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« C’est un message d’adieu » : le secret du dernier tableau de Van Gogh

le dernier tableau de Van Gogh
le dernier tableau de Van Gogh

Un groupe d’une petite cinquantaine de personnes, dont nous faisions partie, s’est retrouvé, mardi 28 juillet, dans la commune d’Auvers-sur-Oise dans le Val-d’Oise. Parmi eux, deux invités de marque : Vincent Willem van Gogh, l’arrière petit-neveu du peintre Vincent van Gogh et Emilie Gordenker, directrice du musée Van Gogh d’Amsterdam. La raison de cet événement ? Quelques souches biscornues, racines apparentes, au bord d’une petite route à deux pas de la mairie d’Auvers-sur-Oise, devenues, en l’espace de quelques semaines, l’objet de toutes les attentions d’une poignée d’historiens de l’art.

Pas n’importe quelles souches. Selon l’Institut Van Gogh, association œuvrant à la préservation de la mémoire de Vincent van Gogh, ces racines auraient servi de modèle au dernier tableau peint par l’artiste, le 27 juillet 1890, une toile inachevée intitulée Racines.

Le peintre de 37 ans qui séjournait à Auvers-sur-Oise, se donne la mort ce soir-là d’une balle dans la poitrine. Il succombe, deux jours plus tard, après d’atroces souffrances, dans sa chambre de l’Auberge Ravoux. 130 ans se sont écoulés et la découverte du site de la toile Racines, inauguré à Auvers-sur-Oise mardi, semble dissiper le nuage de mystère qui entoure cette ultime journée.

Un heureux hasard

Cette découverte est le fruit d’un heureux hasard, raconte le chercheur Wouter van der Veen, directeur scientifique de l’Institut Van Gogh. « On était en confinement et je n’avais pas grand-chose à faire, je me suis donc mis à ranger des dossiers », relate-t-il. Parmi eux, deux douzaines de cartes postales anciennes (entre 1900 et 1910) d’Auvers-sur-Oise, que le chercheur numérise. Un jour, son regard s’égare sur une de ces cartes. En l’apparence, rien d’exceptionnel : en noir et blanc, une route, un individu traîne son vélo crevé. Sur la droite, on observe un taillis à flanc de coteau avec des troncs et des racines apparentes. La légende indique « Auvers-sur-Oise – Rue Daubigny ». Cette image retient soudainement l’attention du chercheur. Il voit, à travers les racines de cette photo, celles peintes par l’immense Vincent van Gogh quelques heures avant son suicide.

« Quand on commence à voir cela, forcément il faut se méfier », ironise le chercheur. Dans un premier temps, Wouter van der Veen cherche sur la carte postale ce qui pourrait infirmer sa théorie. Mais en analysant l’image de plus près, plusieurs détails vont évacuer ses doutes : la boursouflure d’une racine, la disposition reconnaissable de certains troncs, ainsi qu’une forme de couleur ivoire à droite du tableau qui se révèle, sur le terrain, être un mur de calcaire, « toujours visible aujourd’hui », explique-t-il.

« Comment envisager une seule seconde que ce taillis puisse être encore là 130 ans plus tard ? C’est invraisemblable ! » s’exclame Wouter van der Veen d’une voix passionnée. Pour en avoir le cœur net, le chercheur se rend sur place, une fois le confinement levé, accompagné du président de l’Institut Van Gogh, Dominique-Charles Janssens. Beaucoup de choses ont disparu mais il retrouve, rue Daubigny, les vestiges du modèle.

Feu vert du musée d’Amsterdam

Très vite, Wouter van der Veen fait part de son hypothèse au musée Van Gogh d’Amsterdam. Un travail de validation est alors confié aux chercheurs du musée, Louis van Tilborgh et Teio Meedendorp, épaulés par un dendrologue (science de la reconnaissance des arbres) et spécialiste des forêts historiques. En se basant sur la technique artistique de Van Gogh et en comparant le tableau, la carte postale et l’état actuel du taillis, ils ont pu conclure qu’il s’agit « très vraisemblablement » du bon endroit. « Wouter m’a appelé pour me faire part de sa découverte », se rappelle Teio Meedendorp. « Je connaissais cette carte postale, mais jamais je n’aurais pu penser qu’il s’agissait DES racines », confie-t-il.

« On sait maintenant ce que Van Gogh a fait le jour de son suicide », affirme Wouter van der Veen. La connaissance du lieu, couplé à une étude des couleurs de la peinture « caractéristique, à cet endroit, de la fin de journée » permet, selon l’expert, d’en déduire que Van Gogh aurait peint toute la journée devant ces racines avant de mettre fin à ses jours. Pour le chercheur, cette découverte ne se limite pas à une reconstitution des faits, mais permet de mieux interpréter l’œuvre qu’est Racines. « Il était difficile, au début, de savoir ce que représentait cette toile », abonde Teio Meedendorp. « On avait réussi à déterminer qu’il s’agissait de racines, mais on pensait qu’il serait impossible de trouver l’endroit exact à Auvers-sur-Oise. Maintenant on sait tout de ce tableau », sourit-il.

Pour Wouter van der Veen, Racines prouve également que le suicide de l’artiste n’est pas dû à une crise de démence dont Van Gogh était parfois victime. « Vincent van Gogh réfléchissait longtemps à ses toiles », expose-t-il. « Pour faire un tableau avec une composition si complexe, il faut avoir toute sa tête ». Pour l’expert, cela « éloigne l’idée d’un Vincent van Gogh qui, ce jour-là, ne savait pas ce qu’il faisait. Son geste ultime [son suicide] a été commis de manière consciente et lucide ».

Comme Teio Meedendorp, Wouter van der Veen voit même dans Racines une « lettre d’adieu en couleurs » de l’artiste. « Je voulais exprimer, tant dans cette figure de femme blême et mince que dans ces racines noires et bougonnes avec leurs nœuds, quelque chose de la lutte pour la vie », raconte Vincent dans une lettre adressée à son frère Théo en 1882, évoquant deux de ses travaux de l’époque.

Wouter van der Veen l’admet, il ne peut pas être à « 100% sûr » que l’endroit trouvé a bien servi de modèle au peintre. « Il restera toujours 1% de doute » sur la validité de cette découverte, lâche-t-il. « Maintenant, si quelqu’un a des racines dans son jardin et peut prouver que ce sont celles peintes par Van Gogh, je ne serai pas fâché », s’amuse-t-il.

Avec Francetvinfo

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