ndiaye.
Avec emedia